Chapitre VIII

1 0 0
                                    

LEADERS

CHAPITRE VIII

Elle avait de petites mains, une paume moite comme leur défunte mère. Leur père est mort pendant qu’elle était encore en sécurité dans le ventre de leur maman, mais cette dernière les quitta quand elle n’avait que 9 ans et lui 12. Elle était si belle avec ses fossettes  prononcées qui apparaissaient quand elle souriait. Ils étaient tous les deux, les enfants chéris de leur maman. Une femme battante qui ne reculait devant aucun defi. La mort de leur père ne l’avait pas empêché de reprendre la boutique de vêtements en main. Il ne manquaient de rien. Maman était leur guerrière, maman les accompagnait à l’école et venait les chercher. Maman sortait avec eux le samedi pour partager une glace. Maman les aidait à corriger leur devoir. Maman les recevait dans son lit quand ils avaient fait des cauchemars,  quand ils voulaient rester avec elle. Elle les serrait tous les deux contre elle et ils dormaient paisiblement, faisaient de doux rêves qui s’achevèrent le jour où elle eut son malaise.

Ils étaient au magasin, elle parlait lentement, sa bouche se penchait sur le côté et d’un coup elle s'était écroulée devant lui et elle. Il avait hurlé et les clients l’avaient transportée à l'hôpital  où elle les quitta pour toujours. Lui n’y croyait pas au début, il se disait qu’elle était allée en voyage et reviendrait d’un moment à l’autre, ce qui n’arriva pas. Tonton, le cousin de maman les avait pris chez lui, dans une autre ville. Il avait vendu le magasin et  s’était acheté une nouvelle voiture. Tonton, le réveillait avec un seau d’eau, tonton le réveillait avec des coups, tonton le réveillait en écrasant son visage avec sa paire de chaussure remplie de boue pour  laver sa voiture et faire le ménage de la maison. Tonton dormait avec elle, tonton ne voulait pas qu’elle lui adresse la parole. Tonton l’a éloignée de lui. Elle mangeait à peine, ses yeux étaient rentrés dans leur orbite. Elle avait des difficultés pour marcher. Quand il lui parlait ou quand il voulait l’aider, tonton le frappait jusqu'au sang. Aucun visiteur ne venait à la maison pour qu’il puisse se rendre compte de ce qui se passait. Aucun voisin ne pointait son nez quand il hurlait lorsqu’il le frappait avec une violence inouïe et pour couronner le tout, il les enfermait chacun dans une chambre avant de sortir. Le jour de trop fut quand il l’a fait appeler dans sa chambre, et  qu’ il comprit ce qui était à la base de l'amaigrissement et des cris nocturnes de sa sœur. Le sourire aux lèvres, tonton affichant un regard diabolique, lui imposa de le regarder droit dans les yeux  pendant qu’il se trémoussait tout nu sur le corps de sa sœur en pleurs. Jamais cette image ne l’a quittée. Son petit corps frêle, violé par tonton. Elle le regardait, elle criait son nom, elle hurlait de douleur. Ses cris qui ne le quittèrent jamais. Elle mourut deux jours plus tard. C’était insupportable pour lui.  Une nuit, tandis que tonton était ivre, il l’enferma dans sa chambre après  avoir versé du pétrole dans toute la maison. Il mit le feu et partit, emportant avec lui à tout jamais, les cris et le regard suppliant de sa défunte soeur.

- Tessa. Tessa. Tessa. Tessa. Tessa. Tessa. Tessa.

Toujours assis  dans le coin à l'entrée, Goutin murmure en se tapotant le crâne comme pour demander à ses souvenirs de se taire, mais le jeune homme de 12 ans qu’il était, est aux commandes. Il ne l’a jamais quitté, il est avec lui chaque jour et le punit de ne pas avoir pu la défendre . Il a froid et chaud en même temps. Son cœur est parcouru de sueurs froides.  Eric est sous ses yeux, faiblard, lâche, tétanisé observant tonton abusant d’elle. Que doit penser maman de lui ? Que doit penser papa de lui ? Que doit penser sa sœur de lui ?

- Tessa. Tessa. Ma Tessa. Tessa. Tessa. Tessa. Ma Tessa, continue-t-il de murmurer.

Bigui, n’ayant jamais vu Goutin ainsi, a peur qu’il n’ait perdu la tête. N’est-ce pas les gens à qui il a ôté la vie qui le hantent ? se demande-t-il, superstitieux de nature.  Le pasteur Hugues par contre, observe attentivement le chef de gang. Il peut détecter son désarroi et comprendre que son âme est torturée par quelque chose de terrifiant. Il se lève. Rebecca l’attrape par la main pour le retenir.

LEARDEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant