Mes ancres

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ᚱᚹᚢᛇ

Lundi 23 juin 2025

— Qu'est-ce tu fous perché sur ton comptoir de cuisine ?

— Il y a un faux contact dans le plafonnier. Ça m'agace !

Yoongi en jean et tee-shirt blanc, lèvres pincées, sourcils froncés, encastrait le spot avec dextérité.

Je pensai qu'il était étrangement ordinaire, dans sa cuisine ordinaire, certainement achetée chez Ikea, dans sa maison confortable sans être dispendieuse. Je pensai qu'on se sentait curieusement à l'aise dans cette maison, cette cuisine, avec ce Yoongi.

Une tape sur l'épaule me secoua.

— Allô, ici la terre ! Y a quelqu'un ?

Cette voix n'était pas celle de Yoongi. Je me sentis aspiré dans mon propre corps, un rayon de lumière tenta une percée sous mes paupières, alors qu'on me secouait franchement à présent. Je grognai et m'étirai refusant d'ouvrir tout de suite les yeux. J'avais bien dormi. Je me sentais bien.

Un poids s'écrasa sur moi et m'obligea à quitter définitivement et brutalement cet entre-deux, cet état de grâce entre le rêve et l'éveil.

— Hé ! protestai-je en repoussant les mains qui maintenant tentaient de me chatouiller.

Des coudes s'enfonçaient dans mon torse. C'était un peu douloureux. Deux yeux ronds plein de malice me fixaient. C'était agréablement agaçant.

— Tu n'as pas un chez toi ? Et comment tu es rentrée ?

— Waouh ! L'haleine de chacal ! s'esclaffa Kyung-min en se laissant tomber à côté de moi.

— Tu ne m'as pas répondu.

Je grognai encore, m'étirai et frottai mon visage des deux mains pour épousseter le reste de sommeil et les images de ce rêve où Yoongi apparaissait aussi net qu'un souvenir.

— Bah, je suis ta sœur tout de même !

— Plus pour longtemps !

Je me jetai sur elle et la chatouillai tant et tant que ses rires et ses cris alertèrent Mme Rhee qui s'affairait dans l'arrière-cuisine.

— Tout va bien, les enfants ?

— Grand-mère ! s'esclaffa Kyung-min en quittant la chambre mi-courant mi-titubant. Je veux changer de frère.

Pieds nus, je les rejoignis et me laissai tomber lourdement sur une chaise de la salle à manger.

— Un café ? proposa Mme Rhee.

Je lui trouvai un air doux et affable. Comme chaque fois que je la voyais. Des mots de gratitude se bousculaient dans mon esprit mais rien ne vint.

Kyung-min sortit trois tasses qu'elle commença à disposer sur la table. Elle suspendit son geste. Je l'observais, un sourcil réprobateur levé.

— Non, mais, non ! Je ne vais pas mettre les sets de table ! grogna-t-elle. Tu as vu l'état de ta table basse de luxe ?

Elle insista sur le "de luxe" en tendant un doigt accusateur vers la bouteille et le verre qui trainaient, et vers les taches indélébiles qui constellaient le meuble m'ayant effectivement coûté un bras.

Mme Rhee interrompit la dispute en apportant les sets et une cafetière de café fumant. L'odeur ronde et profonde du café chaud me fit soupirer d'aise.

— Merci, dis-je en observant le liquide couler dans la tasse dans un bruit familier réconfortant. Restez avec nous, ajoutai-je.

Mme Rhee ne se faisait plus prier comme les premières fois où je l'avais invitée à le faire. Je la considérais, à tort selon elle, comme un membre de la famille. Je ne cachais pas mon affection pour elle et elle me le rendait bien malgré ses protestations et ses grands discours sur la place de chacun.

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