Schcrouph. Schcrouph. Je parade à côté de Hilde dans l'épaisse neige des sentiers.
On doit bouger le campement de quelques kilomètres, on se farcit le déplacement dans le froid glacial. J'aime bien le bruit de mes semelles qui font craquer les flocons, et s'enfoncent un peu trop à chaque fois.
Je ne sais pas comment le Séraphin fait pour ne pas glisser, avec ses talons. Il est derrière, avec d'autres généraux. Et le Lieutenant Bergsten qui lui colle aux basques.
« Aaagh..., me plains-je. J'ai mal aux jambes... Hilde, tu ne veux pas me porter, dis ?
— Sans façon.
— Traîtresse. Voyez comme vos amis vous traitent.
Elle sourit. Son Colonel lui a accordé de porter une fourrure, cette fois. Noble de sa part. Mais ses chevilles sont toujours nues dans ses bottes, et puisqu'il est juste derrière, je ne peux pas aider la malheureuse. Qu'est-ce qu'il est con, ce type... Qu'est-ce que ça coûte, de bien traiter la seule personne qui vous supporte tous les jours ?
Face de gland.
— Tu penses que la magie existe, Hilde ?
Comme pour me répondre, un gros truc vert apparaît dans le ciel.
Je me propulse dans les airs.
— Wow !!
Je me retourne vers le Général, en pointant de l'index.
— Mon Général, mon Général !! Regardez ça !! Vous avez vu, mon Général ?!
— J'ai vu, soldat Rao. C'est un début d'aurore boréale. C'est courant, en Norvège.
— Woooow !! C'est suuuuper beau !!
— C'est vrai. Regardez devant vous quand vous marchez, soldat Rao.
— Ne vous inquiétez pas, je gère ! C'est hyper beau, wow...
Le Lieutenant peste :
— Rao. Votre Général vous a dit de regarder devant vous. Cessez de faire le zouave, et marchez droit.
— Mais mon Lieutenant-...
— Vous osez répondre à deux de vos supérieurs ?
— Non, mon Lieutenant. Pardon, mon Lieutenant. »
Je re-vire dans le sens de la marche. Je lui tire les langues, dos à lui. Il rigole avec tout le monde, sauf avec moi. Juste parce que je suis indien. Raclure de porc.
« Ta langue est très bizarre., remarque Hilde.
— Ouais ? Je l'ai coupée moi-même !
— Pourquoi tu as fait ça ?
— Parce que je refusais de parler, alors on m'a demandé si quelqu'un m'avait coupé la langue. Puisque c'était une excuse suffisante pour ne pas parler aux gens qui me saoulent, j'ai dit que j'allais me couper la langue. On m'a dit que je n'avais pas le droit, parce que mon corps était à mes clients. Mais il s'avère que mon corps est à moi, alors je l'ai fait. Parce que j'ai le droit.
— Ça fait mal ?
— La plupart des gens font une anesthésie, mais moi je ne sais pas comment on fait ça, donc ouais, ça fait plutôt mal. Je suis tombé dans les pommes, carrément.
Elle frémit. Haha.
C'est marrant, les réactions des gens quand ils apprennent ça. Ça m'éclate à chaque fois.
— Et le Général ?, chuchote-t-elle. Il pense quoi de ça ?
Je me penche vers elle.
— Quoi ?, chuchote-je à mon tour.
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Ropes and Ink
Jugendliteratur[BxB] L'armée ålandaise a bien des secrets, certes, mais la protection qu'elle octroie à son plus grand criminel de guerre est sans pareille. Le soldat Rajan Rao veut connaître la vérité sur la tragédie du Déluge, la nuit où le Général d'armée Hath...