Partie 1 : Chapitre 19

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Le lendemain, elle travailla toute la journée à l'université auprès de monsieur Walter, qui lui avait demandé de l'aide pour le seconder lors d'un TP particulièrement complexe à réaliser avec des étudiant-e-s en milieu de second cycle, durant lequel il fallait procéder à un échange d'ions à travers des zéolithes, des petits cristaux poreux, et Monsieur Walter avait une très basse opinion des autres élèves. Monsieur Walter s'approcha d'elle, à la fin du cours :

- Dis-moi, Athénaïs ?

- Oui ?

- Quand ton cycle d'études sera fini, que comptes-tu faire ?

- Je ne sais pas trop, mais je vais certainement continuer ici, si c'est possible ? Pourquoi tout le monde me parle « d'après », en ce moment ?

- Bien sûr. Justement, je voulais te proposer de garder le poste. Tu serais mon assistante et la référente matériel.

- Ça me va.

- Mais... Tu n'as pas d'autres ambitions, avec ta famille ?

- Non.

- Ha... Vraiment ?

- Oui, vraiment.

Le professeur regarda un instant son élève. Elle était concentrée, mais tenait la conversation. Elle était appliquée, mais ne prenait pas soin d'elle. Elle avait l'air sûre d'elle, mais ne prenait jamais d'initiative. Elle connaissait tout ce qu'il y avait à savoir en chimie, biologie et sociologie, elle était la meilleure élève qu'il n'ait jamais eu, mais elle refusait d'avoir de l'ambition. Elle aurait pu être tellement plus qu'une simple assistante d'un vulgaire professeur d'une université de seconde zone, avec ses compétences et son nom ! Mais non, elle aimait les fioles. Souvent, pour la taquiner, il l'appelait « Athénaïs aux mille fioles ».

D'abord perplexe, la jeune fille avait senti qu'il s'agissait d'une blague seulement dans un second temps, n'étant pas habituée à en recevoir. Le professeur devait-il la pousser plus loin, ou respecter son choix de rester assistante ? C'était criminel de la laisser moisir ici.

- Tu sais, Athénaïs, tu as le potentiel pour devenir bien plus qu'une assistante. Pourquoi ne pas viser le poste de scientifique à plein temps ?

- Mes parents ne le permettraient pas.

- Tu en es sûre ?

- Oui.

- Et toi, tu te le permettrais ?

- Non.

Un instant de silence passa. Puis le professeur reprit la parole, il voulait comprendre :

- Tu sais, ta famille est honorable. Depuis des centaines d'années, elle œuvre pour notre ville, et maintient la cohésion de toute la société. Comment comptes-tu t'y prendre pour perpétuer ça ?

- Je ne sais pas, monsieur Walter. J'avoue que je n'y pense jamais. Pourquoi vous y pensez, vous ?

- Parce qu'il s'agit là de ton destin.

- Non, je ne crois pas. Je n'ai pas envie de continuer ça. J'aime bien, et je suis consciente que c'est important d'être solidaire de sa famille, surtout quand on sait qui est la mienne. Mais est-ce que c'est vraiment utile ?

- Tu parles comme si ta famille... Euh...

- Oui, je sais.

- Mais, Athénaïs, que feras-tu si demain tu dois les aider ?

- On verra. Je ne fais rien sans rien, c'est tout.

- Tu ne les soutiens pas ?

Le professeur était offusqué. Comment une gamine aussi brillante pouvait passer à côté de son devoir familial ? Mais Athénaïs avait changé de sujet, et se plaignait d'une rayure sur un bécher.

Sur cette pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant