Chapitre 18

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Mais j'étais bien trop distraite par la présence de Raphaëlle, si proche de moi, pour écouter quoi que ce soit du discours de Marc. Je le voyais simplement bouger les bras, arborer des grand sourire de commercial, à un moment même, Pierre ou François, avait ri, très certainement à une tentative d'humour de Marc, puisqu'il me semblait aussi que les autres souriaient ; mais je n'avais d'yeux et d'attention que pour Raphaëlle. Elle qui préférait rester près de moi, plutôt que d'être là-bas, à s'ajouter à la logorrhée de Marc, probablement creux, vide de réel sens.

Et la seule chose qui me sortit de ce doux moment de flottement, finalement, n'était autre que Marc lui-même ; à force de le regarder, mon train de pensée s'était fatalement accroché à son flux de paroles, et il avait dit quelque chose comme : « nous devons agrandir notre équipe pour se préparer aux charges de travail à venir, le chiffre d'affaires de cette année est bien au-dessus de ce que nous avons estimé l'an dernier. Et les projets ne vont pas nous manquer ! »

Il s'était tourné alors vers les deux autres personnes sur la scène, les présenta avec sa main tendue vers eux, et dans un anglais parfait, non sans son accent français, il nous dit : « j'ai l'honneur aujourd'hui de vous présenter nos deux intervenants, ils ont fait le voyage depuis les Etats Unis juste pour nous, peut-être que leur nom ne vous dirons pas grand-chose, mais ce sont, pour moi, un modèle de réussite et de self-made man, woman, and family ! S'il vous plait, faites un accueil chaleureux à la famille Fiasco ! »

On avait applaudi, tous, un peu timidement, sans vraiment savoir à quoi nous attendre ; leur nom, en effet, ne me disait rien, peut-être seulement cet étrange alcool que m'avait fait goûter Raphaëlle un soir. Je me tournai vers elle, l'air de lui demander si elle, elle savait qui étaient ces gens. Elle me regarda à son tour, et roula les yeux au ciel, et dans un murmure :

— Je n'ai aucune idée de ce qu'ils font ici, ça doit être une idée foireuse de Marc, encore.

L'homme s'avança vers Marc, suivit de près par la jeune femme à ses côtés, avec un sourire de politesse, et il était évident que lui non plus ne savait pas vraiment ce qu'il faisait là ; du reste, dans un phrasé un peu hésitant, il nous dit, avec cette fois-ci un mélange d'accent italien et américain :

— Je connais quelques mots de français, ça va être plus simple pour tout le monde. Tout d'abord, merci à vous, Marc, pour l'invitation, et j'espère que notre future alliance se fera sans problème. En réalité, je n'ai pas beaucoup à apporter, mais ma fille sera ravie de travailler avec vous.

Il se tourna vers la jeune femme, et c'était la première fois de toute ma vie que je vis autant d'amour et d'affection dans un seul regard ; il posa sa main sur le dos de sa fille, la poussa légèrement pour qu'elle s'avançât, et elle, comme sortie d'un songe, ouvrit grand les yeux, battit des cils et laissa planer un silence avant de prendre la parole : « j'ai hâte ». C'étaient ces seuls mots, tout simplement ; sa voix était si douce, et on l'entendait sourire, le silence qu'elle instaurerait valait tous les discours pompeux de Marc ; et d'une manière très bizarre, on était pendu à ses lèvres, comme hypnotisé, mais elle ne disait rien, souriait simplement.

Le cliquetis d'un appareil photo brisa le silence, je m'étais tourné, très-curieuse, vers le bruit et vit une jeune femme, au fond de la salle, avec un gros objectif, et tout un tas d'ustensiles de photographe.

— Il a aussi engagé une photographe ? s'étonna Raphaëlle, qui elle aussi s'était tournée.

Pendant que Marc essayait tant bien que mal de rattraper cette présentation aléatoire, raccrochant les wagons comme il le pouvait, Raphaëlle se tourna vers moi, et me glissa à l'oreille :

— Tu veux sortir ?

Mon cœur s'arrêta, et les mots sortirent de ma bouche plus vite que je ne le voulusse :

Tant de toi qui m'échappent. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant