Autumn 20

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CHARLES

— Charles, nous avons eu vent qu'il y avait des cas de harcèlement dans l'une des écuries. Est-ce que vous en avez entendu parler ?

La journaliste me fixe avec un regard empreint de curiosité pendant que je lutte pour refréner l'envie de livrer Douglas Beko en pâture à la presse. Je me demande sincèrement ce qui m'empêche de le faire. Est-ce la peur de déclencher un scandale ? Pourtant, ce salaud pervers le mériterait bien. Toucher des femmes de cette manière, les martyriser et les mépriser au point de vouloir leur faire des choses atroces et non consenties. Rien que d'y penser, une vague de colère glaciale me parcourt l'échine.

— Peut-être que vous pouvez nous dévoiler des noms, me suggère-t-elle voyant que je ne réponds pas.

— Tout ce que je peux vous dire c'est que la situation est gérée, dévoilé-je en m'éloignant aussi vite.

— Mais alors... Charles !

À peine a-t-elle commencé sa phrase que je pivote sur mes talons pour m'éloigner de la zone médiatique. Je suis bouillonnant, mes pas résonnent rapidement, mes poings sont crispés, ma mâchoire serrée. Il me faut une maîtrise de soi extraordinaire pour Camélie. Mais c'est précisément pour elle que le silence me coûte tant.

— Charles !

Ce murmure forcé m'oblige à me retourner. Lewis se dissimule entre deux bâtiments du paddock. Je fais un signe de la main à la responsable communication de la scuderia. Je la vois protester, mais je ne lui demande rien. Je lui impose. Qu'ils pensent tous que je prends la grosse tête et que je deviens un pilote capricieux ! Peu m'importe !

— T'as dit quoi aux médias ?

— Que la situation était gérée mais mec... j'ai beaucoup de mal à rien dire. J'ai envie de le jeter dans la fosse aux lions, ragé-je en donnant un coup de pied sur le mur à ma gauche.

— Moi aussi... faut qu'on le fasse pour elle. J'espère qu'ils préféreront me poser des questions sur nos mauvaises performances plutôt que cette rumeur.

— Lewis, ils vont forcément te poser la question ! T'es l'un des plus engagés sur le sort des femmes dans le sport automobile !

— Je sais... ça craint.

— Peut-être qu'on devrait tout balancer ?

Il m'examine pour déterminer si je suis sérieux. Mon visage lui transmet clairement que je ne plaisante même pas un peu.

— Non, me raisonne-t-il catégoriquement. On lui a promis. Tu comptes officialiser avec Camie ou t'attends qu'un autre lui saute dessus ?

Mes yeux s'écarquillent comme des soucoupes en entendant sa dernière phrase. Lewis arbore un sourire en coin, conscient qu'il m'a mis mal à l'aise.

— Quelqu'un lui tourne autour ?

— Charles... c'est tout ce que tu retiens ?

Je soupire alors qu'un rire discret m'échappe.

— Je lui ai dit que je l'aimais... elle ne me l'a pas dit en retour.

Son expression grimacière ne fait que renforcer mon malaise. Pourtant, j'ai agi selon ce que mon instinct me dictait sur le moment. J'ai été authentique, j'ai réussi à lui révéler mes sentiments. Je me souviens que le choc se peignait sur son visage, ses yeux éberlués me scrutaient avec cette intensité qui lui est propre. Le souvenir de cet instant reste gravé, indélébile. Je n'ai pu résister à l'embrasser, avec passion, ardemment. Je la désirais tellement. Mais elle n'a pas eu le temps de me confesser ses propres sentiments. Depuis, nous n'avons pas abordé cette soirée. Et je me fait dessus à chaque fois que j'y songe, peut-être qu'il était trop tard ?

AutumnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant