Chapitre 3

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Paris, le 10 août

Marchant d'un bon pas vers l'hôpital de Port-Royal Jeanne était complètement perdue dans ses pensées. Depuis quelques jours les rumeurs allaient bon train que tous les internes allaient être mobilisés pour soigner les soldats sur le front. Les langues les plus hardies affirmaient même que les internes partiraient avec un statut de médecin bien qu'ils n'aient pas encore terminé leur internat, ni écrit leur thèse. Jeanne était décidée, si l'armée se décidait à envoyer ses collègues masculins au front, elle irait aussi. Tout en marchant Jeanne égrenait machinalement les perles de son chapelet dans sa poche. Elle savait que tout cela ne serait pas facile, que si elle décidait de rejoindre la guerre ses parents s'y opposeraient de toutes leurs forces. Elle savait aussi qu'être médecin est un métier des plus mal vu pour une jeune femme. Elle savait enfin qu'elle ne devait sa place qu'au laxisme de son père qui n'avait jamais eu cœur à lui interdire quoi que ce soit.

Lorsqu'elle pénétra dans la salle de repos des médecins l'agitation était à son comble. Les hommes parlaient fort et les quelques infirmières présentes se chamaillaient pour tout comprendre.

« - Les ordres de mobilisation des médecins et des internes sont arrivées ! Lui glissa l'un des jeunes hommes lorsqu'elle entre dans la pièce, nous partons demain avec des ambulances et des réserves de médicaments !

- Ça alors Guy ! Je vous envie ! Savez-vous où se trouve le professeur Parrot ? »

Le fameux Guy lui indiqua de la main le bureau du vieux professeur. Jeanne se faufila entre les autres internes, tous plus agités les uns que les autres. Elle frappa doucement à la porte. « Entrez » cria une voix bourrue depuis l'intérieur.

« - Bonjour Professeur, dit Jeanne, les ordres de mobilisions et des internes sont arrivés. Ils vont partir dans les jours à venir. »

Le vieil homme se frotta la tête d'un air las :

« - Eh oui Jeanne. La revoilà la guerre, celle qui va nous enlever les êtres aimés, celle qui va détruire notre belle campagne de France et celle qui va nous faire détester plus que tous nos frontaliers. Ils sont tous ravis de partir, d'aller servir la France et de mettre en œuvre leurs capacités de médecins mais moi, vieux comme je suis, tout cela me rend particulièrement las.

- Professeur, je veux partir moi aussi.

- Jeanne, enfin vous n'y pensez pas ! s'écria le professeur en se relevant brusquement de son bureau

- Si. Je ne vais pas laisser mes frères, mes cousins, mes amis partirent sans rien faire. Je n'ai pas appris toute cette médecine pour soigner des rhumatismes de bonne femme. Je ne peux aller combattre dans les tranchés mais je peux soigner, et Dieu sait combien il y en aura sûrement besoin. Professeur ma décision est prise, j'ai simplement besoin que vous convainquiez l'armée de m'envoyer un ordre de mobilisation. Si je m'engagerai volontairement.

- Jeanne ne me demandez pas cela. Vous avez vingt-trois ans, une fraiche jeunesse qui ne mérite que d'apprendre encore, de découvrir le monde, pas de partir au combat, soigner des pauvres bougres dans des hôpitaux de fortune. Je refuse Jeanne, je ne peux pas faire cela.

Jeanne commença à faire les cents pas dans le bureau du professeur en tempêtant :

- C'est vous qui ne cessez de nous répéter que la médecine est un don complet de soit pour les malades, qu'il ne s'agit pas uniquement d'être de bons scientifiques mais que nous devons être partout où des gens qui souffrent. Professeur j'ai écouté toutes vos leçons, je les ai faites miennes. Je ne veux pas rester au chaud à Paris alors que la guerre fait rage à nos portes, je veux y aller. »

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