🔞 Two Birds [Urban Romantasy]

Prologue

Dans le silence ronronnant de la capsule, la route défile si vite que les paysages semblent s'étirer. Al s'est assoupi, la tête posée sur l'épaule de Cathy. Elle caresse du pouce la grande main qu'elle tient dans la sienne. Avec douceur, elle observe son prince endormi. Cela fait trois heures qu'ils voyagent en direction de la Suisse, et cette semaine a été très... complexe à gérer.

Après avoir vaincu Adonis, Al était épuisé au point de dormir deux journées consécutives. Tous les employés se sont vu offrir des congés le temps que Gehlal s'assure que la tour soit en "bon état", ou plutôt "praticable". La réalité revenait doucement, à quelques détails près : des étages ont changé de places, des objets aussi, la couleur de certaines machines n'est plus la même ou ressemble au camaïeu en laine crocheté par mémé.

Une rumeur raconte même que Marcel aurait changé d'apparence... les paris sont ouverts : loutre ? Etoile de mer ? Caniche ? Tant de possibilités.

Lorsqu'ils sont surgit pour s'attaquer à Adonis, quelques lapins s'étaient blessés, Daniel les a emmenés chez lui pour en prendre soin avec l'aide de la vétérinaire. Mika s'est découvert une passion pour veiller sur ces boules de poils fragiles : ça redore peut-être son égo de fauve protecteur, mis à mal durant la confrontation avec le cauchemar.

Mais le plus dur fut la gestion des journalistes. Natacha a accepté de revenir au sein de l'entreprise. Gehlal avait suffisamment confiance en elle pour ne pas lui avoir effacé la mémoire quand elle a été « remerciée » par Carl. Natacha est ensuite allée de front, dès le troisième jour, sur les plateaux télé pour expliquer le flash de la tour, la nuit où Al avait disparu :

— Il s'agissait de tests pyrotechniques pour un spectacle réservé aux employés. Mais je vous assure que nous n'avons rien à voir avec les hallucinations collectives. Des hobbits dans un frigo ? C'est impossible, voyons.

Ensuite, justifier pourquoi l'immeuble tombait en morceau :

— Et bien justement, c'est le show en question. Nous avons utilisé de nouvelles technologies de projection holographique sur la tour. Le résultat était bluffant n'est-ce pas ? Sachez que nous ne la vendrons pas : son rendu réaliste pourrait être détourné.

Sans parler de l'affaire des deux frères :

— Écoutez, laissez la police faire son travail. Dès que j'aurai de plus amples informations, croyez bien que vous en serez les premiers informés.

L'image du PDG de Corporate est désormais connue du public : des clichés ont fuité lors de son transfert et séjour à la clinique. Tout le monde veut désormais voir à l'antenne cet homme si... photogénique. Les théories les plus folles courent sur les plateaux et on s'arrache les quelques images de lui sur les réseaux sociaux.

Al, à peine réveillé, s'était pris tout ce tapage comme un bus en pleine tête.

Harcelé par les médias, les problèmes de réalité à gérer dans la tour, les actionnaires mécontents et les groupies, le jeune couple n'a pas eu de temps à s'accorder. Mais si ce n'était que ça...

L'archiviste est prise dans ses questionnements, créant des hésitations. Ce n'est pas l'envie de se lier à Al de nouveau qui lui manque, bien au contraire, et ça lui pèse. C'est ainsi que Cathy a décidé de consulter Daniel il y a deux jours :

— Ça se passe bien entre vous ?

A-t-il demandé, après avoir fait un bilan sur tout les événements qui s'étaient produits récemment autour de Corporate, et la confrontation avec Adonis.

— On ne passe pas beaucoup de temps ensemble à cause de tout ce bazar, j'ai hâte que ça redevienne calme. Al est tellement fatigué, j'ai peur de l'embêter pour rien...

L'ange l'a observée méticuleusement, il commence à bien la connaître.

— Cathy, je ne parlais pas de ça, a-t-il dit en tendant vers elle un cookie qu'elle s'est empressée d'enfourner dans sa bouche.

— Oh, nouveau parfum : chocolat blanc, pécan et cerise confite ?

— Tu détournes le sujet, tu sais très bien de quoi je veux parler.

Cathy a avalé sans rien dire, puis a fini par craquer :

— On est... On a pas..., elle a saisi un autre biscuit, pas refait.

— C'est un problème ? Il y a des couples qui n'ont pas besoin d'activité sexuelle pour être heureux, il l'a vu rougir.

Cathy s'est souvenu qu'autrefois, elle était une femme active dans son couple, avant que tout ne dérape bien sûr.

— Je me pose tout un tas de questions. J'aimerais retrouver l'assurance que j'ai eue lors de notre première fois, mais j'ignore où elle est passée.

— Tu voudrais bien, mais tu as un blocage ?

— Je ne sais pas ce qu'il préfère, s'il peut me dire non, ou qu'il n'aime pas quelque chose. Et... moi non plus : je ne sais plus ce que j'aime.

— Je pense qu'il se pose les mêmes questions que toi : mais il n'est pas le plus doué pour s'exprimer. Vous avez besoin de passer du temps ensemble en tant qu'amants. Je suis certain qu'un peu de vacances va énormément vous aider.

Le souvenir se dissipe dans le doux ronronnement de la capsule. Cathy se dit que c'est à ce moment-là que Daniel à eu cette idée, avec l'aide de Vincent, de leur offrir un petit séjour. C'est ainsi que le jeune couple se retrouve dans la Lapoloréane en direction de la Suisse.

Loin de tout, juste eux deux, se connaître dans l'intimité. Car, hormis quelques courts instants, ils n'ont jamais été seuls longtemps. Et une sexualité, ça ne se trouve pas entre deux photocopieuses.

Enfin, elle pense.

La nuit est tombée depuis une bonne demi-heure quand elle remarque que le véhicule prend une route forestière. Au bout d'un moment, les arbres s'écartent et la silhouette d'une résidence se dessine. Le char s'arrête. Doucement, Cathy réveille Al d'un baiser sur le front et s'émerveille quelques secondes de ses yeux étoilés qui s'ouvrent au monde. Il lui sourit, leurs cœurs palpitent ensemble.

Lorsqu'ils mettent le pied dehors, le paysage nocturne leur coupe le souffle.

Le bois de la maison semble absorber la pâleur lunaire. Sa toiture triangulaire pointe vers un ciel étoilé qui se reflète dans un petit lac ovale. Un long ponton mène vers deux barques. L'air est frai, avec des fragrances de résine herbacée. Tout est parfaitement immobile, comme cette forêt aux sapins immenses enfermant ce petit coin dans un écrin de calme. Ça leur évoque le souvenir du séminaire.

Après avoir sorti les valises de la cabine, la Lapoloréane repart : elle reviendra exactement à l'heure et jour prévu : ils sont vraiment seuls.

Daniel ne plaisante pas.

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Alors, comment vous vous sentez ?  :'3