Chapitre 4

103 17 4
                                    

Depuis le départ de Simon, je me sens très seule dans cette maison. J'esquive Clément du mieux que je peux et je dois reconnaître que c'est plutôt simple : il est constamment dehors. Par chance, la maison est grande alors même lorsque nous sommes tous les deux à la maison, nous ne nous croisons pas. C'est bien simple, depuis deux semaines que je suis ici je ne l'ai pas croisé une seule fois.

Chaque jour, je me rends à la piscine de Castel. Eve reçoit des instructions détaillées de Link et, même si ses sessions ne sont pas aussi efficaces que lorsque c'est lui qui m'entraîne, je sens que je progresse. J'ai encore du chemin pour être prête mais je ne lâcherais rien.

Être dans l'eau me rassure. Je suis loin de chez moi et dans un environnement hostile mais la piscine reste mon point de repère, ma constante. Paradoxalement, c'est lorsque que je suis sous l'eau que je respire enfin.

J'ai plongé il y a quelques secondes. J'ai légèrement perdu l'équilibre et mon salto n'était pas très propre. Lorsque j'ai pénétré dans l'eau, j'ai senti mon cœur s'apaiser immédiatement. Je reste un moment au fond de la piscine, les yeux clos.

Je n'entends même pas les battements de mon cœur. Plus rien n'existe autour, rien d'autre que le calme et le silence. Ça fait du bien. J'aime rester ici jusqu'au dernier moment, repousser mon corps jusqu'à son extrême limite. Ça me canalise.

Je sens que mes poumons commencent à me brûler. Ma remontée approche et je suis déjà las. J'attends encore quelques secondes tandis que la douleur grandît. À contre cœur, je plie mes genoux avant de pousser sur mes pieds pour prendre une impulsion. Je remonte alors à la surface.

La première bouffée d'oxygène après un saut est la plus puissante, la vie regagne mon corps d'un seul coup. C'est puissant, sans équivalent.

Je nage pour regagner le bord. Eve est là, dans son survêtement aux couleurs du club de la ville. Je la vois pianoter sur son téléphone et j'imagine qu'elle envoie la vidéo de mon saut à Link. Je sors du bassin et me blottis dans ma serviette épongé, déjà nostalgique de l'eau.

« Ton saut était parfait ! S'extasie Eve sans lever les yeux.

- Non, il ne l'était pas. J'ai mal engagé mon salto et la réception n'était pas nette.

- Tu es trop dure avec toi-même, Lila. Pour quelque chose que tu ne travailles que depuis quelques semaines, le résultat est plutôt bon.

- Plutôt bon, ce n'est pas suffisant pour les championnats de France.

Eve est trop complaisante, elle ne me pousse pas suffisamment. Link m'aurait déjà hurlé dessus pour me pousser à sortir le meilleur de moi-même.

- Link me demande ta courbe de poids, Lila. Tu pourras lui envoyer dans la journée ?

J'acquiesce sans un mot. Ces derniers temps, j'ai fait quelques excès à mon régime draconien et j'ai peur que cela ne se voie sur les chiffres. Si Link s'en rend compte, je vais vraiment passer un sale quart d'heure alors en tant qu'adulte responsable, j'ai décidé de fuir en ne répondant plus à ses messages.

Je m'assois au bord de la piscine, les pieds dans l'eau et la serviette sur les épaules, tandis qu'Eve s'accroupit à côté de moi.

- Je ne pourrais pas t'entraîner la semaine prochaine, m'annonce-t-elle. Les orages d'étés arrivent et je dois me rendre chez ma mère pour l'aider à consolider les fenêtres.

Les orages d'étés sont assez fréquents par ici, il peut y en avoir deux ou trois par saison. L'été ici est tellement chaud que plusieurs fois par an, des orages terribles éclatent mais les gens y sont habitués. Moi, ils m'ont toujours fait peur.

Cœur de selOù les histoires vivent. Découvrez maintenant