|22|Énigme

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Lana

Je me suis noyée, définitivement.

Mon corps n'est qu'une façade de ma présence sur terre tandis que mon esprit, lui, s'est perdu à tout jamais. J'agis par automatisme, sans aucune émotion. Mes pensées sont vides, dépourvues d'espoir ou de vaine tentative d'exister. Exister dans un monde qui ne cesse de me brutaliser.

Je peine à comprendre ce que la dame du secrétariat m'explique, ses paroles sont brouillées, comme si je ne parlais pas la même langue qu'elle.

- Le chèque doit être donné à ton enseignant de référence, me dit-elle en rangeant les papiers du voyage scolaire que je viens de lui remettre, c'est lui qui se charge de ton groupe.

J'acquiesce tout en rangeant le chèque dans mon sac puis en la remerciant, je quitte le couloir de l'administration. Mes pas se font lourd lorsque je déambule au milieu des quelques élèves passant par là. Ma respiration devient saccadée. Mes mains deviennent moites et j'ai soudain des bouffées de chaleur.

Le chemin qui mène aux toilettes me paraît durer une éternité et lorsque je m'enferme dans l'une des cabines, toute ma pression redescend et je fonds en sanglots. Mes mains tremblantes couvrent mon visage tandis que je m'assieds sur la cuvette.

« T'as pas envie de moi ? »

« je vais te baiser »

Ses murmures hurlent dans mes oreilles. Ses mains sur moi, je peux encore les sentir. Des gémissements mélangés à mes pleurs m'échappent et je couvre ma bouche, m'empêchant de faire plus de bruit. Soudain, ce geste me renvoie dans la voiture de mon agresseur et mes larmes redoublent.

- Hé tu vas bien...? j'entends une voix derrière la porte.

Je me fige tentant de devenir invisible et de faire comme s'il n'y avait personne.

- Tu veux que j'appelle quelqu'un ? insiste la voix féminine, un professeur ou l'infirmière ?

Je renifle tout en m'essuyant les joues. Trop honteuse, je n'ose pas sortir alors en prenant mon courage à deux et espérant que cette fille lâche l'affaire, je réponds:

- N-Non ça va, c'est bon merci.

Un silence de quelques secondes pèse dans la pièce puis après m'avoir soufflé un « d'accord » j'entends la porte claquer. Je sors alors lentement de ma cachette, vérifiant si je suis bien seule et en constatant que c'est le cas, je me dirige vers les lavabos. Dans le miroir, je constate les dégâts de ma crise d'angoisse. Mes joues sont rouges et mes yeux légèrement gonflés. Le reflet qui se forme en face de moi n'est que l'expression de ma douleur et je ne peux m'empêcher de me sentir salie.

La vie vient à nouveau de me barrer la route. Le coup de grâce a été lancé et l'espace d'une minute, je me sens partir. Pourquoi vivre dans un monde qui ne veut pas de moi ? Alors que je n'attends que d'être désirée par lui.

Dégoûtée, je saisis mon sac nonchalamment et prends la sortie. Brutalement, en franchissant le seuil de la porte, quelque chose ou plutôt quelqu'un me bouscule, manquant de me renverser par terre.

- Fais attention où tu marches...

Il s'arrête de parler lorsque son regard se plante dans le mien. Des yeux bleus. Mon cœur s'accélère en le voyant me fixer sans dire un mot de plus.

- Excusez-moi, je chuchote d'une voix fébrile.

Aucun de nous ne bouge et heureusement pour nous, personne ne nous entoure. Dans le cas contraire, les choses auraient été plus malaisantes. Ses pupilles me scrutent de haut en bas, m'analysant de la tête aux pieds. Ce geste aurait pu me déranger mais pour une raison qui m'échappe, il ne me semble pas malsain.

LawsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant