Sorhya était donc passé par la salle de soin, et en pleurs elle s'était réfugiée dans son lit, elle avait pris deux kilos, passant à quarante-et-un. Elle essayait de voir le bon côté des choses, elle irait mieux quand elle arrêtera de faire une fixette sur son poids, mais pourquoi était-ce si dur ? Elle se colla à son ours en peluche et fit sortir ses pensées par sa bouche.
- C'est pas grave, ça ira mieux après, tu es déjà toute mince non ? Non, je ne le suis pas, un peu quand même, non pas assez, les autres ne t'aimeront plus si tu grossis, reste mince et sois satisfaite de ça. Je veux juste être appréciée, cette Nimra est bête de passer à côté de moi, je suis géniale c'est vrai ça.
La tristesse disparut aussitôt pour laisser place à de la confiance. Un sentiment de toute puissance la prit, elle était la meilleure personne sur Terre. Elle recommença à faire le ménage dans sa chambre, jusqu'à ce que Serge toque à sa porte.
- On peut discuter Sorhya ?
- Bien sûr, ravie de te voir, comment va Nimra ?
- Ça je ne peux pas te le dire, ça ne te regarde pas, dit-il gentiment. Comment ça va en ce moment ?
- Je pète la forme, vraiment, mais je sens que mon humeur est de moins en moins puissante.
- C'est à dire ?
- J'ai l'impression de moins sentir ma phase de manie, je crois que je suis en train de me stabiliser, mais j'ai pas envie. Je vis ma meilleure vie là.
- C'est dangereux Sorhya, pour toi et les autres, tu le sais, continue de prendre ton traitement.
Sorhya ne voulait jamais rien entendre à ce propos, même si c'était Serge qui le lui disait, elle n'était pas un danger pour les autres et encore moins pour elle-même. Son avis à propos de sa maladie divergeait toujours. Quand elle déprimait elle savait qu'elle était malade et elle n'en pouvait plus mais lorsque c'était la phase maniaque elle allait bien, elle n'était pas malade. Même si elle allait "trop" bien et qu'elle présentait des comportements à risque, elle restait dans le déni, elle voulait tout faire quand elle était en phase maniaque, et elle n'avait plus cette barrière que les gens qualifient de bien ou de mal.
Pour Sorhya il n'y avait ni mal ni bien, juste un peu de tout. Elle ne regardait jamais les défauts de ce monde, elle n'en voyait que la perfection, elle ne regardait que ce qui lui plaisait. Mais est-ce une bonne idée ? Ce n'était pas parce qu'elle ignorait quelque chose, qu'il n'existait pas pour autant.
- Je sais pas, je sais rien Serge, je suis juste à bout, je vais jamais tenir toute ma vie comme ça.
- On sera toujours là pour t'aider en tout cas, tant que tu es ici tu n'as rien à craindre, je sais que ça se passe mal avec ton père, mais ici il ne viendra pas.
- Ce matin je croyais qu'il était là, je cauchemarde toute la nuit sur mon retour à la maison, souffla-t-elle. Mais bon je crois que je délire juste, elle sourit sur ces derniers mots.
- Ton traitement devrait commencer à faire effet, on t'a mis un bon anti-psychotique.
- Ma manie serait tellement plus marrante si j'avais les pieds sur terre et pas dans mon autre réalité. J'ai peur sans raison des fois.
- C'est un des symptômes de la manie, mais je ne suis pas psychiatre après, tu en parleras au docteur. Bon il va falloir que je te laisse.
Sorhya reprit son énergie en main dès qu'il disparut de sa chambre, elle avait du sport à faire, dans le but de maigrir encore, mais elle fut vite ennuyée par cette activité et en démarra une autre, du coloriage, puis après ce fut du rangement, des essayages de tenues puis elle repartit vers le réfectoire, seize heures arrivant à grands pas.
Que fut sa surprise quand elle vit Nimra, seule à une des tables, les yeux rouges et gonflés. Sorhya prit alors son courage à deux mains et s'assit en face d'elle. Elle allait retenter autant de fois qu'il le faudrait, mais elle voulait aider cette fille à tout prix.
- Ça va pas trop à ce que je vois. Tu veux pas qu'on discute un peu pour une fois ?
Elle garda la tête baissée et lui dit que si elle voulait alors pourquoi pas. Sorhya ressentait sa douleur, elle ne savait pas pourquoi elle était là, mais ça l'intéressait, pas juste par curiosité, elles avaient des choses en commun. Sorhya avait l'impression d'avoir trouvé la clé pour guérir, une amitié.
- Tu as vu le psychiatre, il t'a pas laissé sortir c'est pour ça ? Après je t'assure que tes parents peuvent venir te voir et tes amis aussi. Et tu peux même avoir des permissions.
Elle ne pouvait pas s'empêcher de parler, toutes ces idées qui lui traversaient l'esprit étaient si rapides, elle sortaient sans filtre, elle voulait être à l'écoute mais elle ne s'en sentait pas capable.
- Désolé si je parle autant, j'arrive pas à me contrôler, mais je vais essayer de me concentrer.
- Non c'est pas grave, dit son interlocutrice doucement
- Qu'est-ce qu'il se passe alors ?
Alors la brune leva la tête. Sorhya arborait un grand sourire en espérant que Nimra ne l'interprèterait pas mal , mais vu son air renfrogné, elle arrêta bien vite.
- Je ne me moque pas de toi, mais je suis comme ça c'est tout, je ne voulais pas te rendre triste.
- Non laisse tomber, j'ai pas envie d'en parler.
- Ici, on est tous victimes des psychiatres, je peux comprendre ne serait-ce qu'un peu, ne t'en fais pas, t'as besoin de parler à quelqu'un ici.
- Justement, il y a d'autres gens ici, continua Nimra sur une note plus agressive.
- Excuse-moi d'être aussi insistante, mais parlons de notre rencontre.
Elle vit Nimra se crisper soudainement, elle ne voulait sûrement rien entendre à ce propos, ça se comprenait mais Sorhya voulait lui apporter du soutien.
- Je sais que c'était ton frère, on a vécu la même chose, on peut se comprendre là-dessus non ?
Nimra se détendit un peu mais elle garda son air peu commode.
- Écoute Sorhya, je ne suis vraiment pas prête pour en parler, tu peux le comprendre ? elle dit cela d'une voix douce qui étonna la blonde. Sorhya ne put qu'hocher la tête.
- Tu veux qu'on parle d'autre chose pour être plus détendues ?
Nimra releva la tête, un léger sourire sur les lèvres. Sorhya avait réussi, elle n'était plus malheureuse, du moins c'est ce qu'elle pensait.
- Je veux bien te parler du pourquoi je suis ici. On est arrivées en même temps après tout.
- Le destin ne se trompe jamais, compléta Sorhya.
- Il a pas manqué son coup, ça c'est sûr. Tout le monde me dit que je suis dans le déni, et si c'était vrai ? Au fond de moi je doute, mais je n'ai pas envie de douter, je veux être sûre, ajouta Nimra. On m'a dit que j'avais des troubles psychotiques.
Sorhya réfléchit un instant, elle en connaissait pas mal sur les maladies mentales, les concernés étaient souvent les plus renseignés ça semblait logique. Les troubles psychotiques c'est dur à vivre, ça elle le savait, mais chacun avait sa propre expérience avec. Sorhya pendant les phases maniaques, des fois les rencontrait, mais sûrement pas de la même manière que Nimra.
- Si on te l'a dit c'est peut-être vrai, mais je suis pas le médecin moi. En tout cas, ça te fera du bien de t'ouvrir un peu, tu n'es pas obligée maintenant, mais ma porte restera toujours ouverte pour toi.
Sorhya voulait lui montrer qu'elle pouvait compter sur elle ici, aussi seule qu'elle puisse penser être.
- Merci, lâcha finalement Nimra, un petit sourire sur le visage.
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Non-FictionCette histoire se passe dans un hôpital psychiatrique pour adolescents, deux jeunes filles vont se rencontrer, Sorhya et Nimra. Elles essaieront de guérir de leur passé et de leur présent pour un futur meilleur.