Le Lune brillait encore, tout là haut, pendant que moi, tout en bas, j'arpentais les rues de Séoul, le cœur presque léger.
Légèreté. Quel beau mot. Pour mon cœur, il signifiait oublier le mal qui le ronge, et flotter à la lumière de la Lune, heureux de battre à nouveau chaque soir, pressé de battre le suivant. Ça vient avec les étoiles, ça entoure avec le vent. C'est dans mes cheveux qui me caressent la nuque a chaque mouvement, c'est dans les feuilles des arbres qui murmurent à mon passage, et surtout, c'est dans les regards. Les yeux disent bonjour, ils sourient, aiment, puis oublient, et ce pour toujours. Pourtant, il n'y a personne pour me regarder, la nuit.
Et chaque matin, quand le jour se lève, la légèreté s'enfuit avec lui, seulement vivante à la lumière de la Lune. La clarté ne lui correspond pas, alors elle part, et moi, je reste. Je reste et j'attends, plus ou moins patiemment, qu'elle soit de retour. J'attends en vivant à peine, en mettant mon cœur en pause, et je compte chaque seconde, chaque minute, chaque heure qui passe sans que je vive vraiment.
C'est ce qui s'était passé, cette après-midi là. J'avais dérapé. La nuit s'était terminée bien trop vite, et pourtant, mes pensées étaient restées claires quelques heures, un record. J'avais fait des courses, j'avais nettoyé l'appartement, puis j'avais dormi. Sauf que quand je m'étais réveillé, peu après midi, ça n'allait plus. Je m'étais précipité à la cuisine pour engloutir les trois paquets de gâteaux que j'avais achetés un peu plus tôt. C'était la première nourriture que j'avalais depuis des jours, et je n'avais pas réussi à me contrôler. Mon esprit était embrouillé, mes oreilles sifflaient et mon corps me brûlait. Je m'étais effondré sur le parquet, et ma tête s'était écrasée à la suite de mon corps. Allongé sur le dos, les mains crispées sur la poitrine, je tentais de la transpercer pour me saisir de mon cœur et le forcer à s'arrêter. Il battait trop vite, beaucoup trop vite, chaque inspiration me brûlait. Ce que j'avais mangé remonta d'un seul coup, et je fis l'effort surhumain de lever la tête pour vomir sur le côté.
Une dizaine de minutes, les yeux pleins de larmes, je m'étais levé difficilement et m'étais assis à même le carrelage de la douche, que j'avais allumé. L'eau, d'abord gelée, atterrit sur mon crâne, glissa sur mon visage, entra dans mes yeux, mes narines, dans ma bouche. Elle devint bien vite brûlante, et je ne m'empêchai pas de sourire. C'était affreux. Je sentais la chaleur. Je sentais le carrelage brûlant. Je sentais ma peau craqueler, libérant ma chair et mon sang, qui se répandit rapidement autour de moi, se mêlant à l'eau. Bien vite, il fut avalé par le tourbillon d'eau, et je poussais un cri avant de me relever d'un coup. Mon sourire avait disparu. Comment allais-je faire sans mon sang ?
Je ne m'étais pas senti tomber. Quand j'avais ouvert les yeux, plus tard, je n'avais pas compris ce que je faisais allongé là, trempé et grelottant sur le carrelage de la salle de bain. J'étais sorti sans prendre la peine de me sécher, et à chacun de mes pas résonnait le son des gouttes d'eau qui s'écrasaient à ma suite. Debout face à la porte fenêtre, les yeux grands ouverts, j'observais la ville. En face, de l'autre côté de la rue, je pouvais apercevoir un jeune homme avachi sur un fauteuil, trop occupé à grignoter des chips pour me remarquer. Mais quand le paquet fut fini, il leva les yeux et me vit. Il se figea puis quitta son salon précipitamment. Je l'attendais quelques minutes, mais il ne revint jamais. Une larme coula le long de ma joue, je me détournais.
Un sourire triste plaqué sur le visage, les yeux écarquillés pour tenter de distinguer mes doigts à travers les larmes, j'observais la flamme du briquet s'abaisser lentement sur la jolie lampe de bois qui décorait le buffet de mon salon. Quand la flamme la toucha, rien ne se produisit, jusqu'à ce que le feu enserre le cylindre de ses bras brûlants. De la fumée s'éleva rapidement, je restais ainsi, le nez bien trop proche du feu. Une odeur désagréable se répandit dans l'appartement, je m'en délectais jusqu'à ce qu'au loin, une porte ne s'ouvre et qu'un juron ne retentisse, me sortant de ma trop rare joie depuis leur mort. Quelqu'un m'attrapa par le col de ma chemise, et je fus projeté en arrière, sans même avoir tenté de me défendre. Ce quelqu'un, c'était elle, Jia. N'était-elle pas trop jeune pour avoir ensuite noyé les flammes, arraché de mes doigts serrés le briquet, puis l'avoir jeté au sol ?
— Merde, Jisung ! Faut te faire soigner !
N'était-elle pas trop jeune pour m'avoir hurlé ces mots, puis s'être enfuie de l'appartement sans une larme ? C'est ce qui m'avait fait croire qu'elle n'était pas si brisée. Elle vivait sa vie sans mon aide, allait à l'école, et elle avait la maturité d'une adulte. Sauf que tout ce que je me disais, c'est qu'elle était bien égoïste. Je pensais vraiment qu'elle était indifférente à la mort de ses parents. J'en étais presque jaloux. Je souffrais tellement…
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SESAME | Minsung
Fiksi PenggemarJ'aimais dire qu'après la mort de ses parents, j'avais aidé ma nièce à se relever et à vivre à nouveau. J'aimais le répéter jusqu'à le croire. Pourtant, ce n'était qu'un pathétique mensonge. J'avais fui, pour au final revenir. Je n'aurais pas dû. El...