Chapitre 7

249 27 0
                                    

Je m'étais réfugiée dehors, sous l'ombre d'un arbre, déboussolée, ne sachant que faire, étouffée par la chaleur de l'après-midi et la pression de Raphaëlle. À ce moment-là, je ne savais pas encore ce qu'elle avait contre moi, mais force est de constater qu'elle ne l'appréciait guère ; pourtant, c'était mon premier jour, et je ne lui avais rien fait de mal ! On ne pouvait pas rêver d'un meilleur début de stage que ça.

Du reste, dans l'adversité, je gardais malgré tout un semblant d'espoir, il devait, quelque part, d'une certaine manière, exister une solution à cette situation plus que catastrophique.

Mon téléphone – que je tenais fermement dans mes mains – se mit à vibrer ; c'était Lou. Après deux sonneries, le regard un peu dans le vide, je décrochai ; et de l'autre côté du fil, sans que je pusse placer, ne serait-ce qu'un « salut, » Lou, me dit, un peu sur le ton de l'humour :

— Qu'est-ce qu'il y a Soso ? C'est quoi ce message totalement dramatique que tu m'as envoyé ? Comment ça, tu t'es enfuie de ton stage ?

— Lou ! dis-je d'une voix grave et lourde, digne des plus grands cabotins ayant jamais existé. C'est un désastre.

— Carrément ? répondit-il sans trop me croire.

— Puisque je te le dis ! Je suis dehors, je ne sais pas quoi faire, c'est... c'est... c'est-

— Une catastrophe ? me coupa-t-il.

— Un naufrage !

— La désolation, ô non !

— Ne te moque pas de moi, Lou, je ne sais vraiment pas quoi faire !

— Allez, raconte moi tout, qu'est-ce qu'il se passe ? comment ça : « elle ne veut pas de toi » ? Déjà, qui c'est « elle » ?

— Raphaëlle, répondis-je sèchement.

— Mais encore ?

— Mais si tu sais ! LA Raphaëlle, celle qui occupe plus de la moitié de ma bibliothèque, la raison pour laquelle j'ai postulé à cette maison d'édition !

— Et elle ne veut pas de toi ?

— Non ! Elle ne veut pas ! Elle n'est pas du tout comme je l'avais imaginé, Lou, c'est très grave ! Ce n'est plus que l'ombre d'elle-même, elle ne parle avec personne, ne participe à rien, elle est renfermée, et je le répète, elle ne veut pas que je travaille avec elle, ou même pour elle !

Et après un silence, il répondit, de but en blanc :

— Ça ne m'étonne pas !

Mon cœur s'arrêta, probablement que je n'avais pas bien saisi ce qu'il m'avait répondu, alors, je lui dis :

— Quoi ?!

— Ça ne m'étonne pas, répéta-t-il.

— Quoi ?! dis-je un peu plus fort.

— Non, mais je suis en train de regarder à quoi elle ressemble, sur Internet. Et, o, m, g, Soso, ça se voit à des kilomètres qu'elle est dépressive. Comment tu ne l'as pas remarqué ?

— Mais ça ne veut rien dire, Lou ! Puis ça n'excuse pas son caractère de chien envers moi ! Et puis, ce n'est pas tout, comme elle ne veut pas être ma maîtresse de stage, je dois me taper l'autre !

— L'autre ? me demanda-t-il, intrigué.

— Oui, Mar- merde, je crois qu'il arrive, je dois te laisser !

Sans qu'il n'eût le temps de dire « qui ça ? » j'avais déjà raccroché, et caché mon téléphone derrière mon dos, pareille une gamine prise en plein flagrant délit d'une bêtise aussi grosse qu'elle, que le geste n'est – finalement – rien d'autre qu'un aveu de culpabilité. Il s'avançait vers moi, l'air tranquille, comme si la chaleur étouffante d'un été brûlant, réfléchi par un bitume chauffé par le soleil, ne l'atteignait pas. Chemise blanche et moulante – bien évidemment –, lunettes noires, mains dans les poches, je vis sur son visage, surtout dans son petit sourire en coin qui voulait dire « je sais, mais je ferais comme si je ne savais pas, » qu'il m'avait grillée au téléphone.

Tant de toi qui m'échappent. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant