Chapitre 1

40 3 0
                                    

Aujourd'hui, un ange nous quitte. Mon oncle, mon père même.
Je suis là, debout, face à son cercueil, vêtue de ces horribles vêtements noirs.

  J'ai aimé profondément mon oncle, mais pourtant, je ne verse aucune larme.
Depuis le décès des salopards qui me servaient de parents, je n'ai plus jamais pleuré.
En fait, c'est comme quand on entre dans un bain rempli de glaçons. Au début c'est tellement froid, que tu ne supportes pas la froideur douloureuse. Tu sens chacun de tes membres se contractés. Puis peu à peu, ton corps s'anesthésie. Tu ne ressens plus rien, ou pratiquement rien. Je dirais même que ça devient agréable, car cette sensation de ne rien ressentir te rend ... presque invincible à tes yeux. Et c'est ce que je ressens actuellement. Je me suis tellement habituée à la souffrance, que maintenant elle fait partie de mon quotidien. Je crois même, que j'ai fini par avoir besoin d'elle. Au moins, elle ne te déçoit pas. Tu sais qu'elle est présente et elle devient même ta seule compagnie.
À l'inverse du bonheur, qui lui te fait sentir comme le roi du monde, puis la minute d'après, te fait sentir comme la merde d'un chien et t'abandonne lâchement.
C'est pourquoi je répondais toujours en philosophie que le bonheur n'existe pas. Le bonheur n'est qu'une succession de moments qui nous font du bien, mais des moments qui sont éphémères .
La souffrance persiste plus.
D'ailleurs, je n'ai jamais croisé quelqu'un qui est véritablement heureux. Tout le monde souffre de quelque chose sur cette terre.

Je n'en peux plus de rester ici. Je suis venue que par respect pour mon oncle. Et surtout, et malgré moi, j'ai fini par aimé comme un père ce clown. Il prenait tout à la rigolade. Et il avait toujours ce ton moralisateur et philosophique avec moi. Il m'énervait tellement.
Mais il m'aimait comme mes parents ne l'ont jamais fait avec moi.
Et je l'aimais aussi.
Et je l'ai perdu aussi.

Je vois tout le monde pleurer, ma tante y compris. Je ne peux pas nier que malgré l'accoutumance, cette fois, la souffrance est beaucoup trop intense.
Je me sens de nouveau orpheline.

Ma tante s'avance devant le cercueil, s'apprêtant à faire son discours. Mais les larmes sont trop présentes. Elle est tellement triste qu'elle n'a même pas pris la peine de se rendre plus présentable. Ses cernes sont plus violacées qu'un coquard et ses joues sont noires à cause du mascara qui a coulé un peu plus tôt.

  Je sens un liquide sur la paume de ma main. J'ouvre mon poing, et y découvre des minis gouttelettes de sang. Mes ongles étaient visiblement trop enfoncés dans ma paume.
Au moins, je me rappelle que je suis encore humaine biologiquement. J'ai trop tendance à l'oublier.

Je ne comptais pas faire de discours.
Pourquoi faire ?
La plupart des gens qui sont ici, nous souhaitent leurs condoléances et nous disent que nous pouvons compter sur eux en cas de besoin. Mais ce n'est qu'une forme de politesse. Personne n'est jamais là.
Nous sommes seuls avec nous-mêmes.

Je m'avance devant le cercueil, et le regarde, pour éviter de croiser la pitié, l'hypocrisie, la tristesse des personnes présentes.

Moi : Je ne suis pas vraiment douée pour les grands discours. Ça c'était ... la compétence d'oncle Josh. Et pour être honnête, je n'avais aucunement l'intention de prendre la parole. Mais je suis visiblement la plus apte actuellement à parler alors ... je me lance.

  Je prends une grande inspiration et expire lourdement, continuant de regarder le cercueil, sans me soucier du regards des gens.

Moi : À voir toutes les personnes présentes ici, je constate que beaucoup de gens tenaient à lui, à chacun sa manière, malgré le fait qu'il était la personne la plus pénible que je connaisse. Mais aussi la personne la plus aimante, généreuse et altruiste que je connaisse. Pardon, que je ne connaissais. Josh était une personne qui était narcissique mais toujours sur le ton de l'humour. Il se ventait de tout. Et pourtant, concernant mon éducation, il s'est toujours montré humble. Il m'a appris tant de choses, et s'il y a encore une infime partie de bon en moi, c'est grâce à cet être exceptionnel qu'était Josh Bloom. C'était plus qu'un oncle, c'était un père. Josh lui ... c'était mon père adoptif et sa mort ... enfin au moins à l'inverse de mon vrai père, on se rappellera de lui. Mais aucun d'entre vous ne savait qui Josh Bloom était réellement. À part sa femme et moi. Vous allez vous rappeler de lui comme une personne gentille qui rendait service à tout le monde, qui aimait faire des farces, dire des conneries. Mais moi je vais me rappeler de lui comme un héros, comme un ange.

Brisés Où les histoires vivent. Découvrez maintenant