Miss Poe Edogawa

3 : Famille

-Elle ne savait pas qu'elle a une capacité ?!

Yosano hocha la tête.

-Pour être exacte, elle ne sait ce que c'est. Et, ajouta-t-elle, Ranpo, tu devrais baisser le volume de ta voix. Elle va t'entendre.

En effet, les deux adultes étaient dans une pièce attenante à l'infirmerie, où ni la jeune fille, ni leurs collègues ne pourraient les entendre.

Il soupira de découragement.

-Il va falloir que je lui explique... Qu'est-ce qu'a fait, Ed ?! Il aurait pu lui dire ?!

-Calme-toi, si ça trouve, il est timide même devant sa fille.

-Non, il ne devrait pas !

Il soupira à nouveau.

-Comment je dois le lui dire ?

-Raconte-lui une histoire, proposa la femme-médecin, Les enfants adorent les histoires.

Il la regarda comme si elle venait de dire la plus grosse bêtise qui n'ait jamais existée.

-De un, c'est une ado.

-Seulement physiquement.

-De deux, elle a sûrement hérité de mon intellect. Elle n'a pas besoin d'histoire.

Elle pouffa de rire, en l'entendant se vanter de sa fille et de lui-même par la même occasion. Il réfléchit un instant, avant de dire :

-Tu as raison, je vais lui raconter une histoire.

Elle sourit en l'entendant lui donner raison.

-Tu as besoin d'aide ?

-Pour qui me prends-tu ?! Je vais le faire tout seul !

-Bon courage.

-J'en ai pas besoin ! Pas avec ma Super Hypothèse !

Il sortit ses lunettes.

-Tu vas lui faire une démonstration ? Je peux le faire à te place, sinon...

Elle se disait que son "pouvoir" ne serait pas le plus intéressant à montrer.

-Non merci ! Je vais le faire tout seul.

Sa joue se gonfla, signifiant qu'il boudait. Il voulait vraiment être un bon père aux yeux de sa fille et il ne laisserait personne l'en empêcher. Elle se dit qu'il n'avait pas lancé l'argument que son pouvoir nécessitait que la personne soit à moitié morte pour fonctionner. Elle haussa les épaules.

-Je vais te laisser. Réfléchis à une histoire.

Elle quitta la pièce exigue et traversa l'infirmerie pour rejoindre les bureaux de ses collègues. Au passage, elle adressa un sourire rassurant à la jeune fille, ainsi qu'un clin d'œil. Elle était assise sur un lit de l'infirmerie et lui répondit par un sourire maladroit et timide. Ses jambes se balançaient nerveusement et elle aggrippait ses vêtements, attendant son père, qui sortit quelques minutes plus tard. Il s'assit à côté d'elle. Il ne savait pas par où commencer son histoire. Il sortit un paquet de bonbons, et le présenta à sa fille.

-Tu en veux ?

Elle non plus ne sut pas quoi répondre. Elle hocha simplement de la tête, même si son autre père lui disait de ne pas trop en manger, pour sa santé (après tout, n'était-il pas lui aussi son père ?). Elle en prit quelques-uns, en veillant à en laisser pour l'homme aux cheveux noirs. Il en prit aussi, mastiqua et se décida à parler :

-... Tout à l'heure, Yosano t'a parlé des capacités ?

-Oui.

Ce qu'avait dit laa docteure l'avait mise mal à l'aise (et elle ne comprenait pas), mais maintenant, en présence de son père, elle se sentait en sécurité.

-Je vais te raconter une histoire.

Elle ne répondit rien, attendant qu'il continue.

-Il était une fois (il s'était dit que c'était comme ça que les contes pour enfants commençaient), un jeune garçon. Il était seul, ses parents étaient morts et personne ne s'occupait de lui. Il avait été renvoyé de son école, car il avait révélé tous les secrets gênants de ceux qui y étaient. Il errait et un jour, il vit un homme. Il avait un kimono, tout ce qui était atypique pour un Japonais moderne. Il le suivit discrètement. Il arriva sur une scène de crime. Le cadavre avait déjà été enlevé et la police n'avait aucun coupable, ni suspect. Une personne était présente et rangeait des documents sur le sol. L'homme en kimono était là et regardait autour de lui. Voyant qu'il ne faisait rien, le garçon entra dans la pièce et ouvrit la fenêtre. Toutes les feuilles s'envolèrent. Les deux personnes dans la pièce s'énervèrent, car le garçon avait gâché tout le travail qui avait été fait. Mais le garçon s'en fichait. Il savait qui était le coupable. Il dit comment le crime s'était déroulé et qui l'avait commis. Il entendit du bruit dans la pièce qui était juste à côté : un garçon un peu plus jeune que lui était attaché. Il s'était libéré et avait...

Il fit une pause. Il ne pouvait pas raconter ça à un enfant, un bébé qui plus est.

-...et le jeune homme suivit à nouveau l'homme en kimono, qui lui paya à manger. Il lui demanda ensuite de l'aide. Il lui expliqua qu'il était tout seul. Il lui dit ceci :

J'ai peur. C'est comme si j'étais dans un monde de monstres. Des monstres que moi seul ne comprends pas.
Je suis tout seul, dans un monde de monstres.

L'homme au kimono répliqua :

Personne n'est un monstre. Ils sont tout simplement plus stupides que toi.

Le garçon décida de lui faire confiance.

Ce monde effrayant... La souffrance que je ressens, ce n'est pas à cause d'un problème avec moi, mais c'est parce que tous les autres autour de moi ont un problème...?

Pour la première fois depuis des années, le garçon ne se sentit pas seul. Il savait que s'il était différent des autres, c'est parce qu'il avait un pouvoir spécial.

Il s'arrêta un moment.

-Voilà, c'est fini.

Il n'avait aucune réaction de la part de Tp. Il décida de soulever les mèches qui tombaient devant ses yeux. Elle pleurait. Il l'a prit dans ses bras.

-Ne pleure pas... Tout va bien...

Il lui caressa aussi les cheveux.

-Mais...

Elle s'étrangla avec un sanglot.

-...le garçon... C'est trop triste... Il est heureux, maintenant ?

Il réfléchit un instant. Était-il heureux ? Oui, encore plus maintenant qu'il avait une fille.

-Oui. Il n'est plus seul. Il a des amis et une famille.