Chapitre 1

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J'avais huit ans. Estelle en avait dix.

Cet été-là a été de loin le plus mémorable à mes yeux. Comme chaque année, Clément, Simon, Estelle et moi avons oscillé entre les baignades à la piscine et celle au bord de la mer. Comme chaque année, une odeur de sel et de soleil flottait constamment dans l'air et ma peau a pris une teinte brune.

Qu'est-ce que j'aimais ça...

La maison de Castel est sans doute un de mes endroits préférés sur terre. Plus qu'une demeure, elle est le symbole de tous mes étés heureux depuis que je suis enfant. J'ai adoré grandir là-bas et cette maison me manque autant que je ne la déteste aujourd'hui.

De mémoire, je n'ai jamais connu mes parents ensemble. Ils se sont séparés lorsque ma mère était enceinte de moi et, rapidement, Papa a rencontré Alice. Depuis leur divorce, nos parents ont convenus que nous passerions l'année scolaire chez elle tandis que nos vacances d'été étaient consacrées à la maison de Castel.

Estelle vit pour ses moments-là.

Toute l'année, ma sœur compte les jours qui la séparent du mois de juin. D'ailleurs, je ne la vois sourire que lorsque nous sommes ici. Le reste du temps, Estelle semble constamment triste, mélancolique. Déprimée.

J'aurais dû sentir ce qu'il se préparait pour moi.

Bien plus qu'avec Alice, notre belle-mère, c'est avec ses fils que le courant est passé. Simon et Clément ont pris leur place dans la famille avec une certaine aisance. Tout de suite, j'ai trouvé une complicité profonde et fraternelle avec Simon, le plus.

Bien plus qu'avec ma propre sœur, d'ailleurs.

Estelle et moi n'avons jamais été très proches. En réalité, c'est quasiment l'inverse : nous ne partageons pas grand-chose d'autre que nos gênes et les rares regards qu'elle m'accordait en ce temps-là était empli de haine. Je n'ai jamais compris pourquoi.

L'arrivée des fils d'Alice dans nos vies n'a pas vraiment arrangé les choses dans ma relation avec ma sœur, bien au contraire. Estelle était possessive, maladivement jalouse notamment avec Clément. À l'époque, j'essayais de ne pas y faire attention. J'occupais toutes mes journées d'été avec Simon.

Ma dernière soirée à Castel avait commencé comme toutes les autres. L'été touchait à sa fin lorsque ma vie a complètement basculé.

Il y a une atmosphère particulière, une odeur de fin de colonie de vacances. Clément regarde la télé avec Léon, notre petit frère à tous qui a pointé le bout de son nez il y a un petit peu plus d'un an maintenant. À l'époque, Clément était le seul d'entre nous suffisamment patient pour regarder des dessins animés pendant des heures avec un bébé sur les genoux. Simon avait découvert le poker, cette année-là. Il avait passé l'été à m'initier et je gagnais presque à chaque fois. Comme il avait horreur de perdre, Simon insistait pour continuer à jouer encore et encore jusqu'à ce qu'il gagne. Heureusement, nous ne misions que des bonbons, à l'époque. Seul Estelle manque à l'appel. Ça n'est pas étonnant : avec la rentrée scolaire qui s'annonce, sa déprime récurrente revient.

« J'ai plus de bonbon, râle Simon en posant ses cartes. Tu m'as tout pris !

- Moi, j'en ai plein. Je peux te faire un prêt !

Simon soupire. Moi, j'aime juste jouer avec lui. Peut-être que je devrais le laisser gagner la prochaine jouer sinon il ne voudra plus jouer avec moi.

- Lila est trop forte pour toi, Sim ! Intervint Clem en me lançant un regard complice du canapé. »

Mais Simon paraît réellement contrarié. Il croise les bras en affichant une moue boudeuse et Clem et moi avons éclaté de rire. Léon s'est mis à gazouiller avec nous.

Cœur de selOù les histoires vivent. Découvrez maintenant