CHAPITRE 1

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  Sorhya se levait pour la dix-septième année de sa vie, elle avait envie de se recoucher aussitôt, elle n'avait pas envie d'aller en cours, à nouveau. Tous les jours de sa vie étaient les mêmes, rien ne changeait et tout était gris, cette fois-ci ça l'était encore, elle regarda son pot de médicaments, laissé à l'abandon depuis des mois, elle se refit le compte du nombres d'anxiolytiques, de neuroleptiques et de thymorégulateurs qu'elle devait avaler par jour. Sa vue se brouilla et quelques perles salées s'échappèrent avec peine de ses yeux, pourquoi cela était-il arrivé à elle et pas à quelqu'un d'autre ? Elle prit la canette de bière à sa droite, posée sur sa table de chevet innocemment et en but une grand gorgée, son moral retomba à nouveau au plus bas. Et on commença à hurler son prénom sous elle, elle s'enfonça plus profondément dans sa couette, elle se sentait au plus bas alors que ça venait à peine de commencer, elle se sentait inutile et inintéressante.

Sans crier gare, son père ouvrit la porte et la sermonna ;

- Sorhya, il est temps de retourner en cours, hier tu nous as fait la même, je ne tolérerai pas une absence de plus, tu retournes en cours dès aujourd'hui et je ne veux plus rien entendre, ta maladie c'est dans ta tête.

Elle n'osa même pas répondre, elle était donc un parasite pour sa famille, pourquoi devait-elle être aussi agaçante et une aussi horrible fille, les autres devaient la voir comme une simulatrice, à quitter une salle de classe dès que ça n'allait plus, elle avait encore moins envie de se rendre à ce lieu de l'enfer.

C'est alors que deux puissantes mains vinrent lui saisir les aisselles et la redresser avec force.

- J'ai dit debout ! vociféra la voix grave de son père.

Elle se mit à sangloter et se laissa tomber par terre lorsque celui tenta de la mettre sur ses pieds.

- Tu as dix-sept ans bordel, tu es une grande fille, arrête de faire des scènes pareilles ! s'énerva-t-il au bord de la crise de nerfs, alors qu'elle commençait à trembler, il se frappa les cuisses en grognant et partit d'un pas vif « Très bien, je vais appeler l'école en expliquant que ma fille est encore une gamine de dix ans qui refuse d'aller en cours ! » la menaça-t-il rouge de colère.

Il la laissa là, au sol, à trembler et à manquer d'air, comme si sa trachée se refermait pour ne plus laisser passer aucune oxygène. Elle ferma les yeux et des images traumatisantes de son enfance la giflèrent coup à coup, puis une douce voix vint la saisir et lui souffler des doux mots, elle ouvrit les yeux et vit sa mère, venue la réconforter, elle lui caressait le dos de son index en dessinant des cercles et lui promettant que ça irait et qu'elle n'était pas obligée d'aller à l'école aujourd'hui et qu'elle était la seule à décider de son avenir et de ses actes. Sorhya se calma petit à petit et laissa sa mère partir avant de se relever et de retourner dans son lit, cacher sa honte dans ses draps et noyer sa tristesse infinie dans son oreiller.

***

La jeune fille, s'était habillée, d'un simple pantalon large et d'un T-shirt aux couleurs militaires, avec un sous pull noir, elle enfila une grande veste, un bonnet et une écharpe autour de son cou, prenant son téléphone avec elle et sa boite de médicaments, elle mit pieds dehors après une longue semaine passée seule dans son lit, sans aucun contact humain. Elle savait exactement où elle allait et pourquoi, même si elle n'y croyait pas, regardant le sol, par peur de croiser le regard jugeant de quelqu'un, elle inspira à fond, l'extérieur était vidé de ses couleurs, pour elle le monde était évanescent, intouchable, hors de portée, elle était incapable de gérer tout ce qu'il s'y passait, ça la submergeait trop rapidement.

Elle marcha le plus rapidement possible. Terrorisée à l'idée de prendre un transport en commun, elle faisait le trajet à pieds, elle en avait pour une bonne heure mais à vrai dire ça ne la dérangeait pas tant que ça. La solitude, elle en avait besoin. Elle inspira l'air frais de l'hiver et replongea dans ses pensées remplies de questions et sans réponses. Elle s'était levée et pourtant elle le regrettait, elle y avait mis toute sa volonté et était partie sur un coup de tête mais n'était plus sûre de son choix à présent. L'envie de faire demi-tour la brûlait et au moment où elle croyait céder, une jeune femme l'accosta, au début Sorhya ne comprit pas ce qu'elle disait, faisant de l'ordre dans sa tête. La jeune femme lui répéta sa question, mais Sorhya avait peur de la décevoir et en un regard paniqué et désolé, elle continua sa route, et le remord la saisit aussitôt, elle était sur le point de pleurer, alors elle marcha plus vite, souhaitant arriver au plus tôt.

Elle jeta un coup d'œil au trottoir de droite, et aperçut une fort jolie fille qui marchait d'un pas assuré, le regard de braise. Sorhya aurait tout donné pour être comme elle, mais elle se contenta de marcher en chouinant sur son propre sort. L'adolescente arriva finalement à destination, plus tôt que prévu, un pic de tristesse lui transperça le cœur quand elle rentra dans l'hôpital, elle y avait tellement de souvenir, sa mère y avait été hospitalisée après la déclaration de son cancer et s'en était sortie miraculeusement, de même lors de sa première hospitalisation pour son anorexie qui l'avait rendu trop fragile pour faire quoique ce soit, et puis après celle-ci, une série d'autres en suivis.

Elle se dirigea directement à l'accueil, le personnel la connaissait bien et la salua avec gentillesse. Une seconde fille à l'allure sombre et contrariée discutait avec Mathis, chargé de l'accueil aujourd'hui, et quelques personnes qui pourraient bien être ses frères et sœurs mais sûrement ses amis ou un truc du genre. Sorhya ne s'y intéressa pas plus, vite submergée par le bruit et l'agitation ambiante, comme habituellement, elle ferma les yeux et tenta de s'isoler de cet endroit mais tout ce qui se passa ce fut, sa chute. Elle resta recroquevillée au sol, jusqu'à ce que des médecins accoururent en un vacarme impressionnant. Elle se sentit tour à coup mal d'avoir provoqué ce dérangement ;

- Madame, vous m'entendez ? demanda une première voix, à laquelle elle ne répondit pas, puis des seconds bruits de pas se firent entendre, et une voix qui la rassurait et qu'elle connaissait prit la parole « Andrietti Sorhya, patiente trente-quatre »

Elle se sentit comprise, c'était Serge, un infirmier, en charge de l'aile psychiatrique. Il s'était toujours bien occupé d'elle et il était la seule personne à qui elle faisait confiance et la seule personne apte à la comprendre, alors que le personnel la montait sur un brancard, par précaution, il lui attachèrent les chevilles et les poignets avec les sangles, un processus qui la rassurait. Ils le faisaient à chaque fois qu'elle leur rendait visite.

Elle sentit les vibrations du brancard qui roulait sous elle, lui procurant du réconfort et un sentiment de sécurité, une sensation de paix lui réchauffa le cœur et elle se laissa bercer par le son des roulettes.

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