Chapitre 9

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Derek n'eut aucun mal à repérer l'humain qu'il était venu chercher. Était-ce à cause de son odeur, ou de cette énergie qu'il mettait à l'ouvrage ? Parce que Stiles passa à quelques mètres de lui, sans lui jeter un regard. Concentré sur son travail, un plateau de boisson en parfait équilibre sur sa main gauche, il s'arrêta devant une table, sourit aux clients et déposa chacun des verres avant de repartir aussi sec, un air désormais parfaitement neutre collé au visage. Il ne faisait attention à rien, excepté lorsque l'on s'adressait à lui : là, il reprenait ce sourire de façade et répondait.

Physiquement, il n'avait pas changé. Juste mûri. Et pour la première fois de sa vie, Derek le voyait porter la barbe. Extrêmement courte, mais elle était là. Mis à part cela, Stiles était toujours aussi pâle, aussi vif. Cependant, Derek ne pouvait passer à côté de ces cernes discrets qui, pour lui, ternissaient légèrement son regard. Il y avait également sa façon de bouger, de se mouvoir. Un brin trop énergique, fluide mais en même temps raide.

Mais Derek était tout de même rassuré et son regard accrocha rapidement celui de la barmaid, qui le fixait. Elle ne lui avait définitivement pas menti, et... Elle avait peur. Il le sentait d'ici. Qu'elle n'aie crainte : il n'avait pas la moindre intention de s'en prendre à Stiles, bien au contraire. Puis elle était une louve, elle aussi. Peut-être devrait-il tout de même chercher à la rassurer, histoire qu'elle ne l'empêche pas de parler à l'hyperactif une fois que celui-ci aurait un petit moment à lui accorder ? Car il était clair que Derek n'allait pas chercher à le déranger en pleine action. Lui parler, oui, le perturber pendant son travail, non. Si Stiles le remarquait, Derek se contenterait d'un signe de tête, de lui dire qu'ils parleraient lorsqu'il aurait le temps. Qu'il patienterait, aussi : il pouvait attendre. Ainsi, le loup-garou se dirigea vers le bar et prit place à l'une des quelques places libres... Presque directement en face de Maïa. A son arrivée, elle se tendit, mais ne cessa pas son activité pour autant. Elle le craignait – compréhensible. Elle devait sans doute sentir sa puissance, sa détermination et ne pas comprendre complètement l'intérêt qu'il semblait porter à cet humain en particulier. Pour elle, le fait qu'ils fassent partie de la même meute n'était peut-être pas la raison principale, et pourtant... Pourtant, il s'agissait bel et bien de la seule chose qui les reliait vraiment.

- Bonsoir, la salua-t-il.

Maïa le regarda, perplexe et, au lieu de faire de même, lui demanda plutôt :

- Tu ne vas pas le voir ?

Parce que si elle avait effectivement un peu peur de lui, de ses intentions par rapport à Stiles, elle s'attendait toutefois à ce qu'il aille le voir directement après leur courte discussion de la dernière fois, pas... A ce qu'il prenne place au bar, l'air de rien.

- Lorsqu'il aura quelques minutes de libres, oui, répondit Derek.

Il n'eut pas besoin de préciser pourquoi, il sut que Maïa avait compris le message sous-jacent à la façon dont l'expression de son visage changea. C'était léger, mais suffisant pour que Derek le voie et puisse en tenir compte.

- Tu veux quelque chose en attendant ? S'enquit-elle.

Elle ne lui proposait pas cela par sympathie – pas complètement, en tout cas –, d'autant plus qu'il paierait n'importe laquelle de ses consommations, comme tout client. Disons seulement qu'elle appréciait certaines valeurs qui semblaient être les siennes. En d'autres termes, il avait gagné quelques points. Elle se méfiait toujours, sans nier le respect qu'il semblait véritablement porter à Stiles.

Derek hocha la tête, lui commanda une boisson simple, sans alcool. Maïa haussa un sourcil, étonnée, mais ne dit rien. Une fois qu'elle eut préparé sa commande, la jeune femme glissa le verre devant lui... Mais Derek ne sembla pas l'avoir remarqué. A moitié tourné vers la salle, il laissait ses yeux vert d'eau aller et venir, surveillant tous ces gens, faisant état de l'ambiance bon enfant de l'endroit... Tout en regardant Stiles passer de table en table, souriant, plus ou moins énergique.

Pour être honnête, il lui semblait avoir perdu de sa superbe. Stiles, il l'avait connu lorsqu'il était au lycée. Si le jeune homme avait eu tendance à tout faire pour se montrer le plus insupportable possible, Derek avait été obligé d'avouer qu'il était pourvu d'une énergie débordante et... Lumineuse, presque solaire. Voilà, chaque jour, Stiles lui semblait rayonner de vie, d'intelligence.

Plus maintenant.

Et à bien le regarder, Derek commençait à le trouver terne – mais pas moins efficace pour autant. Le rythme de la soirée semblait effréné et le bar ne semblait pas se désemplir, au grand dam de l'ancien alpha qui, en plus d'attendre que Stiles ait un peu de temps devant lui pour lui parler, détestait lorsqu'il se retrouvait entouré de monde. Son truc, c'était le calme, les endroits ne contenant que des petits comités, et pas seulement parce qu'il était très légèrement asocial sur les bords. En tant que loup-garou, il avait l'ouïe particulièrement fine et le bruit, lorsqu'il était aussi constant qu'ici, le fatiguait – mentalement, il y était très sensible. Il connaissait nombre de lycanthropes à qui cela ne faisait pas grand effet et pour être honnête, il les enviait. Mais à force de voir Stiles aller et venir partout, déposant de temps à autres des verres vides sur le bar pour que Maïa les récupère – sans remarquer son collègue de meute –, Derek se rendit compte d'à quel point il serait bien incapable de travailler en tant que serveur. Tout ce monde, toute cette énergie à déployer et cette attitude qu'il fallait maintenir... Ce n'était certainement pas quelque chose qu'il saurait tenir sur la durée. En cela, il l'admira, mais il ne put empêcher son appréciation de changer graduellement. En dehors du fait qu'il semblait avoir perdu de sa lumière intérieure, quelque chose n'allait pas, dans cette odeur qui lui parvenait parfois aux narines lorsqu'il passait non loin de lui – sans le voir. Alors Derek fronça les sourcils. De toute évidence, Stiles semblait avoir une vie bien remplie. D'ailleurs, avait-il réellement besoin de travailler ici dans la mesure où il avait déjà un métier ? De ce qu'il lui semblait, le FBI, ça payait bien...

... Et ça bouffait du temps le jour, grignotant parfois un bout de la nuit.

Alors qu'est-ce que Stiles foutait ici ? Derek pesta intérieurement contre lui-même quant au fait de ne pas s'être fait la réflexion quant à cette bizarrerie plus tôt. Plus il y pensait, plus elle prenait de sens... Parce qu'elle n'en avait justement pas.

C'est donc d'un œil différent qu'il le regarda valser entre les clients avec une adresse étonnante ainsi qu'une habitude certaine ancrée dans chacun de ses gestes. Et bien que l'ancien alpha apprécierait beaucoup de sortir de cet endroit bruyant au possible et grouillant de monde, il attendit patiemment ces quelques minutes de libres qu'il pensait que Stiles aurait... Avant de se rendre progressivement à l'évidence : il risquait de devoir attendre la fin de son service.

Autant dire que cela ne lui plaisait pas des masses, mais... Il ferait avec. Il ne resterait pas éternellement à Brooklyn, alors mieux valait qu'il profite de l'occasion qui s'offrait à lui pour alpaguer Stiles et exécuter la mission que lui avait confiée Lydia. La demoiselle Martin avait besoin d'une réponse à ses questions et si Stiles s'entêtait à lui en fournir sans honnêteté aucune, Derek était là pour apporter la vérité. Evidemment, d'aucuns diraient qu'il avait mieux à faire, mais... On ne négligeait pas sa meute, encore moins l'un de ses membres et ce, même s'il se faisait volontairement discret.

Alors Derek continua d'attendre, sous le regard scrutateur de Maïa qui, si elle fut tentée de le chasser, le laissa rester malgré tout.

In your armsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant