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Pendant quelques instants, Daichi ne bougea plus. La main de sa mère toujours sur ses yeux, aucun son ne parvenait à ses oreilles. Il était comme coupé du monde. Plus rien ne l'atteignait. Il se sentait comme un enfant dans les bras de sa maman, protégé du reste du monde. 

Puis tout revint d'un seul coup. La main de Hitomi quitta les yeux de son fils qui regarda droit devant lui, espérant ne pas voir ce qu'il craignait mais aussi admettre ce qui l'effrayait. Mais rien. Il n'y avait personne devant lui. Il aurait dû s'en douter : jamais sa mère ne l'aurait laissé voir la source de son malheur. Ou alors avait-il rêvé et sa mère ne voulait pas qu'il découvre le superbe jeu qu'elles avaient pu dégoter ? Mais non, il n'y croyait réellement pas. 

Itsuki rejoignit rapidement sa mère et son frère et comprit aisément ce qu'il venait de se passer. La famille acheta alors un jeu, celui juste en face de Daichi, ce qui le perturba d'autant plus, et décida de rentrer. 

Sur le chemin du retour, tous les sentiments du corbeau se mélangeait dans sa tête. Avait-il imaginé tout ce qu'il s'était passé ? Était-il trop obsédé par Kuroo et sa relation avec Kenma qu'il avait cru l'apercevoir dans ce magasin précisément, sachant pertinemment que le passeur de Nekoma était fana de jeux vidéos ? 

Tout se bousculait dans la tête de Daichi qui ne savait plus distinguer le réel et son imagination. Évidement, il ne demanderait pas à sa mère de l'aider, sachant pertinemment qu'elle ne voudrait pas faire de peine à son fils. 

Alors en arrivant à l'appartement, le capitaine de Karasuno décida d'arrêter de se poser des questions et s'allongea dans son lit.

❧☙

Allongé par terre, Kuroo regardait le plafond de la chambre de son meilleur ami. Cette fois-ci, il pensait. Il pensait à Daichi. Il revoyait son visage quand il l'avait vu avec Kenma. La stupeur dans ses yeux et la tristesse qui émanait de tout son corps. Même si le corbeau avait voulu rester de marbre, il ne semblait pas avoir réussi. À la fois le chat avait été heureux de cette situation - montrer à celui qu'il aimait qu'il se fichait de l'arrêt de leur relation, même si tout cela était faux - mais il était également soucieux de l'état de Sawamura. Le voir ainsi dévasté dans le magasin de jeux vidéos l'avait laissé les bras ballants. 

Le capitaine de Nekoma venait à regretter son action. Il faisait toujours les choses sans réfléchir et s'en mordait les doigts les secondes d'après. Pourtant, cela ne l'empêchait pas de recommencer juste après. Cette boucle semblait interminable et Kuroo ne faisait rien pour y remédier. 

- Debout tête de nœuds, tu m'empêches d'aller jusqu'à mon ordinateur ! railla Kenma en sortant de la salle de bain. 

- Tu crois qu'il m'en veut ? questionna presque innocemment le chat. 

- Évidemment qu'il doit t'en vouloir. C'est pas être un ange ce que tu lui as fait. 

- Dit le gars qui m'a aidé. 

- Tu m'as fait du chantage, grogna le passeur. 

Kuroo soupira. Il avait supplié son meilleur ami de l'aider et avait même recouru à des techniques de manipulation comme le chantage ou la promesse de lui acheter un nouveau jeu vidéo. 

Mais maintenant, tout cela n'avait pas vraiment servi puisque Tetsurou s'en voulait. "Il s'en voulait à mort", aurait dit Kenma qui avait finalement accepté de discuter avec son meilleur ami en voyant sa détresse. 

Les deux volleyeurs de Nekoma avaient parlé pendant quasiment une heure avant que Kenma se remette à grogner pour aller jouer sur son ordinateur. 

Kuroo sortit alors de la chambre de son ami pour se mettre dans le salon où il pianota sur son téléphone. 

❧☙

Le message arriva directement sur le téléphone de Daichi, qui dormait à poings fermés. D'une certaine façon, sa sieste était bénéfique pour lui. Il ne verrait pas tout de suite le message de Kuroo - ce qui bouleverserait ses émotions à coup sûr - et il pouvait se laisser aller à sa fatigue sans être dérangé. Toute sa famille avait été prévenue et même Aki et Eri avaient tenu à ne pas déranger leur grand frère. 

Tetsurou : Salut Daichi, est-ce que tu serais libre ce soir pour qu'on discute ? Je peux t'inviter au restaurant si tu veux ou on peut aller là où tu veux. J'aimerais vraiment te voir. 

L'écran du téléphone du capitaine de Karasuno s'alluma à nouveau. 

Tetsurou : Et je suis désolé pour ce qu'il s'est passé. Tu me connais je ne réfléchis pas avant de faire quelque chose. 

Une heure plus tard, le corbeau se réveilla. Il ne regarda pas son téléphone tout de suite. Sa mère venait de toquer à sa chambre pour le dîner. Il délaissa alors son mobile sur la table de chevet, ignorant totalement l'existence des messages de Kuroo. 

Daichi suivit sa mère jusqu'à la cuisine où toute la famille était une fois encore attablée. Il s'installa à côté de ses sœurs qui lui avaient gardé une place. Il mangea quelques boulettes de poulet, un peu de riz, quelques légumes cuits à la vapeur mais pas grand chose de plus. 

Tout le monde remarqué encore une fois que le plus vieux des enfants de la famille n'était pas au mieux de sa forme mais personne ne dit rien et lui sourit à chaque fois qu'ils croisaient son regard, espérant secrètement lui remonter un peu le moral. 

Le repas terminé, chacun vaqua à ses occupations, ce qui consistait principalement à aller se coucher pour les plus jeunes et passer une soirée tranquille pour les plus vieux. 

Alors que Daichi retournait dans sa chambre, une voix l'appela depuis l'entrée avant qu'il ne puisse regarder son téléphone. Il laissa tomber l'appareil sur le matelas et rejoignit Itsuki qui avait les bras croisés sur sa poitrine. 

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Y'a un vilain chat errant dehors. 

Sur le coup, le corbeau ne comprit pas. 

- Tu veux le voir ou pas ? 

- Pourquoi je voudrais voir un chat ? 

Itsuki attira son frère à la porte et l'ouvrit légèrement. Kuroo était juste là. Le cœur de Daichi fit un tour et se mit à battre violemment. 

- Je... commença le capitaine de Nekoma. Je crois que tu n'as pas vu mes messages mais je voulais vraiment te parler. 

Daichi caressa frénétiquement son bras, sa sœur juste derrière lui, le regard toisant le chat. 

- On peut le laisser dehors si tu veux, proposa la jeune fille. 

- Non... non... c'est bon. Merci Suki. 

Le capitaine de Karasuno se glissa hors de l'appartement, le dos contre la porte, face à Kuroo. 

- Je suis sincèrement désolé Daichi. Je ne voulais pas te faire de mal. Comme je l'ai dit dans mes messages, je ne réfléchis jamais avant de faire quelque chose. Je suis tellement désolé. Je t'ai tellement blessé. 

Sawamura ne répondit pas. Il écoutait simplement ce que disait celui qu'il aimait - même s'il fallait assumer que l'aimer n'était pas toujours simple. 

- Je ferai n'importe quoi pour que tu me pardonnes. Je pense qu'on devrait parler de notre relation, honnêtement et pas juste selon ce que nos parents veulent. 

Le corbeau avait toujours la tête baissée et aucun mot ne sortait de sa bouche. 

- Réponds moi. S'il te plait Dai. Dis moi quelque chose. Je ne veux pas que tu m'ignores comme ça. Je préfère que tu me détestes plutôt que tu m'ignores. 

- Pars. 

C'est le seul mot que Kuroo put obtenir de Daichi. Ne voulant pas se disputer plus que nécessaire avec lui ou quoi que ce soit d'autre, le chat effleura la main de celui qu'il aimait avant de tourner les talons, le cœur dans les chaussettes. 


Je ne veux pas de toi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant