Chapitre 11

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- Je n'ai pas énormément de temps devant moi, alors si tu pouvais abréger, me dire ce que tu me veux...

Stiles avait accompagné ces mots soupirés d'un vague geste de la main. Il était vraiment fatigué et voulait récupérer ses affaires au plus vite car il n'était pas certain que Jace les conserve plus de quelques heures. Après tout, s'il avait été capable d'en quelque sorte le virer de l'appartement... Enfin, Stiles préféra ne pas penser aux différentes possibilités que son cerveau venait justement d'envisager. C'était très bref, mais suffisant pour l'ébranler une seconde. Stiles n'avait pas le luxe de se racheter des affaires, des vêtements, une trousse de toilette... Il comptait chaque billet, chaque pièce, chaque cent. Alors, il se devait de récupérer tout ce qu'il avait, cette vie qui ne se résumait presque plus qu'à des objets.

- Tu dois partir ? Lui demanda Derek, perplexe.

- Oui, lui confirma Stiles sans que son expression ne change. Je suis pressé par le temps.

Autant le lui répéter, histoire d'être certain que le loup-garou comprenne qu'il ne resterait pas ici à l'écouter plus longtemps que nécessaire. Le simple fait de devoir parler et écouter lui donnait envie de se carapater loin de ses yeux et de sa bouche. Sa voiture se trouvait une rue plus loin... Pourquoi ne l'avait-il pas garée plus près ? Quoiqu'à bien y réfléchir, si Derek l'attendait depuis un moment... Stiles n'aurait pas pu l'éviter.

Hale avait toujours eu le chic pour l'obliger à l'écouter, s'arrangeant pour se trouver là où il s'y attendait le moins, histoire qu'il ne puisse lui échapper... Bien sûr, ce n'était jamais méchant : Derek avait juste eu l'habitude de faire passer ses intérêts avant le bon sens. Cette fois, c'était différent.

Mais Stiles n'en avait cure. Il tenait juste à partir le plus vite possible.

- Dans ce cas, je vais aller droit au but, céda Derek.

L'expression de son visage était particulière. Cependant, l'hyperactif ne chercha ni à la détailler, ni à la décrire réellement. Il s'arrêta au premier adjectif qui lui vint : « contrarié ». Oui, l'ancien alpha lui paraissait contrarié et Stiles n'espéra rien, si ce n'est que ce fait ne retarde pas sa fuite. Car c'était finalement de cela qu'il s'agissait... Une fuite. Ce ne serait ni la première, ni la dernière.

- Lydia aimerait vraiment qu'on les fasse, ces retrouvailles, avoua le loup-garou.

Il n'avait su comment tourner la chose autrement, comment lui donner un caractère un peu plus... Pressant. L'air de rien, il avait envie de régler cette histoire le plus tôt possible et considérait que la banshee avait raison : tout le monde devait être présent. Stiles, tout particulièrement. Si chaque membre de la meute avait son importance, la sienne était... Spécifique. Pas plus grande, pas moins non plus. Elle avait juste quelque chose d'autre.

Stiles était plus ou moins l'un des fondateurs de cette bande salvatrice pour bon nombre de ses membres. Faire cette réunion de retrouvailles sans lui n'avait pas de sens... D'où l'insistance de Lydia à ce sujet. Même Derek reconnaissait qu'elle avait raison et c'était partiellement ce pourquoi il avait accepté la quête qu'elle lui avait confiée.

En lui avouant la raison de sa présence ici, Derek ne s'attendait pas à grand-chose, si ce n'est... Une réponse aussi simple que positive, un « ok » un peu agacé ou fatigué, un « je vais y réfléchir »... C'était en tout cas ce que pouvait éventuellement refléter le visage de l'hyperactif, lequel ouvrit la bouche.

- Je lui ai déjà dit que ce serait sans moi. Autre chose ?

Implacable. Voilà le mot qui vint automatiquement, presque aussitôt à l'esprit de Derek. Stiles était aussi implacable dans ses mots que dans son ton. Il avait cet air fatigué, plus ou moins fermé... Mais rien de radical.

Hormis ces paroles directes, dénuées de tout enrobage superflu. Elles étaient claires et nettes, ne laissaient aucune place au doute. Et c'est peut-être justement ce qui poussa Derek à ne pas lâcher l'affaire. Rien n'allait dans cette histoire : non seulement Stiles lui apparaissait complètement différent mais en plus, il refusait de participer à la réunion de retrouvailles de la meute. Le pire, c'est que cela n'avait pas l'air de le déranger outre mesure. Derek trouvait cela d'autant plus surprenant qu'il connaissait l'hyperactif depuis un moment et savait que la meute avait une importance toute particulière pour lui. Il la faisait toujours passer avant. Bien sûr, ce n'était pas ce que le loup-garou lui demandait, simplement... Il était d'avis que cet évènement, sans lui, n'aurait pas le même sens. Il fallait que tout le monde soit présent.

- Pourquoi ? Ne put s'empêcher de demander Derek, quelque peu interloqué.

Il n'y avait pas de désespoir dans sa voix ni de supplication quelconque. C'était la confusion qui régnait, une confusion que le loup-garou ne cachait pas. Il voulait vraiment savoir... Et se demanda soudainement si Stiles s'était disputé avec Lydia. Il mit tout de suite cette idée de côté : s'il s'était passé quelque chose de ce genre, la rouquine lui en aurait parlé.

Stiles soupira mais Derek eut l'impression que l'expression – ou plutôt le manque d'expression – de son visage ne changeait pas vraiment. Il fronça les sourcils. L'humain se contrôlait. Pourquoi et de quelle manière, le loup-garou n'en avait aucune idée, mais on ne pourrait toutefois pas lui enlever cette idée de la tête. Même son odeur lui semblait comme... Epurée. Pas naturelle dans le peu d'émotions qu'elle lui laissait deviner.

- Je n'ai pas le temps.

Derek scruta on ne peut plus attentivement les battements de son cœur, si bien qu'il tomba des nues : Stiles disait la vérité. Mais cette sincérité ne lui allait pas, elle n'avait... Pas de sens. Pas plus que ses mots.

Et pourtant, il laissa Stiles partir sans chercher à le retenir lorsque celui-ci le salua en lui souhaitant une bonne soirée. Sans un sourire, sans même paraître énervé d'une quelconque manière. Sans rien, en somme.

xxx

Il n'y avait que dans sa vieille voiture que Stiles s'autorisait l'honnêteté véritable : un relâchement qui en disait plus que ses mots. Il était éreinté et le simple fait de s'apprêter à retourner pour la dernière fois à son appartement ne faisait rien de moins que le fatiguer davantage. Par souci pratique, il fit tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas songer à l'après, à cet avenir qu'il ne voyait d'aucune manière. Il considérait ne pas en avoir un, du moins pour l'instant. Lorsque ça irait mieux, peut-être qu'il accepterait de se pencher sur cette idée particulière et pleine d'illusions – selon lui. Songer à l'avenir était en réalité un luxe qu'il ne pouvait se permettre tant qu'il n'était pas certain que son père guérisse de ses démons et que ses factures d'hôpital n'étaient pas remboursées dans leur intégralité. En outre, Stiles en avait encore pour un moment à vivre de cette façon et il en avait parfaitement conscience. Pour lui, c'était parfaitement normal.

Maintenant, les difficultés qu'il se retrouvait obligé de traverser ne l'aidaient pas et imaginer qu'il allait devoir passer au moins une nuit dans sa voiture ne l'enchantait pas... Mais c'était toujours mieux que de devoir subir les ébats sonores de Jace et ses partenaires, toujours mieux que la rue également. Pour Stiles, l'équation était simple : il pourrait tenir tant qu'on le laissait dormir un peu. Or, dans la mesure où Jace ne respectait pas ce fait, ce n'était pas possible d'autant plus que Stiles ne se voyait absolument pas continuer d'habiter avec lui en particulier par rapport à la proposition plus qu'indécente qu'il lui avait faite. Stiles n'était pas à vendre, son corps non plus.

Et pourtant, alors qu'il roulait à vivre allure en direction de son ancien appartement, il entendit une petite voix intérieure lui souffler que tout pouvait changer, que toutes ses certitudes pourraient voler en éclat du jour au lendemain. Ce qu'il trouvait inconcevable aujourd'hui lui apparaîtrait peut-être nécessaire demain.

Rien n'est immuable.

In your armsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant