Je suis Sa création

4.

« Maman, maman ! »

Les cris se font de plus en plus clairs dans mon esprit. J'émerge lentement comme alourdis par la fatigue. Brusquement, des petites mains me secouent timidement.

« Maman, t'es réveillé ?

- Maman ! entendis - je pour la énième fois

J'ouvre péniblement les yeux et découvre le visage innocent d'un petit garçon. Ses yeux, son petit nez, tout en lui me semble familier et nouveau à la fois. Tout se bouscule dans ma tête et cela doit se refléter sur mon visage car il me regarde avec un air inquiet.

- Maman, ça va ? T'as l'air bizarre ...

- Oui, oui ça va. Euh, on est où ? dis - je hésitante

- Bah à la maison !

- Oui, bien sûr ... à la maison.

À la maison. Ces quelques mots résonnent en moi de manière particulière. Je regarde autour de moi et découvre un appartement chaleureux, coloré et familial. D'un seul coup, une vague de chaleur m'environne et je me sens toute de suite à l'aise. Comme si j'avais toujours appartenu à cet endroit.

Une ombre apparaît soudainement devant moi et me sort de mes pensées. Je lève les yeux et distingue le même visage innocent mais légèrement différent. 

- Maman, pourquoi tu dormais ? 

Sa petite voix fluette résonne comme une mélodie douce et agréable à mes oreilles. Devant moi se dresse un tout petit garçon. Ses grands yeux me regardent avec tellement d'amour. Je reste là à le fixer comme happée par sa présence.

- Maman tu m'as manqué dit - il d'un air triste tout en m'enlaçant de ses petits bras. 

- Moi aussi maman ! 

Les deux bambins m'entourent avec une telle force qu'on finit par se retrouver par terre riant à gorges déployées. Ce moment me semble tellement hors du temps que je suis submergée par un flux d'émotions. Tout d'un coup, c'est comme ci mon cœur se gonflait d'amour. Je resserre mon étreinte plus fortement comme par peur qu'on les sépare de moi. À cette idée, mes larmes coulent à pleins flots. Le bruit de mes pleurs interpellent les deux petits garçons qui se détachent de mon étreinte très inquiets.

- Pourquoi tu pleures maman ? demande le plus petit.

- On t'as fais mal ? renchérît le plus grand.  

Un sourire figé sur les lèvres, j'essuie rapidement mes larmes pour ne pas les inquiéter davantage. 

- Non pas du tout. C'est des larmes de joie parce que je suis ...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que le bruit de la serrure retentit dans la pièce. Brusquement, mon corps est en alerte et je resserre les garçons près de moi. Malgré cela, ils se détachent de ma prise et courent en dehors de la pièce. 

- Papa !! crient - ils en chœur.

À ces mots, je me redresse totalement paniquée. Papa ? C'est logique, ces enfants ont forcément un père et pourtant l'idée ne m'a pas effleuré l'esprit. D'un seul coup mes pensées divaguent, je me sens confuse. Pourquoi tout à l'air si habituel, si normal et en même temps si nouveau ? Comme si mes souvenirs commençaient aujourd'hui. Je sais qui je suis et je connais ses enfants. Enfin, je sais au fond de moi que je les connais et que ce sont les miens mais je serai incapable de dire leurs prénoms ou leurs âges.

Toujours dans mes pensées, le bruit de leurs pas me ramènent à la réalité. 

- Alors comme ça, tu as pleuré ?