— Arrête un peu de grincer des dents, tu me fais mal au crâne.

Sil faisait sa maline. Elle était sortie victorieuse de notre dernier pari où elle avait su conquérir avant moi le faible cœur d'un humain aussi inutile qu'attirant. Cela aurait pu se terminer proprement si elle avait respecté les règles. Si elle n'avait pas fini par le gober tout cru en solitaire avant de pousser ma propre proie au suicide...

"La chienne."

C'est vrai qu'elle avait fait fort sur ce coup là !

Après quoi, elle avait disparue trois semaines, ou plutôt fugué je ne sais où avec mon abrutis de jumeau. Elle était réapparue sans aucune explication, m'avait tout foutu sur le dos, et me prenait depuis près de 48h pour son chien de compagnie.

Comme un clébard, je devais maintenant répondre au moindre de ses caprices en frétillant de la queue.

Si bien que ce soir, nous étions tous trois perchés à la cime d'un chêne urbain et époumoné. Nous guettions depuis 15 minutes l'entrée d'un petit immeuble moderne du centre ville censé héberger le fameux Club. Intégrer le Club des Gargouilles Anonymes, enfin, m'y intégrer surtout, était apparemment son nouveau délire.

La brise m'envoyait le parfum de Sil en pleine face. Il me caressait les sens. Chaque passant déambulant quelques mètres au dessous de nous était également une source de torture physique face à mon jeun de 2 jours.

Entre ça, mes phéromones en ébullition et mon connard de frangin sur les basques, je n'arrivais pas à me concentrer.

Mon frère me lança un regard réprobateur, m'ordonnant en silence de me reprendre. Je refrénai alors les sifflements stridents qui bataillaient dans mon gosier.

Sil possédait sur moi le même effet que toutes les drogues réunies. Elle m'enivre, m'apaise, me shoote, me détruit et m'emporte au paradis. Comment allais-je pouvoir avancer à ses côtés sans pouvoir y toucher ?

"Amis. "

C'était apparemment aussi une de ses dernières idées. Ce qu'elle venait de m'apprendre juste avant d'arriver ici. Sur le moment j'ai tellement ri que mes abdos s'en souviennent encore. Comment allais-je pouvoir avancer à ses côtés sans qu'elle soit mienne ?

"Sil, tu sais bien que toi et moi on ne pourra jamais être juste des amis ? Tu le sais hein ?" lui ai je alors répondu.

"A toi de voir mais pour le moment, c'est tout ce que j'ai à te proposer."

C'est qu'elle avait l'air si convaincu que je  me suis dit qu'il valait peut être mieux la suivre dans son délire plutôt que de la perdre à nouveau. De l'abandonner aux bras envieux de mon frère. Alors je vais faire le canard, le jeu du meilleur ami. Comme si entre elle et moi c'était réalisable. Comme si l'un ou l'autre ne finirait pas par céder. Par craquer.

« Juste impossible... »

— Allez, accouche Sil. Balance les règles. Qu'est ce qu'on fout ici au juste ?

— On attend.

— Ça j'avais compris, merci. Et qu'est ce qu'on attend de si passionnant ?

— L'avenir... me répondit Issac.

— Toi je ne t'ai rien demandé.

— Fermez la un peu tous les deux.

Je détournais la tête, fuyant ses iris dorés tel un gamin boudeur. Moqueuse, elle reprit.

— A minuit pile, l'équipe projet du Club fera son entrée par ici.

— L'équipe de quel projet au juste ?

— L'équipe du "projet Sol".

— Sol... Sol pour ? Do ré mi fa Sol ? Solitude ?

— Sol pour Soleil, fit mon fayot de frère.

— Ah oui... Le soleil, c'est vrai... et donc ?

— Et donc on va les attendre, puis les suivre jusqu'à chez eux. On en prendra chacun un. Jusqu'à ce qu'on mette la main sur le projet intégral et qu'on débusque avant eux un des descendants d'Azarine.

Et nous y voilà... Sil et sa nouvelle lubie du moment... Le soleil... Briller aussi bien dans la nuit que dans la lumière du jour interdit.

 Persuadée d'être plus intelligente que toute l'équipe de recherche du Club réunie, elle pense pouvoir mettre la main avant eux sur les rejetons d'une soit disant sorcière périmée depuis la nuit des temps. Pour cela, on devra faire profil bas et se taper de la viande de supermarché. Terminés nos excitants plans de chasse à l'homme. Bye bye nos délicieuses soirées de traque party.

Si je voulais de nouveau m'éclater avec ma femelle, je n'avais d'autre choix que de rallier sa folie et d'accepter son projet foireux. J'allais devoir me taper ces débiles de gargouilles bouffeuses de steak. J'allais devoir trouver ces putains de descendants à la con. J'allais devoir supporter mon frère et surtout, surtout, mon instinct me soufflait que j'allais pouvoir ranger ma queue pour un bon bout de temps...

"Ah femelle... tout ce que tu voudras"

A minuit pile, ils entrèrent. Deux gars, un tout grisonnant et un d'environ notre âge, accompagnés d'une femme, plutôt pas mal.

A deux heures du matin, alors que mon cœur hésitait entre étriper mon frère, sauter sur ma femelle ou me barrer de mon côté, ils refirent leur apparition.

— Va pour une partie de cache cache, lançais alors soulagé de m'occuper le corps et l'esprit plus sainement.

— Tu gère la nana, tu sais faire ça Gabe, hein ? me nargua t-elle.

—Mieux que toi en tout cas, je te rappelle que t'as mangé ton dernier jouet et ruiné le mien !

— Va te faire Gabe, moi je prends le beau brun... me lança t-elle en même temps qu'un de ses regards de veuve noire sanguinaire.

Je l'aurais dépecé sur place, elle et ce mâle végan qu'elle allait filer jusqu'à sa tanière. Je chassais cette image d'eux de ma tête au risque de passer à l'acte pour de bon.

Puis on attendit qu'une distance de sécurité se créait entre nous et nos nouvelles cibles, avant de décoller, impatients par cette petite touche de piment qu'avait apporté Sil à notre soirée éternelle.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 05 ⏰

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