Chapitre 3

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Elle avait très vite détourné le regard, pour revenir vers la caméra qui la filmait, continuant son échange avec la personne qui l'interviewait ; et pendant ce court laps de temps, où l'on s'était échangé ce premier coup d'œil, j'avais les poings serrés et le cœur battant, trop excitée à l'idée de parler avec elle. Raphaëlle, elle, semblait imperturbable ; les mains croisées sur ses cuisses, le dos droit, un sourire fier – qui montrait à peine ses dents –, elle avait la physionomie d'une personne que rien ne pouvait ébranler. Elle rayonnait d'une aura dorée, prestigieuse, peut-être à cause de sa chevelure blonde, courte et ondulée. J'étais pareille à ces jeunes groupies – éhontée, totalement assumée, même ! – aux premiers rangs de son artiste préféré.

Mes yeux pétillaient d'une joie et d'une admiration absolue, la petite fille en moi et l'adolescente que j'étais me remerciaient chaudement ; enfin, après ce travail acharné et un grand coup de bol, j'allais rencontrer mon idole de toujours.

— C'est pour une émission sur Internet, me chuchota Nina à l'oreille, en se penchant vers moi.

Et en se rapprochant encore plus de moi, toujours à voix basse, bougeant ses mains à chaque mot comme pour les décrire, à défaut de pouvoir les prononcer à voix haute, faisant cliqueter les bracelets à ses poignets :

— Tu sais, c'est ce genre de petites vidéos courtes, où ils te posent tout un tas de questions avec deux réponses possibles seulement, auxquelles tu dois répondre vite.

— Ah, oui, je vois, dis-je sans trop savoir quoi répondre, trop timide pour chercher à en ajouter plus que nécessaire.

D'autant plus que j'étais absorbée par ce qu'il se passait dans cette salle ; je ne pouvais décrocher mes yeux de Raphaëlle, comme ces enfants, trop curieux et dont la politesse est encore aléatoire, qui vous dévisagent dans la rue, sans même sourciller quand vous leur rendez leur propre regard insistant. Elle portait un cache-cœur noir, légèrement transparent, laissant deviner son soutien-gorge, par la couleur seulement et qui pourtant, lui aussi, était noir. Et autour de son cou, un fin collier argenté mettait en valeur ses clavicules, sa peau, sa mâchoire carrée, cette droiture ; elle avait un charme aiguisé, une douceur dans la sévérité de ses airs.

Du reste, je n'entendais pas ce qu'elle disait, mais de mon point de vue, et de tous les sourires qu'elle avait donné à son interlocuteur, ça semblait être très divertissant.

— J'aime beaucoup son top ! me dit Nina. Qu'est-ce que tu en penses ?

Et moi un peu rouge, pour des raisons obscures :

— Euh... oui, oui, il est bien...

— C'est moi qui lui ai conseillé de mettre celui-là ! Puis, j'aime bien son jean's aussi.

Elle souffla un petit rire, entre l'agacement et la joie, posa sa main sur mon épaule et ajouta dans un murmure aux allures de confidence :

— C'était une tannée pour qu'elle s'habille correctement ! On a passé au moins toute une après-midi pour choisir deux pauvres pièces. Heureusement que j'aime bien mon métier.

Et sur le ton de l'humour, peut-être, elle conclut :

— Je ne suis pas assez bien payée pour tout ce que je fais !

Comme je n'avais toujours rien à dire, et qu'elle avait abandonné l'idée de converser avec moi, à défaut de parler dans le vide, un certain silence s'installa entre nous deux. On regardait le tournage, alors, sans dire un mot ; du reste, elle avait gardé son sourire aux lèvres, comme si ses pensées étaient constamment baignées dans la joie ; les bras croisés, son index marquant le rythme sur son bras, on attendait ; quoi ? je ne le savais pas. Et alors, sorti de nulle part, quelqu'un parla dans notre dos. Après avoir sursauté et poussé un petit cri que j'avais vite tu en plaquant ma main contre ma bouche, on s'était retourné. C'était un homme, un grand, du genre à jouer dans les publicités de parfums, en costume cravate et mangeant une crêpe.

Tant de toi qui m'échappent. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant