Brisés

Prologue

  Une vie difficile pour une fille ordinaire. Je crois que ça me définit bien.
J'ai vécu tant de choses en vingt ans. Chagrinantes et tragiques.

  J'ai perdu mes deux parents lorsque j'avais douze ans.
Mon père trompait ma mère, et quand elle a eu écho de sa liaison, elle a carrément perdu la tête. Elle ne s'est pas contrôlée, et envahie par la haine, ma mère a pris un couteau de cuisine et s'est déchaînée sur mon père. Je ne pourrais jamais oublier cette scène effroyablement épouvantable.
Ma mère ne savait pas que j'étais là. Faut dire que j'étais tellement petite à l'époque, bien que je ne sois toujours pas très grande aujourd'hui, qu'on me voyait à peine. Et j'étais aussi discrète qu'une souris.
Sa prise de conscience est arrivée trop tardivement lorsqu'elle s'est rendue compte que j'étais là.

  Souvent, nos parents nous raconte des histoires, et dans ces histoires, il y a toujours des gentils, et des méchants, des monstres. Et ces monstres sont représentés comme d'horribles créatures bestiales.
Mais c'est faux, la pire bête, le pire monstre de ce monde, est l'être humain.
J'en ai eu la preuve, huit ans auparavant, quand ma mère a tué mon père, devant moi, puis qu'elle s'est tuée, quelques secondes après.

  Comment retrouver une vie paisible et normale après ça ? Je ne pourrais jamais plus être la même qu'avant mes douze ans.
Je suis anéantie, brisée. Je suis morte le même jour que mes géniteurs. Mais je suis morte à cause de leurs actes. À cause d'eux.

  J'ai tant aimé mes parents, et pourtant aujourd'hui, je les déteste plus que tout. Ils ont détruit ma vie, et la vision que j'avais de l'amour.
C'est bizarre à dire, mais très vite, je savais ce que je voulais. Je voulais rapidement grandir, et vivre un amour aussi fort que celui que je pensais que mes parents partageaient.
Mais ce n'était pas le cas. Ça ne l'a jamais été.

  Suite à cela, une enquête a été ouverte, mais aussitôt refermée puisque les faits étaient là. Mon père a été tué par ma mère, qui s'est ensuite donnée la mort. Point final.
Mais en revanche, il n'y aura jamais de point final à ma douleur. Cependant avec le temps, la douleur s'est transformée en haine et en colère.

  Mon oncle Josh, et ma tante Jenna m'ont accueillis à bras ouverts. J'ai eu tant de chance de les avoir tous les deux. Sans quoi, qui sait ce que je serais devenue ?
Probablement une délinquante.
Suite à la mort de Marianne et Frédéric, je n'ai pas dit un mot pendant un an pile. Je crois que malgré ma colère, j'avais besoin de faire mon deuil.

  Quand j'ai recommencé, Josh et Jenna étaient plus que ravis. Mais les pauvres, ils n'auraient pas dû se réjouir aussi vite, car à partir de là j'ai été leur pire cauchemar.
Je leur en voulait, alors qu'ils n'avaient strictement rien fait. Mais c'était plus facile de leur en vouloir, que m'en vouloir à mes parents à qui je ne pouvais pas m'en prendre.
Ils m'ont détruite, alors je ne voulais plus jamais ressentir ce que c'était d'avoir une famille, d'éprouver de l'amour pour qui que ce soit, puisque visiblement, le lien soit disant le plus fort sur terre, le lien familial, est celui qui m'a le plus détruite.
Alors c'était hors de question que je vive ça une seconde fois. Je ne veux plus jamais aimé.

  Postes de police, impulsivité, cassage, Josh et Jenna sont passés par toutes les épreuves avec moi.
Mais à l'inverse de Marianne et Frédéric, eux ne m'ont pas abandonnés.
Et c'est quand j'ai vu mon oncle et ma tante en train de pleurer, une nuit à deux heures du matin, que je me suis rendue compte de mes erreurs. J'étais devenue un vrai monstre, comme ceux qui m'ont mis au monde. Je les détestais pour ça mais pire que tout, je me détestais encore plus.
Je me suis excusée et j'ai promis solennellement, de plus jamais leur faire verser une larme.
Ils m'ont pardonnés avec une facilité qui m'a déconcertée.
Mais moi je ne peux pas pardonner à mes parents, ni à moi-même d'ailleurs.

À cause de mes géniteurs, j'ai dû renoncer à mon rêve. Celui de tomber amoureuse, de vivre une histoire d'amour avec quelqu'un que j'aurais aimé étant qu'il m'aurait aimé.
Je voulais et comptais fonder ma propre famille. Assurer ce qui aurait pu être une belle descendance.
Mais désormais je jure d'éteindre la lignée Bloom avec moi.
J'ai l'impression d'être l'enfant de deux démons. Par conséquent, mon sang est impure et ne peut engendrer un enfant pure. Il sèmera le chaos, comme ses grands-parents.
Comme moi.