Mon cœur vibrait à cent à l'heure. L'horloge de la cuisine indiquait 15h30. Plus que quelques minutes et...- Je ne veux pas y aller.
Mon père posa son regard sur moi, l'air de dire : "Sérieusement ? Tu recommences ?". Son expression n'indiquait pas une once de pitié pour moi.
- Tu ne seras pas seule Vic, ta mère a sûrement très envie de te revoir ! Vous allez passer du temps toutes les deux, faire du shopping, des sorties...
Bien sûr, il n'évoquait pas le fait que j'allais passer la moitié de mon temps en cours, dans un lycée que je ne connaissais pas, avec des bourges plein aux as et une insociabilité qui prendrait le dessus sur ma personnalité.
Pour lui, tout était parfait. Il laissait sa pauvre fille aux mains de sa mère qu'elle n'avait pas vue depuis des années, et il partait faire le tour du monde avec sa nouvelle bimbo rencontrée il y a à peine quatre mois.
- Oui, ma chérie, tu dois beaucoup manquer à ta chère maman, rajouta celle-ci.
Elle ne pouvait pas se taire deux minutes ? Toujours collée à mon père, voilà qu'elle me le prenait pour un an, voire deux. Cette idée de voyager, ça n'a jamais été celle de mon père ; il est malade dans les transports. Quand il se rendra compte que sa nouvelle copine profite de lui et de son argent, il reviendra vite se réinstaller en Caroline du Nord.
Les cliquetis de l'horloge crissent dans ma tête, je n'entends plus que ça. La pièce est vide, nos pas et nos voix résonnent dans l'atmosphère de mort qui règne ici. Les cartons sont en train d'être mis dans un camion par les déménageurs, c'était la dernière fois que je m'asseyais sur cette chaise, dans cette cuisine.
L'idée de partir loin d'ici, de mes amis et de mes habitudes me terrifiait, mais celle d'un renouveau m'attirait. Partir à l'autre bout du pays pour une nouvelle vie, ce serait un moyen de devenir une autre personne. Quelqu'un que personne ne connaîtrait, une fille beaucoup plus branchée que celle qui resterait dans l'Etat de mon enfance. Parce que oui, cette fille-là, je ne l'emporterai pas avec moi. Elle n'était pas la bienvenue à New York, ville de tous les possibles.
Dans la voiture, tous mes souvenirs de la vie que j'allais quitter me trottèrent dans la tête. J'avais dit au revoir à tous mes amis, mais je leur avais promis de revenir l'année prochaine.
Je n'étais pas sûre de pouvoir tenir ma promesse.
Le trajet fut long, mais New York, le soir, offrait un paysage plus qu'incroyable. Les lumières de la ville se reflétaient sur le sol mouillé à cause de la pluie et les bâtiments formaient un ciel étoilé tant les fenêtres à travers lesquelles la lumière passait étaient nombreuses. J'avais l'impression de me retrouver dans un film, l'air frais me fouettant le visage à travers la vitre ouverte, la musique de mes écouteurs me faisant rêver et imaginer tant de scénarios possibles.
La voiture s'arrêta devant une petite maison qui avait l'air d'être habitée par un vilain de dessin animé. Ma mère sortit de cette habitation dans laquelle il ne semblait pas y avoir beaucoup de vie. Les murs extérieurs étaient sales et abîmés, et les murs intérieurs... à vrai dire, c'était à peine s'il y en avait.
- Quand est-ce que les travaux seront finis ? Demanda mon père à ma mère, en s'inquiétant de me laisser vivre dans ce foutoir.
- Pas avant le mois prochain, Adam.
Elle baissa la voix pour s'adresser à mon père, comme si je n'allais pas entendre.
- Tu aurais dû me dire que tu m'apportais Vic. J'aurai loué un appartement, mais après la rentrée scolaire, tu sais bien que c'est impossible à trouver.
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The Moon Perspective
RomanceVictoria habite en Caroline du Nord avec son père lorsque celui-ci décide de faire le tour du monde avec sa nouvelle femme. Victoria n'a alors plus le choix, elle doit partir vivre chez sa mère, à New York, pour l'année. Malheureusement, sa mère ne...