Chapitre 3

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  Nous sommes tous assis autour de la table. Comme de par hasard, il fallait que je me retrouve face à Jaden.

Jenna : Merci à tous d'être venus !

Jaden : Il est normal que nous soyons là. Nous étions ses amis, sa famille.

Jaden me regarde droit dans les yeux en prononçant ses deux derniers mots. Honnêtement je ne sais pas lequel de nous deux il tente le plus de convaincre.

Moi : À croire le nombre de personnes autour de la table, je constate que finalement le nombre de personnes à qui Josh tenait, est totalement moindre, par rapport aux personnes présentes à ses funérailles.

Jaden : Josh aimait toutes les personnes qu'il côtoyait. Toutes les personnes présentes étaient des personnes à qui Josh tenait, réellement. Et c'était réciproque. Mais les personnes autour de cette table, sont sa famille.

Celui-là, il commence à me sortir par les yeux. Quand je pense que c'est moi qui suis à l'origine de tout ce cirque. La prochaine fois que je compte avoir une idée aussi « brillante » je me mets une gifle.

Je regarde les autres personnes, comptant trois autres hommes et deux autres femmes. Une qui d'ailleurs ne cesse de me regarder avec dédain.
Aujourd'hui n'est certainement pas le jour pour m'énerver mais je me dis que je pourrais faire un deux en un, remettre en place ce Jaden en même temps que cette blonde décolorée, et ensuite justifier mon excès de colère par la perte de Josh.
Mais bien évidemment, je ne compte pas mettre ça sur la mort de mon oncle, il est tout à fait impensable que je fasse une telle chose.
Par contre s'ils me cherchent, ils vont me trouver. Je me suis déjà tenue à l'enterrement avec Jaden mais si l'autre s'y met, je ne vais pas me tenir longtemps, dîner ou pas.

Type 1 : Bon, je croyais que nous étions là pour nous rappeler des choses joyeuses concernant Jojo ?

Moi : Jojo ? On dirait qu'il était plus mielleux avec vous qu'avec moi.

Type 1 : Parfois il était ronchon, mais il était toujours un peu ... guimauve, si je puis m'exprimer ainsi.

Jeune femme 1 : Il était comme un second père. Il ne pouvait pas avoir d'enfants mais ils nous considéraient tous comme tels. Je n'arrive pas à croire qu'il n'est plus là. Il ne va plus nous gronder, ni s'inquiéter pour nous, plus nous ramener des viennoiseries le matin.

Le matin ?

Moi : Comment ça le matin ? Alors vous travailliez avec Josh ?

Jaden: Non. C'est juste que parfois on se réunissait tous ensemble le matin. Et il nous apportait des viennoiseries. C'est tout.

Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose de bizarre.
Pour commencer, pourquoi Jaden a répondu à la place de l'autre fille, et aussi rapidement ? Et secondement, pourquoi je n'ai jamais su dans quoi mon oncle travaillait ?
Mais avant que je ne puisse ouvrir la bouche, Jenna revient avec son délicieux ragoût de bœuf, accompagné d'alléchantes pommes de terre.
C'était le plat préféré de Josh.

Mon oncle était tout pour moi. Il m'a gâté, et m'a donné plus d'amour que je ne pouvais espérer, plus d'amour que je ne le méritais.
Mais je me questionne souvent sur lui. Déjà je ne connaissais pas ces personnes autour de la table. Qui sont-elles réellement ? Sont-elles vraiment ce qu'elles prétendent être ? Des ... amis ?
Je pensais que les personnes qui comptaient pour lui, sont ceux qui venaient à la maison. Après tout, une maison représente l'intimité. Par conséquent, on ne peut pas inviter n'importe qui.
Sauf que mon oncle était visiblement trop sociable avec tout le monde.
Mais il n'invitait pas ses soit disant vrais amis.
Quelque chose se trame et je dois découvrir la vérité car je sens que tout le monde me ment autour de cette table, Jenna compris.

Jenna : Bon appétit et ... à Josh.

Tous les autres : À Josh.

Moi : À Josh !

*

Finalement, le repas n'a pas été aussi chaotique que je le pensais. Nous avons parlé de mon oncle et pourtant j'ai l'impression qu'il a plus de vécu agréable avec eux, ces personnes que je ne connais pas, que moi.

Personne ne s'est encore tranchée la gorge donc c'est déjà bon signe. Et faut croire que l'alcool me rend nostalgique et heureuse. C'est peut-être la raison pour laquelle je n'ai pas encore collée ma main sur le ravissant visage de Jaden.

Oups mais qu'est-ce que je raconte ?

Moi : Faut croire que j'ai trop bu !

Et merde voilà que je parle à voix haute.
Tout le monde me regarde bizarrement mais je m'en fiche. Je suis trop bien actuellement, et je n'ai pas envie d'arrêter de ressentir ça. En fait, j'ai envie de la vivre encore et encore.
Je crois que c'est là que je vis mon bonheur éphémère.
D'ailleurs, il se voit, mon bonheur, puisque je me mets à rire alors que personne n'a parlé.

Jenna : Emiliana, ma chérie, je pense que tu as trop bu.

Moi : Non non, je n'ai pas bu beaucoup. J'ai bu deux verres.

Jaden : Multiplie par quatre et le compte est bon.

Moi : Toi on t'a rien demandé !

Peut-être que j'ai parlé trop vite quand j'ai dit que le repas s'était bien déroulé, car visiblement une guerre se prépare, une guerre que je suis en train de déclencher.
Je devrais faire demi-tour, mais je n'en ai pas envie.
L'alcool veut me faire sortir ce que je réprime depuis tout ce temps.

Moi : Tu m'as demandé tout à l'heure si je croyais tout connaître sur mon oncle, pas vrai ? Mais toi, tu crois mieux le connaître que moi ? C'était mon oncle à moi !

Jenna : Emiliana ... je t'en prie

Je vois dans les yeux bleus turquoises de Jenna qu'elle est triste et apeurée de la suite des événements.
Il faut que je m'arrête, elle ne mérite pas ça.
Mon oncle non plus.
Pas en ce jour si noir.

Mais je n'y arrive pas ... juste pour cette fois, il faut que ça sorte.
J'en ai besoin.

Jaden : Bon Jenna je pense que nous devrions nous en aller. Ta nièce est visiblement mal, ce que je comprends mais elle en a assez fait à l'enterrement pour que je supporte encore plus ses remarques.

Jenna : Jaden je t'en prie ...

Moi : Pourquoi tu le supplies Jenna ? Arrête de le supplier pour ne pas qu'il parte, laisse-le partir. Tu ne comprends rien ? Les gens partent et nous abandonnent sans cesse. L'amour n'existe pas, peu importe la nature de celui-ci. À chaque fois les gens finissent par nous décevoir et nous faire du mal d'une façon ou d'une autre. L'amour est un truc bidon qu'on invente aux gens naïfs qui veulent bien y croire, pour ne pas qu'ils se foutent par la fenêtre et qu'ils s'accrochent à quelque chose, mais ça n'existe pas. Ou si aimer fait mal, je refuse d'aimer moi. D'ailleurs, je m'en fou, je n'aime pas Josh. Si j'ai réussi à oublier d'autres personnes plus importantes que lui, je peux facilement l'oublier, puisqu'il est parti en te laissant seule ... et ... me laissant seule ..., aussi. Les gens viennent dans notre vie pour qu'on les aime, nous prouver qu'on a besoin d'eux et après ils se tirent c'est comme ça ! Et nous on se retrouve comme des merdes à les pleurer pour rien au final. C'est débile !

Je suis à bout de souffle, j'ai l'impression d'avoir rappé tellement j'ai parlé vite. J'ai plus aucune salive et mon cœur tambourine, prêt à bondir de ma poitrine.
Je reprends peu à peu mon souffle mais me sent néanmoins très mal, aussi bien au sens propre qu'au figuré.
Mes yeux sont rivés au sol et pourtant je sens le regard de tout le monde sur moi.
Entourée de toutes ces personnes, je ne me suis jamais sentie aussi seule.

Brisés Où les histoires vivent. Découvrez maintenant