Sur cette pierre

Partie 3 : Chapitre 4

Rose passait son temps à prier et à étudier les écrits théologiques, parfois avec d'autres, souvent en solitaire. Athénaïs s'asseyait et écoutait les récits des temps passés, connaître le nom des étoiles, les fleurs, les arbres, nommer les différentes périodes des saisons et des jours, tout ça lui était désormais accessible, même si elle ne retenait pas grand chose.

Athénaïs comprenait enfin les histoires qui l'avaient tant ennuyées durant son enfance, quand elle refusait d'écouter les professeurs. Parfois, au moment du repas, Rose s'installait. Athénaïs adorait écouter ces récits. Iel avait décidé de conter comment le Dragon avait déjà choisi, par le passé, des personnes pour l'aider dans sa protection de la ville.

L'histoire raconte qu'en ce temps-là, dans la ville capitale, régnait une dynastie royale très importante. Le roi avait un fils et une fille. Le fils décevait le père, car le père était cruel et intransigeant, alors que le fils était doux et aimant. Le prince partit donc en voyage, et put alors découvrir la cruauté du monde. Il rencontra une jeune femme, qui se révéla être une stratège formidable, capable d'anticiper les coups de ses ennemi-e-s avec une finesse exceptionnelle. Elle permit au prince de se réconcilier avec sa sœur, et de mettre à bas le régime tyrannique du roi.

Le petit groupe devant elle restait toujours bouche bée en écoutant ces histoires, parfois magnifiques, parfois cruelles, mais toujours fascinantes. Athénaïs était toujours en admiration totale face à Rose.

- Comment connais-tu toutes ces histoires ? Demandait souvent Athénaïs.

- J'ai voulu devenir Emblème du Dragon, je devais me former à tout connaître. Mais j'ai vu les autres Emblèmes et leur comportement. Ces gens ne s'intéressent qu'à l'argent et la gloire, iels se servent de la renommée du Dragon pour améliorer la leur. Un jour, j'ai refusé de donner une offrande à un des hauts-prêtres, car je trouvais qu'elle n'était pas justifiée : J'étais Emblème, je n'étais dédié-e qu'au Dragon, pas aux Lo Waneuh, et lui voulait que nous donnions pour leur entretien. Je me suis fait-e jeter dehors, et on m'a reproché-e d'être une fausse femme.

- Quoi ? Mais c'est interdit ? S'exclama Athénaïs.

- Oui, je savais que les Emblèmes étaient... Pas... Mais à partir de ce jour, ça a été fini pour moi.

- Mais tu... Tu as une bosse ?

- Oui. Mais je suis entre deux tout de même.

- Moi aussi, j'ai une bosse, rappela Noémie, et je suis une femme.

- Tu es la femme que je ne serais jamais, plaisanta Rose.

- Comme Enori, murmura Athénaïs.

- Qui est Enori ?

Athénaïs réalisa son erreur, et balaya d'un revers de la main cette phrase. Elle enchaina sur autre chose :

- Mais pourquoi ces prêtres ont encore le droit d'exercer ? C'est désormais interdit de rejeter les personnes qui changent de genre !

- J'ai longtemps cru que je pourrais changer ça, de l'intérieur. Mais c'est impossible. Alors je suis venu-e ici.

- Et tu t'y sens bien ! Ricana Joshua.

Athénaïs parla avec iels toute la nuit, de leur genre, de leur vie et de ce qu'iels recherchaient. Noémie raconta pour la première fois la pression de ses parents pour qu'elle reste un homme, alors qu'elle était une femme. Rose racontait comme on voulait qu'iel devienne un homme, à cause de sa bosse juste en dessous de la moyenne masculine, alors qu'iel était dans un refus de choisir.

Cette pression, Athénaïs l'avait déjà rencontré, avec Enori, finalement, mais elle n'avait pas pris la mesure de cette donnée. C'était étrange, à ses yeux, qu'il y ait tant de problème. En réalité, la différence entre les hommes et les femmes était très fragile, et seule la boule permettait de faire une pseudo différence, et parfois certains poils sur le haut du dos révélait plutôt une appartenance masculine. Mais Rose lui rappela un point essentiel : avoir des enfants, et donc s'en occuper. Ne pas avoir avoir d'enfant n'était excusable que si l'on était stérile, sinon, il fallait en avoir, au moins un, pour transmettre son héritage.