Les humains de Néandertal

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Louie s'éveilla guillerette ce jour-là. Elle avait passé son samedi chez ses parents. Ils avaient l'air fatigués, peut-être plus que d'habitude, mais admiratifs de sa réussite. Et puis surtout, son DISCEEP l'avait encore évaluée très positivement. Elle était sur la bonne voie. Encore un peu de courage et elle pourrait leur financer une retraite bien méritée. Avant de s'y rendre, elle avait demandé à Erika de lui trouver des recettes économiques à base de nourriture biologique. Lorsque, ignorant les recommandations basées sur l'analyse énergétique des différents plats que lui fit son amie, elle valida son choix et le laissa s'occuper de commander les ingrédients nécessaires pour en réaliser deux, et l'autorisa à utiliser pour cet achat son compte de sécurité sociale alimentaire. Elle aurait voulu faire la surprise complète à ses parents mais, n'ayant pas de cuisine dans son appartement, elle avait fait directement tout livrer chez eux pour préparer le repas là-bas, guidée pas à pas par Erika. Ses lentilles affichèrent un clignotement orange, son bracelet vibra légèrement, et son amie l'avertit à nouveau que les plats dépassaient la limite calorique autorisée pour un repas. Mais peu importait à Louie. Pour une fois, ses parents pouvaient bien se faire un petit plaisir. Elle était fière d'elle, car son repas était plutôt bon, bien que très différent de ce à quoi elle s'était attendue. Ses parents avaient apprécié la cuisine et le geste – son père s'était même resservi. Quant à Louie, elle en avait pris très peu pour les laisser en profiter davantage, et avait prétexté avoir pris son petit déjeuner trop tard. En réalité, elle ne petit-déjeunait pas, ce qui lui permettait de faire des économies. Mais tant pis, il suffisait qu'elle choisît ce soir-là un shake plus épais que d'habitude, ce n'était pas un problème pour elle : il lui restait quelques shakes texture soyeuse chez elle. De toute façon, elle ne supportait pas de trop mâcher, cela lui faisait mal à la mâchoire.

Le dimanche s'était aussi bien déroulé. Elle travaillait ce jour-là et avait pu partager sa fierté auprès de Samy, qui avait paru impressionné par sa générosité et sa prévenance. Ils avaient beaucoup parlé du rendez-vous qu'il aurait le lendemain, et pour lequel il s'était préparé. Louie prenait des notes mentales, en prévision d'un hypothétique, non, d'un futur rendez-vous de carrière. Le jeune homme avait suivi les conseils de l'IA RH et elle le trouva en effet plus beau. Elle partageait en tout cas son excitation, et avait hâte d'être au lendemain midi pour savoir ce que ce rendez-vous avait donné.

Ce qui la mettait également en joie, c'était bien évidemment l'excellente soirée qu'elle avait passée avec l'homme rencontré dans le magasin un mois auparavant, Liam. Elle était impatiente à l'idée de le revoir et qu'il la fît visiter Rome.

C'est donc de parfaite humeur qu'elle se leva le lundi. Dès le réveil, un flot continu de paroles se diffusa dans ses oreilles. Il s'agissait d'un programme audio qu'elle suivait tous les matins, « Pour l'amour du rire » ; des gens discutaient de leurs derniers coups de cœur série, musique, livre avec beaucoup d'humour. Liam ne lui avait pas donné de nouvelles mais elle n'était pas vraiment inquiète : il avait l'air content de leur soirée et avait probablement été occupé par ailleurs. Erika était du même avis et lui conseillait d'attendre quelques jours pour le recontacter. Lorsque Louie lui avait demandé si elle devait lui envoyer un message pour lui signifier combien elle avait apprécié leur soirée, son amie s'était mise à rire et lui avait répondu qu'une femme devait toujours se laisser désirer un peu. C'était une bonne idée, elle le recontacterait probablement le lendemain ou le jour suivant, à moins qu'il la joignît avant. En attendant, ce qui la fit bondir hors du lit avec autant d'élan, c'était le rendez-vous de carrière de Samy. Espérant le croiser avant pour lui adresser de derniers encouragements, elle avala son Orangella avec une gélule, effectua le programme « beauté santé spécial vitalité » d'une heure qu'Erika lui concocta sur mesure, s'habilla en hâte, mit ses lentilles, et partit d'un pas empressé s'engouffrer dans la petite voiture autonome qui, comme à chaque jour ouvré, avait été commandée automatiquement à son réveil. Elle s'y installa confortablement pour consulter son Daily Mood.

La Révolte des VivantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant