Chapitre 15

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Les vagues luttent contre moi tandis que je me bats pour garder la tête hors de l'eau. Leur poids s'écrase contre mon corps et je ne sens plus du tout mes pieds. J'ai froid, tellement froid. À chaque nouveau flot, je sens de l'eau de mer s'infiltrer dans ma bouche et chaque parcelle de ma peau commence à s'engourdir à cause de la température.

Je dois trouver Adam. Je dois trouver Adam. Je dois trouver Adam.

Je me répète cette litanie sans arrêt et c'est ce qui m'empêche de sombrer. Adam est là, quelque part et il a besoin de moi. Je nage, je coule, je remonte à la surface avant de couler encore et le temps s'égraine avec une lenteur infinie.

Je finis alors par me convaincre. Adam et moi, on ne s'en sortira pas. Mes muscles sont douloureux, mes poumons brûlent et je suis fatiguée de lutter. Je décide d'abandonner. Je n'ai plus d'énergie, plus de force et mes jambes cessent de me maintenir à la surface. Ma tête s'immerge et, lentement, je me retrouve absorbé par les flots emplis de pénombre.

Tout est froid et silencieux. Mon corps est emporté vers le fond et je ne lutte pas. Mes poumons brûlent et je ne me bats pas. Je ne me bats plus.

C'est terminé.

Mon corps est propulsé d'un seul coup et c'est une chute vertigineuse. Je m'attends à percuter quelque chose mais j'ouvre les yeux d'un seul coup tandis que tout reprend forme autour de moi. La lumière de la lune perce à travers les rideaux de la chambre de Simon et la peur quitte mon esprit.

Je suis vivante. Je n'ai pas arrêté de lutter.

Je dois attendre quelques minutes pour calmer les battements furieux et effrénés de mon cœur. Tout me revient en mémoire avec une violence folle et je dois me maîtriser pour ne pas faire une nouvelle crise d'angoisse. Mon lit est trempé de sueur et ma bouche est complètement sèche à cause de l'eau de mer mais je suis en vie.

Je n'aurais jamais pensé avoir peur de l'eau un jour, normalement c'est mon élément, mais cette nuit la mer m'a terrifiée. Elle qui a toujours été une compagne, une alliée, elle a manqué de me tuer. Pourtant, si c'était à refaire, je le referais sans hésiter : Adam était en danger et je n'hésiterais pas une seule seconde s'il fallait le sauver encore.

Simon a pris place dans le lit au-dessus du mien et sa présence me rassure. J'entends sa respiration et, ainsi, je sais que tout autour de moi est réel. Clément a rodé autour de nous toute la soirée si bien que ça m'a donné l'impression d'être une petite chose sur le point de se briser. Sur la plage, il a lourdement insisté pour que je me fasse examiner par les secouristes mais j'ai refusé : Adam avait déjà besoin d'aide et tout allait bien pour moi. Simon a pris soin de moi toute la soirée en s'assurant que je ne manquais de rien et Clément nous a tourné autour toute la nuit avec cette froideur dont lui seul a le secret. Je l'ai senti prêt à bondir au moindre signe de faiblesse que je pourrais montrer et je n'ai pas cillé : je refuse de craquer à nouveau devant lui. C'est terminé.

La maison paraît enfin calme. J'ai entendu Clément fureter une bonne partie de la nuit mais là, je n'entends plus rien. Il a dû finalement aller dormir. Je repousse la couette à mes pieds et sors du lit à pas de loup. J'évite les endroits qui craquent dans l'escalier et arrive sans un bruit dans la cuisine. D'instinct, je me jette sur le robinet pour me rincer la bouche et nettoyer les derniers effluves de sel qui brûlent ma langue et l'intérieur de mes joues.

Et dire qu'il y a encore quelques heures, je remportais les championnats de France et Clément me faisait l'amour...

Je m'assois sur un tabouret du bar et observe le ciel à travers la fenêtre. La lune est pleine, ce soir. Ça m'apaise. Il peut arriver n'importe quoi, la lune est toujours là et nous éclaire quoi qu'il arrive. Le silence me fait du bien après le tumulte du week-end.

Cœur de selOù les histoires vivent. Découvrez maintenant