Connectées

chapitre 9

- Donc comme ça 704 est en couple avec 615 ? Me demande Keemia alors que nous étions entrain de dîner dans le réfectoire.

Le réfectoire était situé à l'étage -1. C'était, je pense, la seule pièce du Bureau où les gens pouvaient se permettre de parler librement, de rire fort et de crier. Cela rendait donc le réfectoire comme un lieu de détente, après de longues journées de travail.

- Hein ?

Je dis ça comme ça bien-sûr. Tout le monde savait déjà qu'ils étaient ensembles, j'étais juste un peu jalouse...

- Tu m'écoutes quand je parle ? Demande Keemia

- Oui pourquoi ?

- J'étais entrain de dire que leur relation n'allait pas durer longtemps. 704 et 615 ne sont pas du tout fait l'un pour l'autre.

J'hoche la tête distraitement. J'ai les yeux perdus au loin, lorsque je vois 012 s'avancer droit vers moi.

- Agent 986 ?

- Oui, qu'est ce qu'il y a ? Je demande surprise

Il rit

- Ne t'inquiètes pas, rien de grave ! Je vais devoir partir quelques jours, et il faut que je donne quelque chose à 045, votre instructeur avant de partir. Je n'ai pas le temps, aussi je voudrais que tu ailles le voir après avoir mangé. Son appartement est au niveau -5, le numéro 189. C'est urgent et très important, s'il te plaît.

Il me tend une enveloppe, et s'en va aussi vite qu'il était arrivé.

- C'est quoi ? Me demande Keemia, curieuse.

- Je ne sais pas, une enveloppe...

Je la tourne entre les main. Celle-ci n'est pas très épaisse, elle doit contenir une simple feuille de papier. Puis je pense au fait que je suis obligée de me rendre à l'appartement de mon instructeur. Une nouvelle rencontre, seul à seul, ne m'enchante guère.

- Keemia, tu pourrais le lui donner s'il te plaît ? Je demande pleine d'espoir

- Désolée, mais je dois voir 902 après...

Elle me fait un petit sourire d'encouragement. Je décide donc de prendre mon courage à deux mains, et je sors du réfectoire en direction de l'étage -5.

Je suis devant la porte numéro 189. Je toque. Personne ne répond, alors je toque encore.

Ma main est en l'air, lorsque la porte s'ouvre.

- Agent 986 ?

Je ferme les yeux. Mon instructeur est devant moi, avec une simple serviette autour de la taille.

- 012 voulait que je vous remette ceci. Bon j'y vais. Au-revoir !

J'allais faire demi-tour, quand il m'attrape le poignet.

- Ce n'est pas très correct de ne pas laisser entrer des invités, dit il. Entre.

- Je n'ai pas le temps, je réponds un peu effrayée de me trouver seule avec lui.

- C'est un ordre.

Je finis par le regarder, et finis aussi par rentrer malgré moi dans son appartement, similaire au mien.

- Qu'est-ce que tu veux ? Me demande t-il dans sa cuisine.

- J'aimerais que vous vous habiller, je réponds entrain de fixer la télévision.

Il ricane,

- Ah, l'Agent 986 devient préoccupée par la décence maintenant. C'est ironique, surtout venant de la part d'une recrue qui s'est pointée devant moi sans haut et un sweat ouvert.

Il enfile toutefois un t-shirt avec désinvolture, se moquant ouvertement de ma présence.

- Tu devrais être reconnaissante. Tout le monde n'a pas droit à ce spectacle, tu sais.

Je rougis en même temps que je serre les poings. Il m'énerve à se moquer de moi. Je réplique

- C'est un peu ironique de votre part de parler de spectacle, n'est-ce pas ? Après tout, vous semblez bien apprécier quand les gens se battent pour votre divertissement.

Il s'approche, laissant très peu d'espace entre nous.

- C'était un entraînement. Pour améliorer vos compétences.

- Améliorer nos compétences ? On dirait surtout que vous prenez un malin plaisir à nous voir souffrir.

Son sourire moqueur me pousse au bord de la rage. Il le remarque.

- Oh, Agent 986, toujours aussi pleine d'assurance. Mais parfois, l'assurance peut être la plus grande faiblesse.

Il soulève un sourcil, comme s'il attendait ma réaction.

- Faiblesse ? Vous pensez que je suis faible ?

- Je pense que tu es jeune, impétueuse, et que tu as encore beaucoup à apprendre.

Je lève les yeux au ciel, et pousse un soupir énervé.

- Vous êtes le pire instructeur au monde, je lâche.

- Et toi, tu es la pire recrue que je n'ai jamais eus.

Je le regarde. Il a les bras croisés sur la poitrine.

- Et j'en suis fière, je finis par dire. Je ne vois pas pourquoi je devrais jouer à la recrue parfaite, sage comme une image.

- Je dois avouer que vous avez réussi. Mais, Agent 986, même les rebelles ont besoin de règles.

Je ne peux m'empêcher de rire.

- Vous et vos règles, c'est une obsession.

- Les règles sont là pour une raison, pas par simple obsession. Elles garantissent la sécurité et le succès des missions. Ignore les et cela pourrait te coûter cher.

- Vous me parlez de règles que je ne respecte pas. Mais qui vous a dit que mon intention était de les briser ?

- Tu as du potentiel, mais si tu veux survivre dans ce monde, tu devras apprendre à naviguer entre les règles sans les briser. C'est ça, l'art de la survie.

Je plisse les yeux, analysant ses paroles.

- L'art de la survie, vraiment ? Vous parlez comme si c'était une guerre constante.

Il soupire légèrement.

- Dans notre monde, chaque mission est une bataille, et la guerre ne s'arrête jamais. Il faut être prêt à tout.

- Tout ça pour me dire que vous voulez que je me conforme à vos règles strictes, dis-je avec sarcasme.

- Je veux que tu apprennes à utiliser ta rébellion de manière stratégique, pas simplement pour la rébellion elle-même.

Je finis par me lever.

- J'y vais. J'ai assez perdu mon temps ici.

Lorsque j'ouvre la porte, mon instructeur reprend la parole

- Il y a des batailles qui nécessitent la fureur du feu, et d'autres qui exigent la patience de l'eau. La clé est de savoir quand embraser et quand attendre.

Avant que je me retourne, la porte s'est déjà refermée sur lui. Un peu retournée, et réfléchissant toujours à notre échange, j'emprunte l'ascenseur et retourne dans mon appartement.