Je suis chez mon père. C'est toujours un plaisir d'être ici, à la maison. Ça fait quelques temps que je ne suis pas venue. Depuis que Kenny est ici, en Angleterre, on peut dire que j'habite avec lui. Ça fait que ma famille, je ne la vois plus et ça me manque. J'en ai besoin. De les voir et de faire autre chose que de parler musique ou que d'être avec Kenny. Je l'aime à en mourir, c'est une chose mais je pense que dans une relation c'est important de se donner de l'espace. Histoire qu'on ne se déteste pas. Alors, je suis dans mon sous-sol, aménagé en petit coin salon, salle de musique, salle de répète et accessoirement salle de jeux. Oui mon père nous aime beaucoup. Accompagné de ma guitare comme à mon habitude, je joue le début de Fade into You des Mazzy Star. Mon père est là, il est assis sur le canapé pendant que moi je suis sur un pouf.- Je pensais vraiment pas que tu aimais autant la musique ma chérie, me dit-il. Je savais que tu aimais ça c'est pour ça que je t'ai inscrit au conservatoire dès petite mais de là à en faire ta carrière je ne l'aurai jamais parié.
- Moi non plus, c'était une idée de Léon. Je voulais l'envoyer bouler mais on s'en sort pas trop mal je trouve.
- Pas trop mal, il répète. Ma chérie, tu fais transmettre de l'émotion aux gens grâce à ta voix, tes paroles et ta musique et ça se ressent. Je trouve que c'est le plus beau métier du monde. Les artistes c'est ça que vous faites. Que vous soyez peintre, musicien, paysagiste, sculpteur vous faites transmettre des émotions aux gens que vous ne connaissez pas et ça je trouve que c'est fort.
- Tu as ressenti quoi toi quand tu es venu nous voir chanter ?
Mon père réfléchit. Il se lève pour aller se prendre une bière dans le frigo. Oui on a meme ça dans le sous-sol. Il m'en propose une mais je décline. Il se rassoit mais cette fois près de moi à côté du pouf et trinque avec ma guitare.
- J'étais fier, je ne pouvais qu'être fier. Maman t'as dit que j'avais pleuré ? Parce que je l'ai fait. De te voir là, sur une scène bien qu'elle n'était pas grande, et te voir te vider le cœur, l'esprit, dire ce que tu ressens, parler de tes états d'âmes, tes états d'esprit, tes peurs, tes craintes, tes joies, tes peines, c'est quelque chose d'unique je pense. Tu as toujours été quelqu'un de très réservée, tu es timide et tu parles pas beaucoup de ce que tu ressens au fond et te voir le faire en musique devant une salle remplie c'est quelque chose d'unique. Je ne t'ai jamais vu faire une chose pareille. Je t'avoue que je ne te croyais pas quand tu me disais que vous vous produisiez devant des gens. Tu as toujours eu peur de ça. Mais vraiment, j'ai vu à cet instant à quel point tu avais grandi, à quel point tu es devenue une femme et je ne peux que penser à ta mère et à me dire qu'elle serait vraiment trop fière de toi et je pense qu'elle l'est de là où elle est. Elle te regarde et elle est fière de ce que tu fais.
- Je pense que c'est elle qui me donne la force de faire ce que je fais là. C'est grâce à elle tout ça. Maman était quelqu'un d'extravertie je sais, et je ne peux que me dire qu'elle me l'a transmis pour pouvoir faire ce que je fais maintenant.
- Je suis ravi déjà que tu puisses parler d'elle sans pleurer. C'est une étape importante et c'est tout aussi important de le noter.
- Merci Papa, pour tout. Pour ne jamais m'avoir fait sentir seule, d'avoir été présent, d'avoir été à l'écoute et d'avoir su me montrer que tu pouvais t'occuper de moi tout seul. J'avais besoin de ça. Maman est aussi très fière de toi je pense. De tout le travail que tu as su faire sans elle.
- Des fois j'ai l'impression qu'elle m'en veut d'avoir refait ma vie.
- Heureusement que tu l'as fait Papa. La seule chose qui compte c'est que tu sois heureux. Tu as refait ta vie mais tu ne l'oublies pas, tu continues à la voir tous les jours au cimetière, tu lui parles, tu te confies à elle. Tu ne l'oublies pas. J'avais peur de ça, que Maman ne soit plus qu'un souvenir mais non, elle est toujours aussi présente en toi.