1 - La rencontre

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Hadriel

Discrètement, je consulte ma Patek Philippe tandis que le notaire continue d'énoncer la répartition des biens qui reviennent à Sissi. Sissi. Quelle drôle d'idée d'attribuer un tel prénom à son enfant. Sans l'ombre d'un doute, la mère doit être aussi excentrique que la fille. Voire plus encore. Ça promet.

Je jette un oeil à cette dernière, occupée à mâchouiller son chewing-gum telle la parfaite doublure d'une vache au milieu d'un pré qui rumine. Ce qu'elle peut manquer d'éducation...C'est affligeant. Mes yeux réprobateurs l'étudient sous toutes ses coutures, profitant qu'elle soit concentrée sur Monsieur Rossi en train de faire la lecture du testament. La petite brune excentrique s'habille comme si Jane Birkin était encore parmi nous pour influencer la mode dans la rue. Aujourd'hui, elle porte une robe indécemment courte sous un manteau officier qui doit davantage être adapté à ma morphologie qu'à la sienne. Objectivement, si on fait abstraction de son tempérament de garce, Sissi Ricci est une très belle jeune femme. Je lui trouve des airs évidents de Barbara Bach en Bond Girl. Le même genre de beauté froide qui semble inaccessible. Inébranlable.

Lorsque Sissi surprend mon regard vagabonder sur elle, ses yeux bleus se plissent et deviennent aussitôt menaçants. Ils semblent vouloir me faire passer un message du style « t'as la permission de me mater, connard ? ». Je hausse les épaules, pas impressionné pour un sous, avant de détourner mon attention. Mais à peine elle détourne la sienne que je reviens à son profil.

Un lent sourire me vient en repensant à l'autre jour à la boutique. Je l'avais appelée Elisabeth parce que j'étais persuadé que Sissi en était le diminutif. Mais non, ce nom digne d'un pseudo d'actrice porno - « Sissi Ricci » - est bien l'officiel. Quand je pense qu'elle a feint de ne pas me reconnaitre ce même jour. Quelle connasse. Pas étonnant que ma grand-mère et elle étaient comme cul et chemise, de vraies teignes.

Pressé d'en finir, je retourne me concentrer sur l'élocution du notaire Renato Rossi. La boutique de vieilleries de ma défunte grand-mère revient sans surprise à Sissi ainsi que son rat Rotschild, sa collection de foulards Hermès vintage, ses tabourets de bar Effezeta Clover Leaf, le service en porcelaine Villeroy et Bosch et encore bien d'autres bibelots sans aucun intérêt. La liste est si interminable que je me mets à divaguer, jusqu'à me perdre dans mes pensées. Ou plutôt dans mes souvenirs.

✿✿✿

Deux ans plus tôt.

Agacé d'avoir dû emprunter les escaliers à cause de l'ascenseur en panne, j'atteins le palier du cinquième étage avec les nerfs en pelote. Tout ça parce que cette vieille peau de Ginevra refuse de répondre aux appels de mon père qui s'inquiète pour sa mère, qu'il juge trop vieille que pour continuer d'habiter seule. Enfin, quand je dis qu'il s'inquiète...juste suffisamment que pour m'envoyer  moi - son fils très occupé - mais pas assez non plus pour s'en charger lui même.

Je plie le coude pour regarder ma montre qui affiche déjà seize heures moins le quart, avant de relever la tête...et de réaliser que je ne suis pas seul.  Une petite brune se tient là, dos à moi, et elle porte un jean si taille basse qu'il pourrait très bien provenir de la garde-robe de Britney Spears. Son string blanc dépasse franchement lorsqu'elle se penche en avant pour déposer le sac en carton qu'elle tenait dans ses bras. J'ai un début d'érection à cette vision, ce qui est totalement déplacé. Je me racle la gorge pour signaler ma présence et la potentielle voisine de palier de ma grand-mère se détourne aussitôt pour me jeter un regard méfiant.

— Bonjour, m'empressé-je de la saluer.

J'affiche un sourire que j'essaie de rendre authentique et aimable, histoire de lui démontrer que je suis inoffensif et pas un squatteur d'immeuble ou un cambrioleur.

A Crazy Love StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant