Chapitre 8 : À contre-courant

11 1 1
                                    

Gale se tenait fièrement devant Lisa, comme si cet endroit nouvellement découvert était sa propre demeure. Un sourire se dessina sur ses lèvres avant que Lisa n'éclate de colère.

— Gale ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je devais te voir...

— Donc, tu as pensé que la meilleure manière était de m'attendre chez moi dans l'obscurité ?

— Techniquement, avant ton arrivée, ce n'était pas encore ton chez-toi.

— Comment es-tu rentré ? demanda-t-elle d'un ton ferme.

— J'ai fait partie des forces spéciales anglaises avant de rejoindre les Eagles. L'infiltration, c'est mon domaine.

— Et tu imaginais que j'allais réagir comment ?

— Arrête de me bombarder de questions. Je suis là maintenant, c'est fait. Je n'arrivais pas à me sortir ma mission de la tête. Secourir une VIP, c'est une chose. Mais lorsque cette VIP force un de nos commandants à se déplacer personnellement, ça devient suspect. Sur quoi travailles-tu ?

Lisa toisa Gale, son expression sévère.

— Je n'ai pas à te le dire, Gale. Je ne te dois rien !

— C'est vrai... C'est en partie grâce à toi que je suis en vie aujourd'hui, soupira-t-il. Écoute, que dirais-tu si je te faisais découvrir la ville ?

— Tu es sérieux ? Tu t'introduis illégalement chez moi et tu penses que je vais vouloir devenir ton amie ?

— Tu as le choix. Je peux être ton guide ou bien le Commandant insistera sans doute pour l'être.

— Qui te dit que je préférerais ta présence à la sienne ? dit-elle avec un sourire mesquin.

— Au hasard, Guilhem ferait peur même aux morts, ricana-t-il.

Il marquait un point. Le commandant n'avait jamais vraiment montré de sympathie à son égard, et il était difficile de deviner ses réelles émotions.

— D'accord, tu as gagné. Mais promets-moi de ne plus jamais pénétrer chez moi sans mon consentement, indiqua-t-elle.

— Évidemment ! Au fait, je t'ai ramené ta valise. Tu l'avais oubliée sur le bateau.

— Tu aurais dû me dire que c'était pour ça, espèce d'idiot !

Gale porta sa main à son menton puis leva les yeux au plafond.

— Oui, j'aurais pu dire ça, en effet...

Cela fit rire Lisa, qui dédramatisa la situation.

— Je vais m'installer tout doucement et surtout manger. J'ai l'estomac qui crie famine ! s'écria-t-elle.

Elle se dirigea vers la cuisine et ouvrit les différents placards, ainsi que le frigo. Toutefois, elle les trouva complètement vides.

— Dis-moi, Gale, sais-tu où je peux dénicher une épicerie ?

— Il y en a un peu partout, à chaque coin de quartier. Je vais t'y emmener.

— Ça tombe mal, il ne me reste plus grand-chose sur mon compte... soupira-t-elle.

— Le commandant vient de te donner ta carte, pourtant ?

— Quelle carte ? demanda Lisa, perplexe.

Gale se figea sur place, ses yeux se verrouillant sur Lisa.

— Ah, il a peut-être pensé que tu te nourrissais de barrettes de RAM, plaisanta-t-il d'abord. Puis, de manière plus sérieuse, il poursuivit, nous fonctionnons avec un système de points ici, qui nous permet d'obtenir des services ou des denrées. Il n'y a pas d'argent en circulation à Lagarden.

— Oh non... Comment vais-je faire ? se lamenta Lisa en dissimulant son visage dans ses mains.

— Ne t'en fais pas, répondit-il en attrapant son téléphone. Je vais commander des pizzas pour nous, et demain, nous irons voir le commandant.

— Des pizzas... Vous en avez même ici... remarqua-t-elle, un brin étonnée.

— Bien sûr ! répliqua Gale avec un rictus.

Lisa se remémora tous ses rituels d'étudiante, ne pouvant compter le nombre de pizzas englouties à Boston lors de ses soirées de révision. Ce n'était certes pas un plat venant de son pays, mais elle en était certaine, c'était le mets le plus consommé en Amérique. Le livreur ne mit qu'une vingtaine de minutes à arriver, et ils se placèrent à table l'un en face de l'autre.

— J'ai encore du mal à réaliser que je vais occuper cette grande maison pour moi toute seule ! fit remarquer Lisa.

— Ouais, tu as de la chance, acquiesça Gale.

— Et toi, tu vis loin d'ici, Gale ?

— La caserne des Eagles se trouve en périphérie de la ville, alors oui, ça fait un bout, même en métro.

— Vous devez vivre en caserne ? s'enquit Lisa.

— Tout le monde ne peut pas être dans les bonnes grâces du commandant en second de la cité, plaisanta-t-il.

— Tu es arrivé à Lagarden il y a longtemps ?

— Presque deux ans !

— Tu dois me détester... J'arrive et on me donne une belle maison.

— Nous n'avons pas le même parcours, ce n'est pas comparable. Et je t'assure qu'un jour, je serai en haut de la pyramide. En arrivant, je n'étais qu'un simple caporal...

— Commandant Gale Clarke, ça sonne bien, répliqua Lisa en ricanant.

— Tu peux te moquer, mais sache qu'après ton exfiltration, le commandant Guilhem est venu nous voir Mike et moi et nous a proposé de participer aux prochaines sélections pour devenir Elits !

— L'unité de Guilhem ?

— Oui ! s'écria-t-il avec engouement. Les Elits ne sont qu'une poignée, mais ils accèdent bien plus facilement au pouvoir de la ville et surtout, ils ont toutes les missions les plus importantes. Être un Elit, c'est être respecté de tous !

— Eh ben... Et, quand sont-elles prévues ces sélections ?

— Dans un mois. J'ai à peine trente jours pour me préparer.

— Et tu trouveras le temps d'être mon guide ?

— T'inquiète pas pour ça !

Lisa finit sa pizza en discutant de banalités avec Gale, notamment de son passé et de sa vie en Amérique. Gale restait particulièrement à l'écoute et n'osait pas l'interrompre alors qu'elle ne s'arrêtait pas. Au bout d'un moment, Gale observa l'heure sur sa montre et bondit au plafond. Il n'avait pas vu le temps passer et devait vite rentrer à sa caserne.

— Je reviens demain matin, mon chef m'accordera une permission sans problème, expliqua-t-il en remettant sa veste. On ira voir le commandant ensemble.

Il claqua la porte pendant que Lisa le saluait naïvement de la main. Cette nuit-là, Lisa aurait juré ne pas avoir fermé l'œil, repensant à sa nouvelle vie et à son nouvel ami.

La promesse : Récit de LagardenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant