Sevrage

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La première chose dont je me souviens, après cet incident, c'est le bip régulier, têtu, angoissant.

Ma langue pâteuse et lourde collait à mon palais. Mon crâne semblait comme pris dans un étau. J'aurais voulu bouger, faire taire ce satané bip, mais mes bras pesaient des tonnes. Lorsque je parvins enfin à ouvrir les yeux, une lumière crue m'éblouit. Je clignai des yeux alors que mes pensées s'affolaient.

Les murs blancs et nus, une poche de perfusion suspendue au-dessus de moi, les draps rêches m'indiquèrent où je me trouvais. Je voulus me redresser mais ma nuque et ma tête me firent horriblement souffrir. Dans un gémissement, je me laissai retomber lourdement sur l'oreiller.

— Tu es réveillé ? Madame, il est réveillé !

Cette voix ! Bon sang ! Encore Yoongi !

Je m'affolai, cherchai à me redresser tirant sur la perfusion qui me fit mal et m'arracha un nouveau gémissement au moment même où l'infirmière entrait dans la chambre.

— Restez tranquille, monsieur. Vous êtes au Samsung medical center.

L'infirmière repositionna l'adhésif qui maintenait l'aiguille dans mon bras. Sa main était froide. Je frissonnai. J'avais peur, je voulais rentrer chez moi et je voulais que Yoongi parte.

— Chez moi...

Je ne réussis pas à articuler les mots et à formuler ma phrase entièrement. Des larmes de rage menaçaient de dévaler mes joues.

— Le médecin va venir vous voir.

Elle partit aussi vite qu'elle était venue, me laissant seul avec lui. Je fixai obstinément la porte qu'elle venait de fermer pour ne pas avoir à le regarder.

Une autre main, plus douce, plus chaude se posa sur mon bras. La sienne. Un bref instant, mon traître de cœur s'apaisa et arrêta de battre comme un fou avant que ma tête ne lui rappelle à qui appartenait cette main.

— Tu as pris un abonnement, ou bien ?

Sa voix était légèrement enrouée, un peu éraillée, comme celle de quelqu'un qui aurait pleuré.

J'essayai de tirer mon bras vers moi pour rompre le contact. Un peu trop brutalement. La perfusion me fit de nouveau mal.

— Me touche pas.

— Joonie ? Je ne comprends pas. Je...

La porte que je fixai obstinément s'ouvrit alors à la volée, laissa passer une tornade qui s'échoua sur moi.

— Hyung ! s'affola Jungkook.

Il attrapa mon visage à deux mains, couvrit mon front de baisers. Quand il se redressa enfin, dans l'encadrement, So Yun était là. Je ne savais pas ce qu'elle attendait. Que je l'invite du regard à s'approcher. Peut-être que j'avais besoin qu'elle fasse place nette mais elle se contenta de me lancer un clin d'oeil et de me dire avant de partir :

— Je t'appelle ! Sois fort, tête de pioche.

J'aurais voulu filer avec elle. Laisser mon corps ici et m'éclipser.

Le bip m'exaspérait. La présence de Min Yoongi m'était insupportable. Et, pour tout dire, j'hésitais entre supplier Jungkook de me serrer fort contre lui ou exiger qu'il s'en aille sur le champ. Mais son attention était déjà sur "l'autre". Il l'observait froidement.

— Tu peux y aller. C'est bon. Merci de l'avoir accompagné dans l'ambulance.

Jungkook congédiait l'intrus et je lui en étais infiniment reconnaissant.

Unveil meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant