Jour 1

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C'est avec une pleine satisfaction qu'Alhaitham se dirigea vers l'Académie ce matin-là, pensant avec joie au poste de scribe qui l'attendait. Il allait enfin retrouver une journée normale. Le plaisir qu'il ressentait à cette idée effaçait presque la fatigue que sa courte nuit n'avait pas suffi à pallier.

La journée commença comme ses journées de scribe se déroulaient toujours, avec un petit temps dédié rien qu'à lui, qui lui permettait de s'organiser en fonction des réunions auxquelles il devrait assister ensuite. Pour ce faire, il aimait s'installer dans la grande bibliothèque de l'Académie, qui était toujours calme. Pour lui qui adorait les livres et le silence, c'était son havre de paix.

Cependant, alors que cela faisait à peine une heure qu'il était là, il perçut autour de lui une nette agitation qui n'était pas commune. Il était nécessaire de traverser la bibliothèque par l'allée centrale pour rejoindre les bureaux des sages et aujourd'hui, les matras, en charge de la sécurité du pays et de ses habitants, allaient et venaient bien plus que d'habitude avec des visages angoissés. Quand Alhaitham vit Cyno, le Général Mahamatra, chef de tous les matras, se précipiter à la rencontre des sages qui venaient de sortir de leurs bureaux, il comprit que la situation, quelle qu'elle soit, était plus que sérieuse.

Il décida de rester en retrait pour les observer. De là où il était il n'entendait rien, mais leur langage non verbal suffisait à percevoir la tension qui pesait sur eux. Les sages, hauts responsables de l'Académie, écoutaient Cyno en arborant des expressions soucieuses. Alhaitham pensa furtivement qu'il avait bien fait de quitter ses fonctions de Grand Sage. Il les regarda encore un instant alors qu'ils semblaient s'échanger des instructions. Quand Cyno s'éloigna à grands pas vers la sortie, laissant les sages discuter entre eux, il se dépêcha de le rejoindre en l'interpellant.

— Cyno, attends !

L'homme, de petite taille mais imposant par l'aura qu'il dégageait, se tourna vers lui.

— Oh, Alhaitham, tu es là. Tu veux pas prolonger un peu tes fonctions de Grand Sage intérimaire ? Je crois que Sumeru en aurait besoin..., dit Cyno avec une certaine inquiétude.
— Tu sais très bien que ça n'arrivera pas. Dis-moi plutôt ce qui se passe. C'est quoi toute cette agitation ?
— ... Les sages vont pas tarder à faire une annonce officielle, je crois qu'il vaudrait mieux que tu l'attendes comme tout le monde.
— Allez, Cyno, tu sais que tu peux me faire confiance. Je pense que je l'ai suffisamment prouvé.

Le général afficha un air hésitant puis soupira. Alhaitham sut que c'était gagné.

— Bon, très bien. Mais tu n'en parles pas tant que l'annonce n'a pas été officiellement faite. Il ne faut pas créer un mouvement de panique. D'accord ?
— Oui, oui, t'inquiète pas. Je t'écoute.

*

Malgré une nuit courte et plutôt agitée, Kaveh avait réussi à s'extirper de son lit de bonne heure. Lorsqu'il alla dans le salon et qu'il vit la porte de la chambre d'Alhaitham ouverte, il ne fut pas surpris de constater que celui-ci avait déjà quitté les lieux. Il était toujours très matinal.

Après s'être servi un thé bien chaud, Kaveh entreprit de reprendre son travail là où il l'avait laissé la veille. Il se sentait dans de meilleures dispositions, si bien qu'il put avancer. C'était un soulagement, puisqu'il était censé retrouver son client dans l'après-midi pour lui présenter la nouvelle version des plans. Il n'avait que peu de temps mais s'il maintenait son rythme, tout irait bien. Il espérait seulement que cette fois-ci, le client serait satisfait. Il n'était pas sûr de pouvoir encaisser psychologiquement de nouvelles demandes de modifications.

Cela ne faisait pas si longtemps qu'il travaillait quand il entendit un bruit de clés venant de la porte d'entrée. Il leva les yeux pour la fixer, les sourcils froncés. Il était catégoriquement impossible qu'Alhaitham rentre alors que sa journée venait de débuter, tout comme il était impossible qu'une autre personne qu'eux possède une clé de cette maison. Il resta bêtement figé, attendant de voir ce qui allait se passer. Quand la chevelure grise d'Alhaitham passa dans l'encadrement de la porte, il se sentit encore plus perplexe.

Une semaine en suspensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant