Le départ

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Vêtue d'un survêtement gris et d'une casquette, j'attends à l'aéroport de Paris avec Hichem, notre deuxième avion direction Nairobi, la capitale du Kenya.

Ma jambe ne cesse de trembler tant l'excitation me consume. Nous sommes assis dans le Starbucks de l'aéroport Charles de Gaulle, je suis sur l'ordinateur tandis que mon voisin joue aux mots fléchés.

- Tu n'es pas croyable, se moque-t-il.
Je me tourne légèrement vers lui et lui lance un regard noir.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- T'es vraiment en train de faire des recherches sur le village ?
- Et alors ?
- Maintenant ? rit-il.
- Mais c'est ton problème Hichem ? Tu fais ta vie et je fais la mienne.

Il roule des yeux

Le froid hivernal à Paris engourdit mes articulations, et j'ai hâte d'arriver en Afrique où, contrairement à ici, la chaleur est au rendez-vous.

La météo annonce 21 degrés, ce qui sera un agréable voyage avec les 5 degrés auxquels nous sommes habitués.

Je range rapidement mes affaires lorsque notre vol est annoncé et cours rejoindre mon concurrent qui est déjà en train de marcher pour monter dans notre avion.

Il est 10h10 et nous arriverons à 20h45 à l'aéroport Jomo Kenyatta, j'ai donc 8h35 à supporter aux côtés de mon ennemi juré, je soupire déjà.

🌸🌸🌸

- Pose ton carnet, tu me stresses, putain.
- Mais ferme la Hichem.
- Ça ne fait même pas deux heures que nous sommes dans les airs, et tu te fais des questions réponses toute seule sur le Kenya alors qu'on n'est même pas arrivés sur leur terre. T'es une malade mentale, me chuchote-t-il.
- C'est ton problème ?
- Du moment que t'es assise à côté de moi, oui.

Je fixe ses longs cils et je m'imagine les arracher un par un.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Je t'imagine sans cils, je te les arracherai un par un, dis-je d'une voix tranchante.
- Et je te les ferai bouffer.
- Clochard.
- Rajoute un "e" à la fin, je suis sûr que tu parlais de toi plutôt.
- Je te déteste Hichem.

Je ferme violemment mon carnet et pose ma tête dessus.

- Un mois avec toi, comment je vais faire ?
- Et que dois-je dire moi ?

Je lui lance un énième scarface et tente de poser ma tête contre le siège pour me reposer un peu.
Nous sommes quatre sur notre rangée, Hichem est du côté de la fenêtre, je suis assise à côté, puis à ma droite se trouve une jeune française blonde, habillée de rose de la tête au pied, le stéréotype de la bimbo, puis juste à sa droite, une vieille dame.

Je mets mon podcast dans les oreilles que j'avais enregistré sur le village Umoja, je ferme les yeux et me laisse emporter par la voix féminine qui explique l'histoire de cette tribu.

Je dois me préparer intensivement pour le concours. Il est hors de question de me laisser distraire par d'autres pensées. Ce mois sera entièrement dédié à mon projet, et je ne prendrai même pas le temps de respirer tant que je n'aurai pas remporté cette victoire.

Hichem ne représente qu'un obstacle sur ma route.

Épuisée, je suis consumée par la fatigue et me laisse emporter par elle. Mon rêve commence à m'envahir lorsque je perçois un secouement qui me sort de mon sommeil profond.

- Tu crois que je suis ton mec ou quoi ? Lève ta tête.

Je fronce les sourcils en entendant la voix agaçante de Hichem et grogne. Je tente de m'étirer mais il me pousse complètement. Ma tête était posée sur son épaule, je me mords la langue et me réprimande intérieurement.

- Tu crois que j'ai fait exprès ou quoi ? demandé-je.
- J'en ai rien à foutre, je ne veux pas attraper le
tétanos.
- C'est toi qui a le tétanos ouais, dis-je d'une façon enfantine.
- Tu n'es même pas un peu crédible, ricane-t-il.

Je mords ma lèvre inférieure et pose mon front sur le siège en face de moi, puis quelques minutes plus tard, une hôtesse de l'air passe à côté de nous et je l'arrête.

- Excusez-moi, pourrais-je changer de place, s'il vous plaît ?
- Je suis désolée mademoiselle, mais le vol est complet.

Je me crispe.

- Vous êtes sûre ?
Elle hoche la tête et sourit d'un air désolé tandis que je grogne à nouveau.
- Un vrai chien enragé, tu es.
- Tu ne veut pas fermer ta gueule Hichem ?
Je le regarde et pose mes deux mains de chaque côté de ma tête.
Tu me fais un trou au crâne, je ne vais pas pouvoir te supporter, ta voix m'insupporte, ta présence m'insupporte, tout, absolument tout !
- Et toi alors ? Tu grognes où tu vas, tu veux te faire remarquer avec tes airs mystérieux.

Je fronce les sourcils face a ses absurdités.

Tandis que son rire m'agace, on me tapote le dos, je me retourne violemment, c'est blondinette qui m'appelle.
- Quoi ?!
- Si tu veux, on peut échanger de place, vous n'avez pas l'air de vous aimer vous deux.

Je ne me fais pas prier pour prendre mes affaires et me déplacer, ce n'est qu'à un siège de lui, mais c'est déjà ça.

- Même d'ici tu pues, dit-il en se penchant en avant pour me voir.
- La ferme.
J'essaye de me calmer en me questionnant sur la raison pour laquelle Dieu aurait choisi de me mettre en présence de Satan en personne.

Il nous reste cinq heures de vol et je décide de me concentrer sur le podcast que je n'ai pas pu écouter car je me suis endormie. Pendant une heure trente tout se passe bien, jusqu'à ce que j'entends des rires stridents de la personne qui se trouve à ma gauche.

Blondinette et Satan ne cessent de jacasser durant pratiquement tout le vol, ils se sont échangés leur numéro et elle ne cesse de jouer avec ses cheveux blonds en riant.

- Tu as de jolies yeux, tu sais ? Ils sont bleus comme l'océan, lui dit-il.
Un frisson de dégoût me parcourt le corps, sortez-moi de là.
- Merci beau brun.
Un rire incontrôlable sort de ma bouche, beau brun sérieusement ?

Je divague mon regard vers eux et lorsque je vois leur main réunie, je me dirige vers les toilettes, impossible pour moi de supporter cette affreuse image.

Même si ses pupilles brillent et que ses cheveux ont l'air soyeux, qu'il est grand et sculpté comme Tarzan, il n'est même pas beau. Hichem possède simplement une beauté digne d'un livre, rien de plus.

Après des heures, nous arrivons enfin à destination, je suis exténuée, je n'arrive même pas à me tenir debout. Hichem le remarque puisqu'il prend ma valise, mais je la lui retire.

- Hors de question que tu touches mes affaires.
- OK.

Puis il s'en va.

ОК?

- Mais tu vas où ? demandé-je en tentant de le rattraper.
- Où tu n'y es pas.

Enfoiré.

Désirs humainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant