Je ne connais pas de personne parfaite. Je connais que des gens défectueux qui valent malgré tout la peine d'être aimés.
— John Green
La souffrance due à l'absence de l'être cher amène la perte de repères, allant parfois jusqu'à la dépression, mais cela est également le signe du début de l'acceptation du décès.
Jeudi 6 octobre 2022, 18h25.
— Tiago ? Tiago, tu m'entends ? l'appelait sa mère depuis le rez-de-chaussée.
Vu que son fils ne répondait pas, elle monta dans sa chambre.
— Tu vas être en retard pour ton entraînement, l'informa Camille en poussant la porte.
Elle découvrit son fils allongé sur son lit, comme un zombie hypnotisé par l'écran de son téléphone, enroulé dans sa couette, et laissant tourner en boucle la chanson « Can you hold me » de NF et Britt Nicole.
En remontant dans les fichiers de sa galerie, Tiago était tombé sur une vidéo d'Erika et lui datant de janvier 2021. Il avait fait la route jusqu'à chez elle car elle n'allait pas très bien moralement. Evidemment, la brune ne lui avait rien dit, comme à son habitude, mais il l'avait senti à travers le téléphone lors de leur dernier appel. Ils arrivaient toujours à ressentir les émotions de l'autre, même à distance. Ce jour-là, il s'était mis à neiger lorsque Tiago était arrivé devant les appartements étudiants. Il avait appelé Erika en lui demandant de mettre un manteau et de se rendre en bas de chez elle, puis il avait raccroché avant qu'elle puisse répondre quoi que ce soit. Le Tiago endeuillé dans son lit se remerciait lui-même d'avoir pensé à poser son téléphone pour immortaliser ce précieux moment. Sur la vidéo, on voyait l'étudiante descendre les marches jusqu'au brun qui lui présentait sa main. Une fois qu'elle eut accepté de la lui prendre, Tiago l'avait délicatement tirée vers lui et l'avait embrassée sous la neige avant de la faire doucement tourner comme s'il faisait danser une ballerine. Ne pouvant résister au peu de distance qui restait entre eux, il l'avait portée, la soutenant par les cuisses pour la garder ainsi pendant que le temps s'était arrêté, les plongeant dans un silence chaleureux qui n'appartenait qu'à eux. Sans dire un mot, après un moment, Erika avait desserré ses jambes qui étaient enroulées autour de la taille de Tiago, il l'avait alors reposée doucement sur le sol recouvert d'une fine couche de neige blanche. Ses doigts entrelacés avec ceux de la brune, le garçon aux cheveux bouclés s'amusait à déposer de petits baisers sur la main de sa chérie tout en lui répétant à quel point il l'aimait ; ce fut ensuite au tour de la Britannique qui embrassa les doigts du jeune homme avant de murmurer un « je t'aime » inaudible par le micro du téléphone, mais dont le Tiago d'aujourd'hui se souvenait encore parfaitement. Les deux amoureux se sourirent silencieusement dans ce paysage idyllique puis la vidéo se termina après que Tiago eut laissé un chaste baiser sur le front d'Erika.
N'ayant aucune idée de ce que son fils zombifié pouvait bien regarder sur son téléphone, la femme dans la cinquantaine s'empressa de s'approcher de lui pour retirer la couverture d'un coup sec en le grondant :
— Ah non, Tiago Lopez, je ne suis pas d'accord ! Ce n'est pas parce qu'Erika n'est plus là que tu dois arrêter de faire ce qui te plaît.
— Mais tu ne comprends pas, se défendit l'accusé qui éteignit l'écran de son téléphone avant de se mettre à pleurer comme subitement rattrapé par la réalité. C'était elle, ma motivation. C'était elle qui me poussait à donner le meilleur de moi-même.
Émue par l'état dans lequel était son fils unique, Camille retint un sanglot et s'assit à côté de lui pour le prendre dans ses bras.
— Oh, mon chéri, je sais... Je sais tout ça et je suis tellement désolée. Tu ne devrais pas avoir à vivre cela, jamais, et surtout pas à ton âge. J'aimerais pouvoir prendre ta douleur, mais j'en suis incapable. Erika était géniale, personne ne pourra la remplacer, mais elle serait vraiment triste de savoir que tu as arrêté ta passion à cause d'elle.
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La dernière nuit de septembre
RomanceLa vie ne tient qu'à un fil. Ça, on le sait tous, mais on ne le réalise toujours que trop tard. On ne peut jamais réellement s'imaginer comment cela pourrait se passer, comment tout pourrait s'arrêter d'un seul claquement de doigts, d'un seul dérap...