Chapitre 1

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J'attrape mon sac à toute vitesse, enfile mon trench et mes baskets, avant de sortir par la porte de mon appartement que je referme derrière moi. Je dégringole les escaliers, et je jette un coup d'œil à ma montre : 7h45. Ma rentrée est à 8h, et je ne peux tout simplement pas être en retard. Premier jour à la fac pour moi, autant éviter de se faire remarquer le premier jour. Les rues animées de la ville se fondent parfaitement avec ma démarche pressée lorsque je passe au coin des différentes rues qui se trouvent sur mon trajet. La lumière du jour qui se lève timidement en ce lundi grisonnant me remémore que c'est aujourd'hui que ma nouvelle vie commence. Tout va bien se passer.

J'arrive essoufflée devant le bâtiment principal de ma fac, à cause de mon allure effrénée. Je ne connais personne, mais j'ai bon espoir. A voir le monde qui circule déjà partout sur le campus, je vais bien pouvoir me trouver au moins quelques amis, non ? A ce qui parait, se faire des amis peut être justement compliqué à l'université. Je compte bien y dédier tous mes efforts ; hors de question de passer 5 ans à étudier seule.

J'ai eu des années très compliquées au lycée. J'ai souffert de troubles du comportement alimentaires – je l'énonce au passé, mais c'est encore un combat bien actuel, même si je vais beaucoup mieux aujourd'hui – qui m'ont poussé à me faire hospitaliser. J'ai été suivie par de très bons spécialistes sur Paris pendant les 2 années suivantes, jusqu'à obtenir mon bac – en un an de plus que prévu, du a un aménagement spécifique. J'ai dû me refaire des amis, découvrir la capitale, soigner ma maladie, et obtenir mon diplôme en même temps.

J'essaye de chasser cette mauvaise période de ma vie - que je veux péniblement oublier - de mon esprit. Je franchis la porte du bâtiment principal, et me faufile parmi la fourmilière d'étudiants pressés vers l'amphithéâtre C.

Je suis retournée ici, dans ma ville d'origine, car ma situation s'est beaucoup améliorée. Paris a été, d'un côté, fantastique ; le rêve que je m'en faisais s'est révélé être véridique. La dynamique de la ville m'a stimulée, et m'a permis de m'évader lors de mon combat. J'en suis très fière, car ce combat a été tellement dur, tellement éreintant. Retourner d'où je viens, est pour moi une nouvelle perspective de vie qui me rend terriblement heureuse. Paris m'a soignée, et je peux reprendre ma vie en main là où je l'avais laissée il y a quelques années. Je suis pleine de motivation, et cette rentrée s'annonce comme un nouveau départ pour moi.

Même si j'essaye de mettre de côté mon sombre passé, je n'ai bien évidement pas tout coupé. Mes parents ont alterné les allers retours sur Paris très fréquemment pour moi, mais sont toujours restés implantés dans le coin, comme la majorité de ma famille. Les retrouver lors de mon retour il y a une semaine de cela, a été un vrai courant d'air frais. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point ils avaient pu me manquer. J'ai gardé contact avec mes amis du lycée, même si je n'ai pas pu les voir très souvent. Madison et Jeremy sont toujours ensemble, Jade s'est apparemment assagie avec le temps et est donc toujours un membre du groupe d'amis. Je n'ai pas pu en juger par moi-même, mais j'attends de voir ça. Nous avons prévu de nous revoir ce week-end, car je viens seulement d'emménager dans mon propre appartement – bien plus proche de ma fac que chez mes parents – il y a 2 jours. Je n'ai pas eu une seule seconde pour les revoir depuis mon retour, et il me tarde de partager plus de moments avec eux. Madison est venue me voir tous les 3 mois environ sur Paris, ce qui n'était pas évident avec son emploi du temps. Jeremy s'est joint à elle régulièrement, et Jade est venue avec eux trois ou quatre fois. Sa démarche m'a d'ailleurs fait très plaisir, mais nous n'avons pas partagé plus de moment ensemble que cela pour le moment. Nous n'étions pas en très bon terme en première, mais je crois que « l'incident » qui m'est arrivé au lycée, et ma « condition » l'ont tellement effrayée qu'elle a tout de suite changé radicalement de comportement. Elle s'est excusée plusieurs fois pour ses actes envers moi, et nous avons essuyé nos rancœurs avant que je ne parte pour Paris, sans être plus proches que cela. Au moins, nous ne sommes pas en mauvais termes.
Ils sont tous actuellement en 2ème année d'étude, car eux n'ont pas eu à passer leur bac en 4 ans. Aucun n'est dans ma fac, mais d'un côté ça m'arrange – nouveau départ, on a dit.

L'incident du lycée. Ça, je ne peux plus y penser. Trop de détails douloureux. Les photos de mon corps amaigri, placardé sur les murs du lycée, exposant ma plus grosse honte. Ma détresse, mon cœur qui se brise, se détache de ma poitrine, et tombe au sol. Je ne veux plus jamais y penser. Plus jamais.

Je n'ai plus jamais reparlé à Nathan. C'est trop dur. Il m'a fait trop mal. Les autres se sont énormément éloignés de lui également, mais je crois qu'ils communiquent toujours de temps à autre. Pour être franche, je ne m'en fiche complètement. J'ai pris ma décision, et il ne fera plus partie de ma vie, de près ou de loin.
Quant à Rose, j'ai échangé quelques messages pour m'assurer qu'elle allait bien. C'était une situation si délicate. Elle est tombée dans l'anorexie à cause de moi. Mon psychologue m'a répété que ce n'était pas de ma faute, mais je sais qu'elle s'est identifiée à moi, qu'elle m'a pris pour modèle, et que c'est pour cela qu'elle est devenue malade. Je me suis longuement demandé si le fait que Nathan ait voulu protéger sa sœur en s'attaquant à moi justifiait ses actes. La réponse est non. Protéger et aider sa sœur ne devraient pas impliquer d'exposer ma maladie aux yeux de tout le monde, ni de me harceler de messages anonymes remplis d'insultes culpabilisantes. Je n'ai plus trop de nouvelles de Rose, mais il me semble qu'elle a changé d'établissement scolaire -elle est toujours au lycée – et qu'elle est bien suivie. C'est tout ce qui importe.

Lorsque je pénètre dans l'énorme salle, déjà une bonne cinquantaine de personnes s'y trouvent. L'écran affiche « Rentrée générale – Accueil étudiants » en lettres capitales sur fond bleu. Ce campus de l'université regroupe la fac de droit, d'économie, et de langue. Je me demande si cet amphi peut accueillir plus de 600 personnes – 200 par domaine environ d'après ce que j'ai vu sur les brochures de présentation. Enfin, c'est surement le plus gros amphi du campus, mais bon. Les bancs se remplissent à une vitesse folle, et presque toutes les places sont occupées lorsque l'horloge indique finalement 8h.

L'accueil commence. L'homme devant nous se présente comme étant le directeur – Mr. Horren – et nous souhaite la bienvenue. Je regarde autour de moi ; personne ne parle, et tout le monde est bien évidemment très attentif. Ce n'est pas étonant, c'est la rentrée. Je me demande si ces comportements d'écoute active vont durer bien longtemps. Je reporte mon attention sur Mr. Horren, qui nous montre un plan du campus et nous explique comment nous y repérer. Il enchaine sur la présentation des matières pour le droit, puis pour l'économie et enfin pour les langues. J'ai choisi l'économie, parce qu'a Paris, je me suis mise à adorer les chiffres. Chose improbable, je sais, mais quand vous avez un très bon professeur de maths pendant 2 ans, ça peut faire la différence. Après avoir passé en revue le règlement, et le calendrier général des cours, nous sommes priés de nous rendre à un amphi différent pour rejoindre notre section.
L'économie se trouve dans l'amphi A, qui se trouve à environ 4 minutes de marche, selon le plan papier qui nous a été donnée à la sortie de la salle. Je regarde autour de moi – tout le monde semble encore quelque peu timide et hésitant.

A ce moment-là, plusieurs choses se passent en même temps.

Mon téléphone bip, et affiche :

Simon

Hey ! Passe une bonne première journée en cours. Tout va bien se passer ! Je t'aime.

Presque simultanément, je lève les yeux de mon écran. Et puis, je le vois au loin, à quelques mettres de moi, franchissant le couloir principal. Lui. Je le vois lui.

love always shows upOù les histoires vivent. Découvrez maintenant