LIANE
Mes paupières me paraissent peser un poids insupportable. La tête lourde, ma nuit s'achève dans un tourbillon de cauchemars. J'attire les draps froissés contre moi et ne serre que le vide. Le jour perce par les persiennes et Oscar n'est plus là, depuis un bout de temps. Sa place dans le lit est glaciale, son oreiller à peine fripé. Courbatue, je me redresse entre les couvertures, les yeux gonflés fixant l'heure. 08h12. J'ai dormi dix heures et la fatigue continue de me ronger sournoisement. Mon cerveau redémarre, les mêmes questions qui m'ont hantée hier soir accourent en hurlant, mettant à bas le bref instant d'indolence qui suit le réveil. Mes sens se raniment avec tellement de vigueur que je sens mon cœur s'emballer et une bouffée de chaleur désagréable baigner mon corps.
08h13
Une minute de cette journée et je pars déjà en vrille. Je respire bruyamment, avec lenteur, puis extirpe mes jambes du lit. Pieds plaqués contre le sol, je flageole jusqu'au bureau auquel je m'agrippe, le froid s'insinuant dans mes veines. Le paysage derrière la fenêtre n'est que grisaille dans la brume contre laquelle le soleil patine.
J'enfile un long pull de Noël, un pantalon trop large qui tombe sur ma taille et des chaussettes. Après avoir rangé mes cheveux en bataille derrière mes oreilles, je descends les escaliers. La pénombre de la nuit baigne encore le rez-de-chaussé. Le manoir guette dans le silence. Je perçois des bruits ténus qui émanent de la cuisine. Contournant le chambranle des escaliers, je m'y glisse et mes yeux rencontrent la silhouette familière d'Oscar. Il me présente son dos, penché au dessus du plan de travail. Absorbé par sa tâche, il est vêtu d'un polo à manches longues gris et d'un jean. Rare chez lui. Je m'approche à pas de loup. Au moment où j'allais le surprendre, il fait volte-face. Son regard essoré s'illumine lorsqu'il rencontre le mien. Sur ses traits gravite un magma d'émotions. Je sens cette habituelle tension agréable connecter nos deux corps. Je plisse les yeux pour tenter de comprendre ce qu'il était en train de manigancer. Le plan de travail est vide et ses mains tremblent. Instantanément il vient les fourrer dans mes cheveux et m'embrasse à pleine bouche. Le souffle coupé je demeure interdite alors qu'il me couvre de baisers pendant de longues secondes, collant son bassin contre le mien et enlaçant ses bras dans mon dos. Sonnée, il me rend mon souffle après avoir mangé mes lèvres, le visage plus serein, rassasié. Il respire tout près, effleurant doucement ma bouche de la sienne. Je pose mes mains sur ses épaules et le recule de quelques centimètres. Il tremble toujours, imperceptiblement. Après quelques instants où je tente de comprendre ce qu'il se passe et où les yeux fermés, il semble aux prise avec un dilemme intérieur, il redevient l'homme que je connais, apaisé. Chassées les ombres de son visage, son teint s'illumine, confiant et il m'adresse un sourire appuyé.
Terminé. Son élan de folie a été passager et n'est plus qu'un mirage, une illusion. Je flippe, parce que je sais que ce n'est pas le dernier. Il a cette façon de disparaître à moitié de son visage, de s'en aller brûler l'intérieur de ses pupilles, un va-et-vient entre ses yeux, les reflets de son âme et ses mains qui ne parlent que le langage des vérités. Je le reconnais, ce tressautement de l'esprit, ce déraillement soudain du cerveau qui fonce sur la carrosserie des sentiments et leur ouvre le crâne en deux et les laisse gémir sur le bas-côté, pissant le sang sur la route, pissant le sang dans nos chairs et.
J'ai oublié de respirer. Oscar caresse doucement l'arête de ma joue livide. Les nuages, boursouflées sur l'horizon, irradient d'une lumière orageuse, qui vient rayer les carreaux de la fenêtre au dessus de l'évier. Le visage d'Oscar, son teint hâlé, brillent de mille feux.
- Tu veux peut-être manger un peu non ? Reprendre des forces.
J'acquiesce.
- Il ne reste plus grand-chose, nous avions oublié de faire les courses. Les garçons y sont partis il y a une demi heure. Ils seront bientôt de retour.
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L'odeur des larmes
Teen FictionLes Georgio-Donnaruma forment une famille recomposée et dysfonctionnelle. Leurs parents sont morts il y a quelques années dans un crash d'avion. Élevés par leurs grands-parents en périphérie de la petite ville rurale de Masse , la fratrie est compos...