Acceptation (partie 1)

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L'amour est à réinventer, on le sait.

— Rimbaud


Se remémorer les bons comme les mauvais moments, apprendre à vivre différemment et reprendre confiance en soi prouvent que le travail de deuil touche bientôt à sa fin.


Mercredi 16 novembre 2022, 13h45.

Tiago était en train de raconter les événements survenus depuis sa précédente séance avec sa psychologue lorsque cette dernière referma son carnet de notes, attendant que le brun termine sa phrase pour enlever ses lunettes et le fixer droit dans les yeux en disant d'une voix posée :

— Bon, Tiago, c'est notre cinquième séance. Il serait temps que tu sois honnête avec moi, tu ne crois pas ?

Choqué par ce retournement de situation, le concerné ne savait plus quoi dire ni quoi faire.

— Je suis ta psychologue, je peux tout entendre, tu sais ? Allez, dis-moi sincèrement, qui était réellement Jolina ?

Elle savait très bien ce qu'elle faisait en nommant la défunte de cette manière alors que le jeune homme était le seul à y être autorisé. Même si sa méthode n'était pas très académique, Annie comptait bien provoquer une réaction chez son patient. Elle savait qu'il en avait besoin. Il avait besoin de relâcher cette tension qu'il ne retenait pas seulement depuis la mort d'Erika, mais depuis bien plus longtemps que ça.

Même si Annie s'y attendait, elle s'étonna de l'importance du déluge que Tiago avait accepté de soudainement laisser s'échapper. D'abord quelques mots, puis rapidement un torrent.

— On s'est rencontrés le jour de la rentrée, en Seconde, le 4 septembre 2017. Mais c'est pendant le premier cours d'espagnol qu'on a vraiment commencé à se connaître et qu'on est devenus amis. Alors que tout nous opposait, sur un coup de tête, je me suis mis à clamer haut et fort que je l'aimais, qu'elle était la femme de ma vie et qu'elle faisait battre mon cœur. Ça, c'était cinq mois après notre rencontre. Je dessinais sur les tableaux à craie des cœurs avec son nom et le mien. Jo se plaignait aux profs que je l'embêtais, que j'étais gênant, mais, pour moi, ce n'était qu'une blague. Enfin, c'est ce que je pensais... J'aimais la voir énervée, j'aimais casser sa carapace, j'étais curieux de découvrir la véritable Jolina, de découvrir cette femme qui paraissait si inaccessible. Et puis, quelques jours après, tout a changé...

Revivant la scène d'abord dans sa tête, il tenta de la décrire avec le plus de détails possibles pour que sa psychologue comprenne :

— Pour faire mon intéressant, je faisais des pompes contre le mur en attendant notre prof de maths qui était en retard. Évidemment, ça énervait Jo alors je continuais pour la provoquer. Pour m'arrêter, elle s'était mise entre le mur et moi. Elle n'avait pas froid aux yeux, mais j'ai continué. Les autres me disaient que, vu la position, je devrais en profiter pour l'embrasser, mais ce n'était pas dans mes principes ; je ne savais pas si elle voulait. Le prof est finalement arrivé en me réprimandant. C'était un prof ultra sévère qui refusait catégoriquement les téléphones en cours. Malgré le risque, Jo m'a envoyé un message.

— Que disait ce message ?

— Il disait qu'elle aurait aimé que je l'embrasse, répondit le concerné en rougissant. J'étais surpris, mais, quand j'ai tourné la tête vers elle, elle faisait semblant d'écouter le prof. Je lui ai demandé de rester après le cours, c'était le dernier de la journée. Mais, dès que ça a sonné, elle s'est enfuit, prétextant qu'elle avait un bus à prendre et un entraînement de natation à ne pas louper.

La dernière nuit de septembreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant