Sur cette pierre

Partie 3 : Chapitre 6

Athénaïs resta ainsi plusieurs mois dans ce petit paradis mobile, enchaînant les entraînements de l'usage des Laneuhsoné, en se cachant de moins ne moins. L'entraide et la douceur faisaient de ce monde un paradis qu'elle n'aurait jamais voulu perdre. Tout le groupe travaillait ensemble à chaque problème, chaque tâche. Les journées devenaient de plus en plus chaudes, et on vivait la nuit en ce mois de Juneuh, le mois du milieu qui précédait la canicule. Athénaïs dormait dans le camp avec les autres, et s'était fabriquée sa propre tente avec des vieux bouts de tissus récupérés dans les poubelles des hameaux.

Chaque matin, Rose racontait des histoires. Il y avait une grande tradition des histoires, au sein de Daneuh LinéDoné, et Rose en connaissait un si grand nombre qu'après presque 2 ans à vivre à la belle étoile, iel n'avait jamais raconté deux fois le même conte. Joshua attesta cet étonnant record auprès de tout le monde, alors que Rose riait. Iel promit qu'elle retournerait, un jour, au sein d'un temple pour en apprendre des nouvelles, si jamais il venait à lui en manquer.

Athénaïs était subjuguée par cette personne ni homme, ni femme, si calme, si posé-e, si doux-ce, avec tant d'histoires et de connaissance sur le monde. Elle débutait chaque nouvelle journée dans l'espoir qu'iel lui raconte encore et encore des choses qu'elle ignorait. Athénaïs, en échange, avait fait de Rose une personne capable de tout soigner : n'importe quelle blessure, indigestion ou mal musculaire.

Noémie s'était beaucoup rapprochée aussi d'Athénaïs. Ses longues sessions d'entraînement n'étaient plus solitaires, et chaque jour la jeune femme s'endurcissait. Athénaïs était époustouflée par l'abnégation et l'obstination de sa jeune amie, et hésitait. Devait-elle l'encourager encore plus, ou stopper ses ardeurs ? Car elle avait vraiment peur d'une Johanna bis, d'une femme qui faisait semblant d'être gentille pour mieux se servir d'elle. Quand il s'agissait des Laneuhsoné, Athénaïs se révélait incapable de refuser quoi que ce soit, et Noémie l'avait aussi comprit.

Arriva un jour fatidique :

- Je voudrais m'injecter des Laneuhsoné, moi aussi, Athénaïs. Je connais ces histoires de pouvoir fantastiques, je t'ai vu faire. Je trouve ça... Si puissant ! On dit que les Laneuhsoné sont des cadeaux du Dragon pour la ville, je voudrais tant les comprendre et les toucher.

- Je... Comprends...

Athénaïs hésitait.

Ça ne lui avait jamais porté bonheur, mais en même temps, lui refuser cela ? Elle n'avait pas perdu ses vieilles habitudes, elle expliqua à Noémie comment réaliser un protocole, elle lui montra les précautions à apprendre, lui raconta certains risques, comment son corps était bien moins en forme depuis 2 ans, comment elle sentait que ses organes n'arrivaient plus trop à supporter ces Laneuhsoné.

Sous l'œil de Rose, qui regardait la scène sans se faire remarquer, Athénaïs parla du risque de perdre le contrôle, de se faire manipuler, de se faire convoiter. Elle raconta aussi le bonheur d'être capable de grandes choses, et son emphase était telle que les risques étaient passés au second plan. Devant l'enthousiasme de Noémie, et devant ce regard avide qu'elle connaissais, désormais, Athénaïs prit le parti de lui raconter le crash de l'hélicoptère. Raconter la lutte avec cet agent 65, comment Célestin l'avait rejeté dès l'apparition des pierres dans sa vie.

- Mais... Athénaïs, tu as déjà... Utilisé ces Laneuhsoné pour autre chose que protéger la ville ? Je croyais que le Dragon... T'avais béni ?

- J'ai pas eu le choix. Je suis une meurtrière. J'ai tué un homme, par accident, quand je suis partie de la ville. Tu dois savoir ce qu'il en coûte de toucher à ces Laneuhsoné. Je ne voudrais pas reproduire les mêmes erreurs qu'avant. Je serais si heureuse que tu acceptes d'avoir ces capacités avec moi ! Mais...