23 h 39. J'avais passé une autre nuit de merde et j'étais maintenant à jeun depuis deux jours. Mais il y avait pire ; je ne me souvenais même plus de ma dernière partie de jambes en l'air.

Alors ce soir, mon corps en manque de toute part me conduisit une fois de plus jusqu'à son antre...

Je tapais de toute mes forces sur sa porte jadis blindée mais que mes nombreux accès de colère avaient finis par désosser. Une putain d'impression de déjà vue s'imposa à moi. Une de celles qui se répétaient en boucle dans ma vie... Et l'odeur des gamins d'en face me faisait monter dangereusement l'eau à la bouche alors que la faim s'insinuait dans mes tripes.

« Je suis dans la merde... »

Je pris encore un peu plus sur moi. Commettre un carnage devant les yeux de Sil, sur son territoire, m'aurait valu sa furie pendant des siècles.

— Quoi ? me lança-t-elle enfin depuis l'intérieur.

Cette nana avait vraiment le don de trouver les boutons contrôlants mes nerfs.

J'ai la dalle, et faut vraiment que je baise, avais-je envie de lui répondre juste avant de me raviser et de suivre le peu de raison que je possédais encore.

— J'ai rien de spécial à faire ce soir...

— Et donc tu as pensé à moi ?

— Non, je pensais plutôt à une pucelle en chaleur mais j'en ai pas trouvé, marmonnais-je depuis le couloir.

Je respirais par la bouche afin d'éviter le fumet délicieux qui m'attirait toujours un peu plus près du point de non retour.
Elle ne me répondit même pas.

— Je déconne Sil, je pensais qu'on pouvait avancer tous les deux, tu sais, ton idée de génie...

Le son du verrou m'apprit que ma réplique avait fait mouche.

"Touché ma Belle..."

—Tu tombe bien, faut que je te montre un truc.

— Ah bah voilà, on baise avant ou après ? osais-je alors en la suivant comme un toutou au cœur de son appartement.

Arrivés à sa chambre, Sil était déjà nue, prête, elle m'attendait. Comme à son habitude, elle avait abandonné ses fringues, éparpillées aux pieds de son lit.
Je me déshabillais à mon tour, sans complexe.

—J'ai dit que j'avais un truc à te montrer, ne t'emballe pas. On ne va pas baiser.

J'en restai sans voix, là, comme ça, comme un con à poil seul avec mon érection.

— Ramène toi !

Déjà, Sil s'impatientait sur le balcon. Elle sautillait d'un pied sur l'autre, prise entre le froid et l'excitation. Elle avait laissé la porte-fenêtre grande ouverte, permettant à l'air vivifiant de pénétrer la pièce à sa guise. Le parfum de la nuit qui s'y engouffra m'électrisa et, en un réflexe épidermique, mon corps répondit. Sa lampe de chevet s'écrasa au sol où quelques feuilles vinrent la retrouver. Je la rejoignis dehors avant d'endommager davantage sa pauvre piaule.

Je savais ce qu'elle attendait de moi.

Je l'attrapais et plaquais son dos contre mon torse. Mes bras nus et recouverts de tatouages stupides, comme elle aimait me le rappeler, lui écrasaient la poitrine tout en la retenant prisonnière. À ce stade, je gagnais toujours.

Puis je nous jetais tous deux dans le vide.

Le long de notre chute, j'appréciais la morsure du froid qui me brûlait la peau. Je laissais la chaleur de son corps contrôler le mien. Mon cœur vibrait enfin. Juste avant de toucher le sol, elle déplia violemment ses ailes et m'envoya valser. Habituellement, je me servait de cet élan pour la devancer et choisir ainsi notre future destination. C'était un jeu puéril que nous avions instauré, comme tant d'autres au cours de ces dernières années.

— Alors, on va où ? l'interrogeais-je en plein vol.

— On va retrouver Issac en ville.

Si mon cœur n'était pas déjà aussi dur et froid qu'un caveau, il se serait arrêté net à cet instant. Foudroyé par la trahison et la jalousie toutes deux réunies au sein de la même arme. Sil !

— Issac ? Mais qu'est ce que mon frère vient foutre dans l'équation ?

Voir sa gueule était bien là dernière chose dont j'avais envie en ce moment.

— Il m'a bien aidé en ton absence. On a avancé.

J'arrêtais ma course en plein vol. Elle s'en aperçut quand elle m'entendit gueuler derrière elle.

— En mon absence ? Tu te fou de moi ?

Je fulminais, j'avais envie de la jeter au sol avant d'aller le fracasser, lui !

Mais avant même que je ne réplique d'avantage, Sil me sauta à la gorge et commença à m'étrangler. Elle essayait de m'arracher la tête, mais déjà je lui avais planté mes griffes dans les rétines.

M'entraînant au sol, elle essayait de m'écraser de tout son poids et je vins lui lacérer le visage. Elle fouilla mon cou de ses dents à la recherche d'un point vital ; j'en fis de même, et fus plus rapide.
Alors elle relâcha son étreinte et leva les bras en signe de soumission.

« Petite joueuse »

Je ne desserrai pas les mâchoires pour autant, certain qu'elle essaierait de me biaiser encore une fois. Je connaissais l'énergumène mieux que ma propre personne. Elle tentait pitoyablement de me supplier. Ses plaintes s'étouffaient avec elle. Sa gorge était en sang et venait goutter sur les herbes hautes d'un parc dans lequel nous avions atterris. Levant les yeux au ciel, j'acceptai de lâcher prise. Le combat n'avait pas duré plus de cinq minutes mais au moins les choses étaient claires à présent. J'avais beau avoir échoué à notre dernier pari, j'avais toujours le dessus physique sur elle.

J'aperçus alors Sil se pencher vers moi et venir me lécher la bouche avant d'y écraser ses lèvres. Un gémissement involontaire monta dans ma gorge endolorie. Croisant son regard, j'y lus toute la rage que cet être possédait, mais aussi toute sa beauté. Glissant ses doigts dans mes cheveux, elle m'attira brusquement la tête sur le côté et vint distribuer tout le long de ma nuque des baisers brûlants et humides. Sa langue qui parcourait mes épaules électrisait chaque parcelle de ma peau sur laquelle elle se promenait.

J'étais au bord de l'explosion quand elle s'arrêta.

— Je te donnerai ce que tu désires quand tu m'offrira ce que je veux moi. On rejoint Issac devant le club des Gargouilles militantes, puis on avisera. Tu me suis ou pas ?

Il me fallut plusieurs secondes de réflexion. Il me fallut reprendre mon souffle et faire redescendre toute cette tension avant d'acquiescer en silence et de la suivre dans son délire, encore une fois.







Code -Azarine-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant