ANAGRAM

14 - Emerald city

Au bout de quelques secondes je me décide à rentrer, le carrelage glacé du sol ne m'aide pas à me réchauffer. Une odeur rance de tabac froid et de détergent bon marché m'assaille, mais j'avance, cherchant mon compagnon de voyage du regard.

Je le trouve près du comptoir, penché sur un formulaire qu'il remplit avec une nonchalance habituelle. Le réceptionniste d'une cinquantaine d'années lui tend la clé sans poser de question.

Kayden m'aperçoit enfin et incline légèrement la tête vers la porte au fond.

— Chambre huit, dit-il simplement en avançant devant moi.

Je le suis, traversant le couloir faiblement éclairé. Chaque pas fait grincer le plancher, et je m'attend presque à ce qu'une silhouette surgisse de l'ombre.

Quand il ouvre la porte, je découvre une chambre aussi déprimante que je l'avais imaginée : un lit double au couvre-lit douteux, une vieille lampe de chevet, et un miroir fissuré au dessus d'une commode bancale.

Il pose son sac dans un coin et commence à inspecter les lieux sans rien dire. Moi, je reste près de la porte, mon regard se posant sur les détails de la pièce.

— Cliché, je murmure à voix basse, incapable de retenir un sourire nerveux.

Kayden arque un sourcil, allume la lumière principale, et me jette un regard.

— Tu préfères dormir dans la voiture ?

— Non, non, c'est parfait, je répond en levant les mains en signe de paix.

Une vraie ambiance de film.

Il ne répond pas, se dirigeant vers le lit pour s'y laisser tomber lourdement.

Le silence pesant de la chambre me fait frissonner légèrement. Kayden est maintenant allongé sur le lit, les yeux fixés sur le plafond. Il ne dit rien, mais sa simple présence emplit l'espace, presque étouffante. Je sens que j'ai besoin de m'éloigner un peu, de retrouver mes pensées.

— Je vais prendre une douche, je dis en attrapant quelques affaires dans mon sac.

Il ne répond pas, se contentant d'un léger mouvement de tête.

La salle de bain est aussi lugubre que la chambre, avec ses carreaux jaunis et une odeur de moisi qui persiste malgré le détergent.

Je fais couler l'eau chaude et ferme les yeux un instant sous le jet, laissant la chaleur détendre mes muscles tendus. L'eau m'apaise, mais mon esprit reste embrouillé.

Ce voyage imprévu avec Kayden m'a plongée dans un chaos d'émotions que je ne comprends pas encore.

Quand je sors de la douche, j'attrape une serviette rêche et me sèche rapidement. Une fois habillée, je décide de prendre l'air.

— Je descends une minute, je lance en sortant de la salle de bain.

Il ne répond toujours pas.

Dehors, la nuit est froide et calme. Je sors une cigarette de mon paquet et l'allume, le goût amer envahissant ma bouche tandis que la fumée s'élève dans l'air.

Je fixe un point invisible devant moi, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Il y a quelque chose chez lui qui me perturbe.

Sa froideur, son détachement, mais aussi cette intensité silencieuse qui semble toujours bouillonner sous la surface.