Kaveh eut toutes les peines du monde à trouver le sommeil. Il finit par s'endormir d'épuisement au milieu de la nuit. Mais rapidement, l'agitation qui l'avait habité ces dernières heures vint gagner son inconscient et le plongea dans un cauchemar effroyablement réel.
Dans ses songes, Alhaitham venait de l'embrasser. Kaveh, pris de panique, courut hors de la maison, à la recherche d'air frais. Le scribe lui cria de revenir, mais il ne l'écouta pas. Il continua à courir, traversant les rues désertes de la ville de Sumeru, sans savoir quelle était sa destination. Il ne lui fallut que peu de temps pour se rendre compte qu'Alhaitham le suivait, en lui répétant que c'était dangereux de rester dehors. Sans qu'il ne comprenne comment, il se trouva soudainement dans la forêt tropicale, son colocataire toujours sur les talons. Alors qu'il continuait sa courte poursuite effrénée, il entendit Alhaitham héler encore son prénom mais cette fois, il s'arrêta net dans sa lancée. La voix qui venait de retentir à ses oreilles était teintée d'une telle détresse qu'il ne pouvait pas l'ignorer. Sentant qu'il se passait quelque chose de grave, il fit demi-tour pour retrouver son poursuivant. Il farfouillait à travers les buissons, mais il mettait un temps fou à revenir sur ses pas et alors qu'il essayait de courir toujours plus vite, ses mouvements semblaient ralentis.
Quand enfin il trouva Alhaitham, celui-ci était en mauvaise posture, entouré de fongus. En une fraction de seconde, le plus gros d'entre eux se retrouva soudainement armé de deux sabres verts que Kaveh connaissait bien. Il s'agissait de ceux que possédait Alhaitham. Et sans qu'il ne puisse bouger, il vit le monstre empaler la poitrine du scribe avec les deux armes, transperçant son cœur. La seconde suivante, les fongus et les sabres avaient disparu. Alhaitham gisait sur le sol de la forêt, une plaie béante dans la poitrine.
Kaveh se rua auprès de lui, se jeta par terre, tira le corps inerte de son colocataire à moitié sur ses genoux et essaya d'arrêter l'hémorragie avec ses mains en criant vainement à l'aide. Mais c'était inutile. Alhaitham n'était plus là. Il tenait contre lui une coquille vide, un corps dénué de vie. Alors que des larmes brûlantes dévalaient ses joues, il poussa un hurlement déchirant et se réveilla en sursaut.
Kaveh se redressa dans son lit d'un bond, le cœur battant à toute allure, la respiration haletante. Son corps était parcouru de tremblements incontrôlables et il était en sueur. Il avait si chaud qu'il retira sa couverture d'un coup sec. C'était donc à cela que ressemblait un cauchemar. C'était une étrange expérience, mais ce n'était pas la réalité. Cela lui avait semblé effroyablement réel, mais il ne s'agissait que de son inconscient qui lui jouait des tours. C'est ce qu'il se répétait pour essayer de se calmer, assis en boule au milieu de son lit. Mais très vite, des pensées parasites lui traversèrent l'esprit. Et si, après ce qui s'était passé entre eux, Alhaitham était réellement sorti, malgré les dangers extérieurs ? Kaveh savait que cette supposition était irrationnelle et que le scribe était quelqu'un de raisonnable. Mais la manière dont il l'avait embrassé la veille au soir n'avait rien de rationnelle ou de raisonnable. Et si Alhaitham avait été pris d'un coup de folie ?
Kaveh n'arrivait pas à se calmer. Son corps était toujours en état d'alerte entre son cœur désorienté et ses tremblements. Son esprit, encore à moitié prisonnier de son cauchemar, vagabondait à travers les pires scénarios possibles. La part de lui encore rationnelle savait que c'était idiot, mais il avait besoin de vérifier qu'Alhaitham était à la maison et qu'il allait bien.
Sans y réfléchir à deux fois, il quitta son lit puis sa chambre et traversa le salon jusqu'à la porte de celle d'Alhaitham. Il marqua un temps d'arrêt puis balayant ses dernières hésitations, il abaissa la poignée le plus discrètement possible et glissa sa tête à l'intérieur de la chambre. Il ne voyait rien dans la pénombre, si bien qu'il s'avança de quelques pas dans la pièce, repoussant doucement la porte derrière lui. Il s'arrêta à mi-chemin entre celle-ci et le lit, distinguant enfin la silhouette d'Alhaitham sur le matelas. Il tendit l'oreille et entendit nettement sa respiration. Il sentit son corps se détendre. Évidemment, il allait bien. Tout allait bien.
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Une semaine en suspens
RomanceC'est la panique dans la capitale de Sumeru ! En proie à une situation inédite, la ville subit sans crier gare un confinement d'urgence à durée indéterminée. Pour Alhaitham et Kaveh, deux coloc accros au travail qui ont du mal à se supporter, c'est...