11) La nuit

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Aujourdhui je rentre à Val dIsère. Ca fait trois ans que je suis parti en Irlande, chez un ami, pour apprendre langlais parfaitement. Objectif atteint, je rentre maintenant chez moi. La montagne mavait beaucoup manqué, ma famille encore plus. Trois ans sans ski, cest long. En rentrant, je sers fort dans mes bras ma mère, je sers virilement la main de mon père et puis je tente de ne pas tomber lorsque ma petite sur arrive en courant pour me sauter dans les bras. Elle sappelle Aline, elle a trois ans de moins et elle passe son bac cette année. Depuis le temps, elle doit skier presque aussi bien que moi maintenant. Avant mon départ, on allait tous les week-ends dans les bars réputés de Val dIsère le soir, moi avec mes copains et elle avec moi. On buvait de lalcool mais je veillais toujours à ce quelle ne tourne quà loasis.

Je monte dans ma chambre, je la retrouve telle que je lai laissé quelques années en arrière. Cette odeur dans la maison, que je reconnaitrais entre milles, me rends nostalgique : jai limpression davoir mis ma vie en pause durant 3 ans. Certes, tout était incroyable en Irlande, je me suis fais un super groupe damis là-bas, qui ne jurent aussi que par la bière, mais attention, la Guiness là-bas, mais lambiance de Val pendant la saison hivernale ma beaucoup manqué.

Le repas du soir vient de passer, et mes parents fatigués montent se coucher, alors que je me pose sur le canapé pour allumer la télé française, qui ma un peu manqué aussi. Aline saute à côté de moi, toujours autant énergique, et me demande, les yeux pétillants : « on sort ce soir ? »

Je lui fais un grand sourire, et elle comprend directement la réponse, puisquelle file dans sa chambre shabiller. Quelques minutes plus tard, on sort. Je nai pas encore prévenu mes amis, je préfère passer cette soirée là avec ma sur, pour rattraper du mieux que je peux ces trois années perdues. Elle part devant, semble connaitre les rues mieux que moi, pourtant jen ai fait le tour bien avant quelle ne sache même marcher. Je me sens presque étranger à tout cet environnement, mais je me sens bien, à marcher sur la neige grise des trottoirs, éclairé par les guirlandes des grands hôtels de luxe, avec lodeur des plats régionaux qui séchappe des restaurants remplis, et dans le froid mordant dune nuit dhiver.

Ma sur nous amène au Garage, un bar réputé, tranquille, où il y a beaucoup de locaux. On sassoit et ma sur commande 2 demies. Je la regarde en fronçant les sourcils, et elle me renvoie un sourire encore plus malicieux.

- Depuis quand tu bois de lalcool toi ?

- Depuis environ trois ans. Me répond-elle sur un ton encore plus provoquant.

- Tu nas toujours pas 18 ans, tes pas sensée boire.

Elle hausse les épaules. On discute ensuite de lIrlande, de ce que jy ai fait et dautres choses assez banales. Puis je lui demande de me parler delle et du lycée. Tout va bien, ses notes sont bonnes, je suis fier delle et rassuré. Je lui demande si elle a un copain, je suis soulagé. Puis vers 23 heures, on décide de partir, on a tous les deux bus quelques demies, et la vie semble tout de suite plus légère et amusante. On va au Cocorico pour danser, là-bas il y a toujours de la très bonne musique. Avant, on rentrait à cette heure-là, Aline en train de sendormir sur mes épaules. Aujourdhui, elle semble tellement plus grande et responsable. Je nai plus limpression dêtre son super héros, le seul à pouvoir la protéger sur cette terre.

La soirée continue, la nuit avance. On danse comme des fous, ma sur connait plein de monde ici, et elle se fait payer des verres par des touristes qui tentent dengager la conversation avec elle. Alors à chaque fois, jarrive à côté delle, je prends le verre quon lui a offert, je le bois puis je souris au mec avant de lui dire, plus sérieux, que cest ma sur et quelle nest même pas majeure. Etonnement, ma sur ne sénerve pas, elle en rigole même. Elle me gronde juste parce que jai bu son verre, mais avec ce quelle a déjà bu, il est hors de question quelle continue.

Soudain, on me tape fort sur lépaule. Je me retourne, et je vois mon groupe damis de Val dIsère. On se prend tous dans les bras, on parle fort pour sentendre au dessus de la musique et on vide le verre quon a dans la main. On forme un cercle, on se dandine un peu au rythme de la musique, sans danser réellement, et japproche ma tête de ceux qui me parlent pour essayer dentendre ce que leur corps bourré tente de me dire au-dessus de la musique. Ca me fait vraiment plaisir de les revoir, ils mavaient sacrément manqué. Cest avec eux que jai fais les 400 coups, et toutes les bêtises possibles et imaginables dans la station. Leurs parents sont les miens, et les miens sont les leurs. Ils vont dailleurs tous saluer Aline, quils croisent souvent dans les bars de ce quils mapprennent.

1h du matin, la nuit est bien entamée, je commence à être fatigué. Alors je dis à Aline que lon rentre, et elle me suit. Devant le bar, trois mecs fument, je passe à côté, suivis par ma sur. Elle grimace en passant dans le nuage de fumé, puis me dit plus loin que cette odeur de cigarette lui donne envie de vomir.

Elle ralentit avant quon arrive à la maison, alors je me retourne et elle me prend fort dans ses bras.

- Aline, ça ne va pas ?

Elle ne dit rien, sert encore plus fort.

- Aline, raconte-moi ce quil y a.

- Pendant que tu nétais pas là, une nuit, je rentrais de soirée et dans la rue, un mec ma pris et il ma fait quelque chose dhorrible !

- Qui ça ? Et puis cétait quand ?

- Je ne sais pas, je ne me souviens plus ! Cétait lannée dernière, mais tout est flou dans ma tête

Aline est maintenant en sanglot, moi je narrive plus à bouger. Je la sers fort dans mes bras, jai les larmes aux yeux et je brûle de rage dans cette nuit glaciale que je maudis.

- Pourquoi tu ne men as pas parlé directement ?

- Javais peur que tu men veuilles, et puis jai tellement honte je suis désolée !

Moi son grand frère, jai été incapable de la protéger, de laider cette nuit-là, ma petite sur adorée

Pour elle et pour toutes les autres femmes, je suis sincèrement désolé. Le viol que je n'ai jamais vécu me fait de plus en plus souffrir, parce qu'il fait souffrir de plus en plus de personnes qui me sont chères. Fort heureusement, ma soeur n'a pas été violée, mais j'ai une liste d'amies qui laisserait les yeux écarquillés à quiconque la lirait. Parce que cette réalité de merde, elle est là. Motif du viol : être une femme. Ca ne passe pas pour moi, et je vomis la honte que me renvoient tous ces monstres inhumains, qui détruisent des vies, qui détruisent des filles, qui détruisent des amies. Je cherche énormément des moyens de condamné plus rapidement, plus facilement les violeurs. Je cherche constamment des moyens de mieux accompagner, aider et prendre en charge les victimes de viol. Le problème, c'est que la solution ne semble pas facile à trouver, et que si personne ne l'a encore trouvée, je ne suis pas près de la trouver aussi. La meilleure solution encore serait que le viol ne fasse plus partie de notre société, ce qui signifie plus de sanction de coupable et plus de prise en charge de victime. Et cela passe par l'éducation.

En attendant, je me retrouve tout seul à partager des secrets bien trop lourds pour des coeurs si innocents qui ont été salis injustement et trop tôt; sans trop savoir comment aider le mieux possible ces personnes, sinon en leur proposant impuissant mes deux bras pour les consoler.

Quoi qu'il en soit, je le promets ici, comme je l'ai déjà promis tant de fois à tant de personnes, je le promets que je ferais tout ce que je peux pour que le viol deviennent un cauchemar pour celui qui l'a commis et non pour celle qui l'a subit. Je ferais tout ce qui est possible de faire, plus tard, en politique, pour aider au mieux les rescapés de ce meurtre psychologique, et pour corriger au plus juste ces meurtriers sexuels.

La honte doit changer de camp !

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 23 ⏰

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