Choc

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On voudrait revenir à la page où l'on aime, et la page où l'on meurt est déjà sous nos doigts.

— Lamartine


Le choc est la première étape du deuil. La personne qui apprend le décès d'un proche ne montre souvent aucune émotion.


Dimanche 11 septembre 2022, 13h42.

Dans une ville du sud-est de la France, une voiture s'arrêta devant une maison blanche dotée d'un jardin dans lequel on retrouvait différents types de végétaux qui supportaient facilement la chaleur. L'été méditerranéen se ressentait encore en cette fin de saison. Trois personnes descendirent de la voiture ; deux hommes et une femme. Ils marchèrent jusqu'à la porte d'entrée et toquèrent. On entendit soudainement un chien répondre le premier, puis une personne à la douce voix qu'on distinguait à peine mais qui semblait demander à l'animal de se calmer. La porte s'ouvrit alors sur cette femme de quarante-huit ans aux longs cheveux bruns.

— Madame Jolina ? demanda celui qui se trouvait en avant.

— Oui, c'est moi, répondit-elle par-dessus les aboiements du berger australien. Que se passe-t-il, Monsieur le Maire ?

— On peut entrer ?

Cela devait être la deuxième fois que le Maire venait rendre visite à la famille Jolina, mais c'était la première fois qu'il se rendait à leur domicile accompagné de deux gendarmes. Comme par réflexe, ses jambes semblèrent soudainement ne plus pouvoir la porter et le souffle lui manqua lorsqu'un jeune garçon apparut dans le couloir. Remarquant sa présence quand il appela lui-même Trickster, le chien de la famille, elle lui demanda d'une voix tremblante d'aller dans sa chambre avec l'animal aux poils tricolores.

Elle conduisit ensuite les visiteurs dans la salle à manger et fut rejointe par son mari, un grand brun à l'accent britannique. Ils s'assirent tous autour de la table et un silence pesant emplit la pièce.

— C'est au sujet de votre fille, Erika...

À l'énonciation de ce prénom, Laetitia, la mère, eut les yeux inondés de larmes qui n'attendaient que la terrible annonce pour couler. Rory, son mari, lui prit la main pour encaisser ensemble la nouvelle qu'ils avaient inconsciemment devinée.

— Il y a eu un accident de voiture dans un chemin de campagne hier soir, près de la ville où Erika étudiait. Leur véhicule a quitté la route et, malheureusement, votre fille ne s'en est pas sortie, annonça avec le plus de tact possible le gendarme.

C'était impossible, cela ne pouvait pas arriver. Pas à eux, pas à Erika. Laetitia s'effondra en pleurs. Rory tentait de rester fort pour eux deux, le visage inexpressif, la mâchoire serrée, les yeux vides.

— Nous sommes profondément désolés, finit par dire la gendarme après un instant.

On ne pouvait jamais savoir comment on allait réagir dans ce genre de moments. Tout un tas de pensées, d'images et de questions pouvaient nous venir en tête. Les parents d'Erika, eux, se demandèrent comment ils allaient l'annoncer à leur famille, et surtout à Elias et Esteban, leurs deux autres enfants, âgés respectivement de huit et vingt-trois ans. Evidemment, des images d'accident de voiture envahirent leur esprit ; c'était presque assez ironique d'avoir tant d'exemples en tête, tous venant de reportages à la télévision ou de films et séries d'action qu'ils interdisaient à leur plus jeune fils de regarder pour le préserver de tant d'atrocités. Aujourd'hui, ils étaient soulagés qu'Elias n'ait pas encore conscience de tout cela et qu'il n'aura pas à associer le décès de sa sœur à des cascades scénarisées.

La dernière nuit de septembreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant