Chapitre 10 : Jérémy

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Tout était calme. Rien ne bougeait. On aurait dit que la nuit étouffait les bruits de la vie, tellement le silence était frappant. Un grand bruit sourd vint troubler celui-ci, et acheva de réveiller Jérémy. Enfin, ce que l'on croyait être Jérémy. Lui-même ne savait plus qui il était, d'ailleurs. Tout n'était que chaos dans sa tête, il n'y comprenait plus rien. Avant-hier matin, il s'était réveillé attaché sur un piquet, à côté d'un garçon qu'il ne semblait pas connaître, il ne savait plus. Pour lui, le comble avait été d'entendre un jeune homme l'appeler par un prénom qui n'était pas le sien, ou peut-être que si... Et le jeune homme faisait comme s'il le connaissait ! Sa tête lui rappelait quelque chose, mais il ne savait plus quoi. Oh, d'ailleurs, il avait si mal à la tête ! Ça, au moins, il le savait. La douleur partait de la gauche de son front, et remontait jusqu'à la gauche de sa boite crânienne. Un semblant de bandage avait été fait, mais cela ressemblait plus à du carnage de tissu. Il regarda autour de lui, et vit à sa plus grande surprise qu'une femme se trouvait à ses côtés, dans le lit. Et en plus, elle était toute nue ! Il sut à l'instant où il la vit qu'elle s'appelait Augustine, et qu'elle vivait au village depuis le début de la guerre, pour aider les résistants. Mais il ne savait toujours pas d'où il tenait ces informations, et ça l'enrageait au plus haut point. La femme bougea un petit peu et se lova autour de son torse. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il remarqua que lui-aussi était tout nu. Il remua doucement sa jambe gauche, histoire de voir si elle était réveillée, mais elle ne bougea pas d'un pouce. Il en profita alors pour regarder où il se trouvait. À sa gauche, donc, l'autre partie du lit avec la femme et un mur. Il remarqua que la fenêtre par laquelle baignait la faible lueur de la lune était toute petite et ronde, et qu'elle paraissait ridiculement petite par rapport à la longueur du mur. Celui-ci était d'ailleurs fait en pierres grossièrement taillées, qui donnaient l'impression d'avoir été placées à la va-vite. Mais c'est quand il se tourna sur sa droite qu'il vit quelque chose qui l'horrifia : il y avait deux lits à côté du sien et dans chacun d'eux se tenait une petite créature. Des enfants ! Il avait des enfants ! Encore une fois, la sensation de déjà-vu refit surface et il sut que les deux enfants s'appelaient Antonin et Jean-Paul. Il en déduit donc que la femme collée à lui était la sienne, et qu'il devait vivre depuis longtemps ici pour avoir toute cette jolie famille. Ça y est, il se souvenait ! Il s'appelle Émile-Charles, mais tout le monde l'appelle Émile, il est venu habiter ici depuis la débâcle française de 1939, puisqu'il était très ami avec Jean Prévost, qui lui avait dit de s'installer en attendant qu'un réseau de résistance se crée dans la région. Il était le chef du village avant que le Lieutenant Chabal arrive et installe tout ce qu'il fallait pour accueillir les résistants du Vercors. Il était maintenant chef du ravitaillement du hameau, ce qui n'était pas une mince affaire, loin de là. En effet, il fallait assez de nourriture pour cent personnes, et il fallait surtout arriver à transporter celle-ci sous le nez des allemands sans qu'ils la voient, jusqu'à Valchevrière. En bref, il avait de grandes responsabilités. Ce dont il ne se souvenait toujours pas, en revanche, c'était la cause de son mal de tête. Il devrait avoir une petite discussion avec Claude. Claude ! Voilà ! C'est lui qui l'avait assommé ! Mais pourquoi ? À ce moment-là, un petit coup à la porte le tira hors de ses pensées. Apparut alors... Claude, justement, qui paraissait soucieux :

« - Émile ! T'es réveillé ? Mon pauvre vieux, tu dois avoir mal à la tête ! J'espère que j'ai pas trop tapé fort ! chuchota-t-il pour ne pas réveiller sa femme et ses enfants.

- Non, écoute ça va (ça n'allait pas du tout), je tiens le coup. Attends, j'arrive. » répondit Émile qui tenta de s'extirper de l'étreinte de sa femme et de se lever de son lit.

Au bout de longues minutes durant lesquelles il essaya d'être le plus doux possible avec Augustine, et de faire craquer le moins possible le bois du sol, il arriva au bout de la pièce. Il prit alors Claude dans ses bras, qui parut assez surpris de cet élan soudain d'amitié, mais qui ne le repoussa pas.

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⏰ Dernière mise à jour : May 09 ⏰

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