Chapitre 21

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— Tu veux en parler ? me demanda Élise, sa tasse de thé entre ses mains, aux bords de ses lèvres.

Je lui répondis d'un souffle las. On s'était installées non loin de la réception, dans une grande salle luxueuse – comme à peu près tout ce qui se trouvait ici, à vrai dire. Elle était meublée des petites tables rondes et de chandeliers ; une salle à l'allure de café chic des quartiers prisés parisiens, de ces endroits inaccessibles pour le commun des mortels où l'on passe plus de temps à se prendre en photo qu'à apprécier le décor.

— Je ne sais pas quoi te dire, lui avouai-je avec un sourire crispé.

On se regarda dans les yeux, elle semblait comprendre ma situation, voyait peut-être en moi un miroir de sa personne, de sa situation. Après un court instant, reposant sa tasse avec la plus grande des précautions, tachant à ne pas faire tinter la porcelaine contre sa cuillère en argent, elle me demanda, très engagée dans cette aventure :

— Ça fait longtemps ?

Ce à quoi, je lui avais répondu, en levant les épaules, ignorante de ce qu'il m'arrivait, ou ignorant ce qu'il était vraiment en train de m'arriver :

— Je ne sais pas non plus. Et toi ?

— Oui.

La simplicité de sa réponse témoignait de son absolue certitude. Elle l'avait dit si vite et si naturellement que ma question en était devenue stupide. À mon tour, je pris ma tasse et bu une petite gorgée, au risque de me brûler la langue.

— C'est étrange, me dit-elle d'une voix neutre et calme. Un jour, tout est normal, et le lendemain, tu te rends compte que c'est foutu, que ça ne partira pas parce que c'est là pour rester longtemps. Si seulement tout pouvait être plus simple et plus clair, je ne sais même pas si lui, il m'apprécie.

— Je pense que si, lui dis-je assez naïvement.

En réalité, je ne savais pas pourquoi ces mots étaient sortis de ma bouche, peut-être pour la rassurer, pour lui faire plaisir. Et elle sans me laisser le temps de penser :

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Tu es une meuf cool ! bafouai-je dans ma tasse en soufflant le trop de chaleur qu'elle contenait.

Elle me regarda d'un œil intrigué, amusé, perplexe.

— Une « meuf » ? C'est bien la première fois qu'on me dit ça.

Je rougis.

— Non, mais, je veux dire. Tu es intéressante, intelligente, cultivée, passionnée. Tu es belle, c'est vrai. Moi, je te trouve belle !

— Merci.

— De rien ! et tu as ton style à toi, et-

— Et je ne suis pas drôle, conclut-elle.

Je ne pouvais pas lui dire que, oui, elle n'était pas drôle ; il est vrai que ce n'était pas le trait qu'elle mettait le plus en valeur.

— Il lui faudrait, continua Élise, une personne tout aussi fantasque que lui. Je ne suis pas fantasque. Je ne suis pas drôle. Je suis trop ordinaire pour lui.

— Tu sais, dis-je soudainement très sage, on n'est pas obligé de ressembler à la personne qui nous plaît pour que ce soit réciproque.

— C'est vrai, acquiesça-t-elle le regard dans le vide.

— Il suffit juste d'un équilibre.

Elle approuva d'un hochement lent de la tête. Et moi, toujours sur le même ton :

— Le plus important, c'est que vous vous entendiez sur plus de choses que de choses sur lesquelles vous ne vous entendez pas !

— Quoi ? dit-elle du tac au tac, un peu perdue.

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⏰ Dernière mise à jour : 4 days ago ⏰

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Tant de toi qui m'échappent. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant