Pièces détachées - Part 5

42 14 31
                                    

STEFAN

Oscar est un beau nigaud. Un putain de gros branleur, un de ces garçons intelligents et séduisants, qui s'habille bien, parle bien, réussit dans tout ce qu'il entreprend, transforme en or tout ce qu'il touche et est riche, de surcroît.

Tout est si facile pour lui, les études, les filles, les plans. Il est ténébreux et noble. Capable de se faire n'importe qui dans la vallée. Et il a jeté son dévolu sur Liane, sur sa sœur. Ça le fait ricaner, Stefan. Il s'en étrangle presque de rire quand il y pense et sa crise d'hystérie se transforme en toux de colère. Il a tellement rêvé d'être lui. Surtout quand il a appris pour sa relation avec Liane. Il les regarde sous un autre œil depuis une semaine et il voit. Il voit ce que c'est d'aimer éperdument. Ces deux-là sont des aimants, des comètes jumelles qui en contact rentrent en fusion, deviennent lumière. Comme s'ils étaient nés pour cela.

Il voit comment Liane aime Oscar, comment il lui est impossible de réprimer le désir qu'elle éprouve pour lui. Ses souvenirs ne sont plus les mêmes depuis qu'il sait pour ce dessein secret. Tous ces gestes anodins qu'il a pu voir se répéter entre eux, ces mains prises et serrées avec ferveur, ces baisers fiévreux sur la joue, au coin des lèvres, ces épaules qui se frôlent, ces regards habités, prennent une autre dimension. Oscar est une de ces personnes humbles, charismatiques. La personne à suivre. Le leader à écouter, si tu ne veux pas changer la marche du monde.

Il l'a admiré, envié.

Maintenant il le dégoûte.

Étendu sur le lit, gouverné par ses désirs. Il n'est plus aussi fascinant lorsqu'il perd pied. Les filles le chevauchent, s'enroulent autour de lui et le captent dans leur piège. Il a choisi les plus belles et les plus audacieuses.

Postez une annonce sur le web. Intitulez-la : qui veut se taper Oscar Georgio.

Attendez deux minutes. Observez l'afflux massif de réponses.

Contactez les plus alléchantes. Expliquez-leur le plan.

Tout fonctionne sur des roulettes.

L'air chaud de la chambre le happe. Les soupirs l'envoûtent comme le chant des sirènes. Ses membres tremblent sans qu'il ne s'en aperçoive. Il saisit l'appareil photo dans sa poche.

Ne pas laissez de traces cellulaires. Rien qui ne pourrait le dénoncer.

Il se penche à l'embrasure de la porte, la rétine de son œil collé à l'objectif. La scène déformée par le prisme de son argentique s'ancre dans sa pupille. Il patiente, guette le bon moment. Finalement Oscar rejette la tête en arrière. Son visage lui est offert, yeux fermés, bouche béante dans la jouissance. La blonde se dresse sur son torse, une bouteille d'alcool à la main et elle glisse un sachet d'herbe juste à côté de la tête d'Oscar, prêt de ses boucles éparpillées sur l'oreiller. Stefan mitraille le moment. Clac, clac, clac.

Les deux filles dansent sur le corps de l'homme qu'il hait le plus au monde. Clac, clac, clac.

Elles le dénudent, se trémoussent, il répond à leur appel. Clac, clac, clac.

Leurs langues s'emmêlent, la scène est captivante. Ses mains tremblent. Clac, clac, clac.

Il capture le sourire un peu dément sur le visage d'Oscar. Il capture cette seconde où il renonce, cet instant de dépouillement absolu. Cet instant qui n'appartient à personne d'autre qu'à lui et qu'il s'approprie sans vergogne.

Soyez conscient des conséquences, du phénomène d'emballement. De celui de la pression sociale. De la destruction des cœurs et de la puissance de la blessure humaine.

L'odeur des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant