Chapitre 13

34 4 0
                                        

Enfermée dans ma chambre, je ne pense à rien d'autre que les paroles de Jaden.
Après tout ce qu'il m'a dit, je n'avais plus les mots. Je ne savais pas quoi dire ni quoi penser, alors j'ai préféré partir. Je lui ai demandé de me laisser du temps pour assimiler tout ça. Je veux dire c'est de la folie après tout, et ça ne veut rien dire. On se connaît à peine et il me sort tout ça. En plus quand je le vois, il n'a pas l'air d'être une personne romantique. Pourtant ses paroles étaient dotées d'une telle romance. J'avais l'impression d'être l'actrice principale d'un film. Mais nous ne sommes plus évidemment pas dans un film.

Ma tante est partie faire les courses. D'habitude je viens avec elle, mais j'ai préféré rester ici, car je sais que je ne suis pas actuellement la meilleure compagnie qu'on puisse avoir. Et je ne suis pas assez concentrée pour faire une chose aussi simple que d'aller en course.
J'entends qu'on frappe à la porte et je me demande rapidement qui c'est.
Je traverse le salon et me dirige vers la porte, avant de l'ouvrir.

Merde ... Jaden !

Moi : J-jaden ?

Jaden : Salut, je peux entrer ?

  Comme ça il demande à entrer mais il ne demande pas avant de poser ses lèvres sur moi.

Moi : Ma tante n'est pas là. Reviens dans une heure ou deux.

  Je tente de fermer la porte, mais Jaden m'empêche de le faire, en mettant son pied pour éviter de la fermer.
Puis il entre sans que je lui en donne l'autorisation.

Moi : Je vois. Quand il n'y a que nous deux, tu te montres tel que tu es, un sans gêne.

Jaden : Faut croire que tu ne me laisses pas le choix. Et je ne suis pas venu voir Jenna. C'est pour toi que je suis là.

Moi : Mais on a rien à se dire. J'ai fait preuve de gentillesse jusque-là, bien que tu puisses penser le contraire, et ceci malgré ce que t'avais fait. Mais là ça devient du harcèlement. Tu joues avec ma patience, qui a atteint sa limite.

Jaden : Ça fait une semaine. Tu as dit que t'avais besoin de temps mais ça te prends combien de temps au juste pour réfléchir ? Nous avons plus douze ans. Nous sommes deux adultes alors parlons sérieusement et soyons honnêtes !

  Ce type est définitivement plus têtu que moi. Je pensais qu'il allait lâcher l'affaire. Mais il faut croire que je me suis lourdement trompée.

Moi : Très bien, si je te donne ma réponse, tu vas enfin me laisser tranquille ?

  Jaden se contente d'hausser les épaules, les mains dans les poches avec un air presque désintéressé.
C'est lui qui me rend folle avec son insistance, et moi je ne tiens plus qu'à un fil.

Moi : D'accord, tu as peut-être raison, il y a peut-être une sorte d'attirance mais uniquement physique, d'accord ? Parce que toi et moi, c'est comme l'huile et le feu, nous sommes clairement incompatibles. Je ne veux avoir aucune relation avec toi, quelle qu'elle soit, c'est compris ? Alors lâche l'affaire. Tu éviteras de perdre ton temps, et le mien par la même occasion. Parce qu'en dehors de ça, je ne te supporte pas.

  Je n'ai presque plus de souffle. Ma poitrine monte et descend à la vitesse de l'éclair.

Jaden : Comment on fait alors ?

Moi : De quoi tu parles ? Tu fais ton chemin et je fais le mien. Point à la ligne, il n'y a rien d'autre à ajouter.

Jaden : Et qu'est-ce que je fais de mes pensées ? De mon corps qui ne cesse de te réclamer, qui m'emmène à chaque fois à venir te voir ? Je fais quoi de tout ça ?

Moi : Ce n'est pas mon soucis, maintenant je veux que tu t'en ailles.

  Comme à son habitude, au lieu de m'écouter, Jaden fait le contraire de ce que j'attends de lui.
Il s'approche de moi, et s'approche si près de moi que je distingue à peine les traits de son visage, hormis sa bouche qui est dangereusement proche de la mienne.

Aller, calme-toi Emmy ... tout ... va ... bien ...

Jaden : J'ai toujours préféré la folie des passions, à la sagesse de l'indifférence.

  Et sur ces paroles, Jaden me regarde pendant quelques secondes, avant de partir comme si de rien n'était, et sans même regarder derrière lui.
Et je me sens tout à coup vide, comme à chaque fois qu'il n'est plus là.
Parfois je me dis qu'en quelques temps, je me suis fait à sa présence, bien qu'elle soit courte. Et quand il part, je me sens comme une tortue sans sa carapace.

Moi : Ces paroles ... pourquoi elles me disent quelque chose ?

  Je pensais qu'en mettant les choses au clair une bonne fois pour toute avec Jaden, allait rendre ma vie plus simple.
Cependant, je constate que toutes ces choses en moi que je n'explique pas, rendent ma vie plus compliquée, et que ce petit organe battant au fond de moi, se trouve plus meurtri qu'il ne l'est déjà.

*

  Allongée dans mon lit, les yeux rivés au plafond,  je me repasse en boucle la dernière phrase de Jason qui résonne comme un écho en moi. C'est comme si que j'avais déjà entendu ces paroles, mais pourquoi ? Où et comment ?
  Puis, comme si on m'avait jeté de l'eau froide en plein visage, je me redresse rapidement.

Moi : Anatole France !

  Ce qu'il a dit, cette phrase qui me semblait familière, provient d'Anatole France, un écrivain français né au dix-neuvième siècle.
Quand j'ai commencé à savoir lire et écrire, j'ai commencé à bouquiner. J'ai toujours eu un penchant pour les œuvres littéraires. D'ailleurs, Anatole France était pour moi l'un des meilleurs écrivains. J'adorais son style d'écriture, presque musical.
Je me souviens également qu'à l'école, un autre enfant partageait cette même passion pour les livres que moi. Nous pouvions parler des heures et des heures. C'était un garçon timide, mais je ne me souviens pas bien de lui, enfin de son prénom du moins. Mais je crois me rappeler qu'il avait les de longs cheveux ébouriffés, couvrant presque son visage. C'était une personne trop discrète à l'inverse de moi qui était plutôt pleine de vie à cette époque.
Ouais c'était la vieille époque ...
Nous étions tellement différents et pourtant tellement similaires à la fois. J'appréciais chaque petit moment passé avec lui. On se comprenait et on rigolait ensemble. C'était quelqu'un d'assez incompris et j'avais l'impression d'être la seule à pouvoir le comprendre. Je crois que c'était le seul être humain avec qui j'avais un tant soit peu de proximité. Et j'aimais réellement cette alchimie, presque mystique.
Nous nous sommes côtoyés jusqu'à l'âge de mes onze, voire douze ans, quand ma vie s'est transformée en cauchemar éveillé. Puis après, je ne sais pas ce qu'il est devenu.
Nous étions tellement petits et pourtant nous nous comportions déjà comme de vrais adultes, autant sur nos discussions, que sur la façon dont nous nous comportions à deux.
D'ailleurs un petit détail me revient. Malgré ses cheveux qui cachait son visage, notamment ses yeux, il les avait de couleurs marrons clairs. Je crois qu'ils étaient noisettes.
Mais oui, ça y'est ! C'est comme ça que je le surnommais : « Noisette ».
Je souris toute seule en repensant à cette douce époque, et à ce petit, dont j'ignore ce qu'il est devenu.
C'est peut-être bizarre de dire ça mais je ressens la même chaleur que j'avais avec ce garçon, qu'avec Jaden.

Moi : J-jaden ...

Je prononce son nom en murmurant. Mon cœur rate un battement en pensant à lui.
Jaden ... a aussi les yeux noisettes, une coupe ébouriffée ... et ... il m'a sorti cette phrase de mon écrivain préféré, comme ce petit à l'époque le faisait ...

Moi : Non, c'est une coïncidence. Ça ne peut pas être lui ..., dis-je en parlant seule, a voix basse.

Je comprends désormais mieux ce sentiment inexplicable que je ressens à chaque fois que je suis avec Jaden, cette chaleur qui me paraissait soudaine.
Mais en fait, elle n'était pas si soudaine que ça. Elle est revenue à la surface car j'avais oublié Jaden.
Mais mon âme n'est pas parvenue à la faire, il faut croire.

Brisés Où les histoires vivent. Découvrez maintenant